Par un arrêt en date du 16 décembre 2022 dernier, la Cour Constitutionnelle a déclaré anticonstitutionnelle les dispositions de l’article (16 nouveau) de la loi, modifiant et complétant la loi n°2011- 12 du 27 juin 2011, portant indemnités et avantages des députés. Intervenue au mois d’octobre dernier, la modification de cette loi fixant les indemnités et avantages des députés a suscité, comme on le sait, un concert d’indignation au sein de l’opinion nationale. Et à juste raison ! Les Nigériens ne peuvent pas comprendre et admettre que les élus nationaux augmentent substantiellement leur revenu dans un contexte où le pouvoir d’achat de l’écrasante majorité de la population est en nette régression, du fait de la cherté croissante de la vie. Une flambée du coût de la vie exacerbée ces dernières années par de nouvelles mesures fiscales antisociales et une hausse débridée des prix des produits alimentaires et non alimentaires face auxquelles les populations sont laissées à elles-mêmes. Dans l’espoir de faire taire la contestation populaire, l’Assemblée nationale a laissé entendre que la modification de la loi ne porte pas sur une quelconque augmentation du taux de leurs indemnités et avantages ; bien au contraire, les députés accusent même une perte de revenu d’un montant de 16.000 francs CFA dans l’opération. Un gros mensonge que l’arrêt de la Cour Constitutionnelle a mis à nu, comme on peut le constater, à travers ces arguments qu’elle a exposés pour rétorquer la loi.
Les preuves de l’imposture des députés
Pour la Cour Constitutionnelle, la modification dans l’article 11 (nouveau) des termes ‘’d’une indemnité compensatrice de transport de cent mille (100.000) francs CFA», contenus dans le second tiret de la loi modifiée, par «d’une indemnité de roulage de cent mille (100.000) francs CFA’’, n’a rien de contraire à la loi fondamentale. Par contre, l’article 16 (nouveau), qui modifie au niveau de son premier tiret les termes ‘’frais d’exercice de mandat : 200.000 F CFA’’ par les termes ‘’- frais représentatifs de l’exercice de mandat : 525.000 F CFA’’ ne passe pas parce que cette modification rehausse de 325.000 FCFA le montant des frais représentatifs de l’exercice de mandat. Tout comme d’ailleurs le second tiret de l’article 16 (nouveau) qui rehausse l’indemnité ‘’frais de restitution’’ de 200.000 F CFA à 525.000 F CFA, soit une augmentation de 325.000 F CFA’’. Le troisième tiret de l’article16 (nouveau) qui rehausse l’indemnité ‘’frais de secrétariat’’ de 100.000 F CFA à 200.000 F CFA, soit une augmentation de 100.000 F CFA, constitue aussi une modification inacceptable au regard des dispositions de l’article 102 de la constitution qui stipule : ‘’Les traitements, indemnités et/ou avantages divers accordés au Président de la République, au Premier ministre, aux ministres, aux députés et aux responsables des Institutions, sont déterminés par une loi organique. Ils doivent tenir compte de la situation financière de l’Etat et du niveau général des revenus des nigériens’’.
La Cour Constitutionnelle a rappelé, dans son arrêt, avoir été déjà saisie en juillet 2020 d’une première tentative de modification de la même loi par les députés et que dans son arrêt n° 06/ CC/MC du 28 juillet 2020, elle indiquait «....que s’il est loisible au législateur organique de modifier la loi instituant des traitements, indemnités et avantages divers, c’est à la double condition de faire la démonstration que la situation financière de l’Etat le permet et que la modification ne creuse pas davantage les inégalités de revenus entre les députés et les autres citoyens d’une part, et de faire accompagner l’initiative d’une proposition d’augmentation des recettes ou d’économies équivalentes d’autre part» ; Que ces modifications entraînent une augmentation des indemnités mensuelles d’un député de l’ordre de sept cents cinquante (750.000) mille francs CFA ; Que cette augmentation est de l’ordre de neuf millions (9.000.000) de francs CFA par an et par député, soit un milliard quatre cents quatre-vingt-quatorze (1.494.000.000) millions de franc CFA par an pour les 166 députés, siégeant actuellement à l’Assemblée nationale ;
Que par lettre n° 92/PCC/ CAB, en date du 8 décembre 2022, le Président de la Cour de céans demandait au ministre des finances la situation des revenus des nigériens ; Qu’en réponse à cette demande et par lettre n°003112/MF/DGOB/ DEAMAF, en date du 13 décembre 2022, le ministre des finances indique : «Sur la base des données des comptes nationaux fournies par l’Institut National de la Statistique (INS), en moyenne sur la période tistiques dont s’est servie la Cour pour apprécier la loi, comme l’évolution du Revenu national brut (RNB) par habitant sur la période 2011- 2021, le juge constitutionnel a tout simplement considéré la nouvelle loi portant indemnités et avantages n’est pas conforme à la constitution, en ce qu’elle accorde une augmentation de revenu de l’ordre de 9 millions de francs CFA/an à chaque député. Alors même que le niveau de vie des Nigériens ne connaît aucune une amélioration sensible ; bien au contraire il s’est même détérioré au cours de la décennie écoulée. Les choses sont désormais claires dans l’esprit de tout le monde, les députés ont voulu tricher avec le peuple qu’ils sont censés pourtant représentés. La manœuvre a lamentablement échoué. Que faut-il retenir de cela ?
Les Nigériens, tous bords politiques confondus, doivent se rendre à l’évidence qu’ils sont mal représentés au sein de l’hémicycle. Ceux qui prétendent le faire et qui siègent présentement à l’Assemblée nationale sont plus mus par leurs propres intérêts et ceux de leurs partis que par l’intérêt des populations à la base. L’amélioration des conditions de vie de l’écrasante majorité est le cadet de leurs soucis. Pour preuve, ils ont cautionné sans broncher l’augmentation du prix du litre de gasoil à la pompe de 130 francs CFA d’emblée qui a contribué à faire flamber les prix de tous les produits et services, ils ont fermé les yeux sur de nombreuses mesures antisociales prises par le gouvernement pour rehausser le niveau de ses recettes ; ils ont accepté que le gouvernement concède certaines prestations de service public à des privés qui s’enrichissent aujourd’hui sur le dos des populations, etc. Nous en voulons pour preuve, la confection du permis de conduire qui aujourd’hui délivré par un privé à un coût exorbitant et celle de la plaque d’immatriculation des véhicules et engins à moteur qui coûte la prunelle des yeux. Pour nous résumer, disons tout simplement que les députés sont de connivence totale avec le gouvernement pour faire saigner les populations en vue de mobiliser les ressources financières permettant d’assurer leur confort personnel. Notre pratique démocratique se fait au détriment du peuple. C’est vraiment scandaleux !