Mme Khady Evelyne Denise NDIAYE, Directeur du Secteur Privé, au Département du développement de l’Entreprise, des Mines, de l’Energie, et de l’économie Numérique de la Commission de l’UEMOA, aborde dans cet entretien exclusif la stratégie d’encadrement des Partenariats Publics-Privés (PPP) au sein de l’espace UEMOA. C’était à la mi-novembre 2022, en marge de l’atelier d’information et de sensibilisation des journalistes des Etats membres de l’UEMOA sur le Cadres d’Actions prioritaires CAP 2025 de la Commission de l’UEMOA.
L’UEMOA a adopté un nouveau cadre réglementaire pour les PPP. Quelles sont les grandes lignes du nouveau texte ? Quels sont les objectifs visés ?
Le Conseil des Ministres en date du 30 septembre 2022 a en effet adopté trois (03) textes importants qui constitue le nouveau cadre des PPP dans l’UEMOA. Il s’agit de :
– la décision n° 07/2022/CM/UEMOA portant adoption de la stratégie d’encadrement des partenariats public-privé dans l’UEMOA ;
– la décision n° 08/2022/CM/UEMOA portant modalités de mise en
œuvre de la stratégie d’encadrement des partenariats public-privé dans l’UEMOA ;
– la directive n° 01/2022/CM/UEMOA portant cadre juridique et institutionnel des partenariats public-privé dans l’UEMOA.
En substance, la Stratégie d’encadrement des PPP dans l’espace UEMOA a pour objectifs de promouvoir le développement socioéconomique à travers, notamment, des projets structurants et durables à même de soutenir la croissance économique, de créer davantage d’opportunités pour le secteur privé communautaire, de créer des emplois durables et de favoriser un accès plus accru aux services sociaux de base, d’accélérer le processus de décentralisation et de favoriser la convergence économique, l’intégration et les échanges intracommunautaires.
La Directive quant à elle vise à mettre en place un cadre juridique et institutionnel harmonisé au sein de l’Union, qui traduit les orientations définies par la stratégie, régit le processus de planification et de mise en œuvre des projets nationaux en mode PPP et offre une meilleure sécurité juridique aux Etats membres de l’Union et aux investisseurs.
La vision de l’Union en matière de promotion et d’encadrement des PPP est celle « d’un espace économique prospère, doté d’infrastructures socio-économiques de base nécessaires pour son développement économique et social, fondé sur un partenariat efficace, équitable et durable entre le secteur public et le secteur privé. »
En matière de promotion des PPP, l’Union se donne pour mission « d’offrir aux populations de l’Union des infrastructures et des services de qualité, dans des conditions sécurisantes, économiquement avantageuses pour les Etats membres». Permettez-moi de saisir l’occasion pour remercier tous les acteurs qui ont mis à profit leur expertise et permis d’arriver à cet achèvement.
Est-ce que le nouveau cadre prend en compte les exigences environnementales (ESG) ?
Le nouveau cadre prend effectivement en compte les exigences environnementales. D’une manière générale, les PPP doivent obligatoirement prendre en compte les objectifs de développement durable, notamment dans leurs dimensions environnementale et sociale. De même, le titulaire d’un PPP est soumis au principe de respect des normes édictées en matière d’achat durable, d’environnement et de Responsabilité Sociétale des Entreprises ;
Par ailleurs, la Directive prévoit l’obligation de prendre en compte les exigences environnementales liées aux PPP tout au long du cycle de vie d’un projet :
• Au stade de l’identification et de la priorisation des projets susceptibles d’être réalisés en PPP par les autorités contractantes : La procédure d’identification et de priorisation des projets nécessite, entre autres, la réalisation d’une étude préliminaire environnementale et sociale (article 7 – Identification et priorisation des projets) ;
• Au stade de l’évaluation préalable des projets de PPP identifiés et priorisés : cette évaluation doit comprendre, entre autres, une analyse démontrant que le projet présente une utilité économique et sociale ainsi qu’un bilan environnemental positif. Il appartient aux Etats membres de définir ses modalités de réalisation et de validation (article 8 – Evaluation préalable) ;
• Au stade de l’évaluation des offres, il est expressément prévu que les critères d’attribution peuvent inclure des critères environnementaux et sociaux (article 30 – Examen des offres) ;
• Au stade de l’exécution du contrat, le contrat signé contenant des clauses liées aux exigences environnementales, les autorités contractantes devront contrôler leur bonne exécution par le titulaire. En cas de non-respect, des pénalités pourront être appliquées par les autorités contractantes.
Si l’on considère le domaine de l’Energie, on voit une variété de PPP. Quel est l’encadrement prévu à cet effet ?
Selon la Banque mondiale, les PPP dans le secteur de l’énergie revêtent différentes formes, tailles et structures et sont principalement utilisés dans les domaines de la production et de la transmission. La méthodologie employée varie en fonction du lieu, du gouvernement et des caractéristiques de l’exploitation. Chaque PPP est, par conséquent, adapté aux besoins et à la situation existant au moment de la création du partenariat.
Je pense que vous faites surtout allusion aux projets indépendants de production d’électricité (IPP). Pour ce qui concerne le cadre UEMOA, tous les secteurs d’activité sont couverts. D’une part, les seules formes de PPP qui peuvent être conclues dans le domaine de l’énergie sont celles définies par la Directive et d’autre part, le régime de ces PPP est celui défini par la Directive.
Les Etats membres veillent à ce que les autorités contractantes prennent en compte les réglementations techniques sectorielles. Les règlementations nationales dans le domaine de l’énergie qui ne sont pas conformes aux dispositions de la directive devront être révisées.
Certains des pays de l’UEMOA ont mis en place un cadre légal permettant une participation du privé local. Y-a t-il un volet prévu pour cela dans les nouvelles disposions ?
La participation du secteur privé local aux PPP est l’un des grands objectifs qui a conduit à mener une réforme des PPP dans l’espace UEMOA. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs ce chantier a été confié par les Autorités de la Commission de l’UEMOA au Département en charge du développement du secteur privé.
Au niveau de la Stratégie, la participation du secteur privé local occupe une place centrale puisque l’un des quatre axes stratégiques y est consacré et a pour objet de renforcer la participation du secteur privé communautaire aux PPP. Il est attendu de la mise en œuvre de cet axe le résultat stratégique suivant : un secteur privé communautaire qualifié, compétitif et majoritaire dans la mise en œuvre des PPP dans l’espace UEMOA.
Au niveau de la Directive, elle traduit une partie des orientations définies dans la stratégie sur ce sujet. Ainsi, elle prévoit une disposition relative à l’accès des PME communautaires aux PPP où l’un des critères de publicité, d’attribution et de signature du PPP est la part d’exécution que le titulaire s’engage à confier à des PME communautaires. Il faut noter également la prise en compte du nombre de créations d’emplois et des modalités du transfert de technologie et de compétences proposées parmi les critères d’attribution d’un PPP dans l’UEMOA.
Une autre disposition est prévue et est relative aux PPP réservés aux entreprises communautaires. En effet, Les Etats membres peuvent prévoir que les PPP dont la valeur est inférieure à un seuil qu’ils ont défini sont réservés aux entreprises communautaires.
Il faut préciser que la Directive harmonise et clarifie le sens de la notion d’entreprises communautaire en prévoyant que « sont considérées comme des entreprises communautaires, au sens de la présente Directive, celles qui sont immatriculées au registre du commerce ou des métiers et dont le siège social est situé sur le territoire d’un Etat membre ».
Souvent les dispositions communautaires sont faussées par des mesures fiscales nationales. Le nouveau cadre sur les PPP englobe-t-il ces aspects ?
La Stratégie prévoit une évaluation de l’opportunité d’un régime fiscal approprié pour les PPP et, le cas échéant, l’élaboration de ce régime ainsi que l’élaboration d’un code communautaire des investissements prenant en compte les PPP.
La Directive quant à elle, après avoir rappelée dans ses visas que « Les Etats membres devraient favoriser le développement des Partenariats Public-Privé en instaurant un régime fiscal approprié », dispose qu’un « Régime fiscal et douanier » doit être défini en prenant en compte certains critères.
Quelle est la synergie entre les cadres relatifs aux PPP au niveau CEDEAO et UEMOA ?
La Commission de l’UEMOA a appuyé la Commission de la CEDEAO dans l’élaboration des lignes directrices adressées aux Etats membres et de la Politique régionale PPP car en effet nous étions plus avancés dans le domaine. Nous nous sommes donc assuré de la compatibilité des textes UEMOA et CEDEAO et pouvons indiquer que les actions à mettre en œuvre par les Etats au titre de la Stratégie UEMOA ainsi que les dispositions de la Directive UEMOA sont compatibles avec les orientations de la CEDEAO. Les deux institutions s’inscrivent dans les mêmes objectifs et visent à contribuer à leur réalisation effective.
Encadré
Définition de PPP au sens de la Directive UEMOA
Partenariat Public-Privé : le contrat écrit conclu à titre onéreux pour une durée déterminée entre une autorité contractante et un opérateur économique, qui est, selon son objet, les modalités de rémunération du titulaire et les risques transférés, qualifié de Partenariat Public-Privé à paiement public ou de Partenariat Public-Privé à paiement par les usagers. Le contrat fixe les conditions dans lesquelles sont établis le partage et le transfert des risques entre l’autorité contractante et le titulaire.
Le titulaire assure la maîtrise d’ouvrage des travaux, des ouvrages ou des équipements à réaliser.