Au Niger, grand pays d’élevage, avec plus de 35 millions de têtes d’animaux, le taux d’exploitation de ce capital animal n’est que 20,5% et la production des viandes contrôlées est de 125.000 T en 2020, selon des statistiques officielles.
L’insuffisance voire l’absence d’infrastructures modernes adaptées, obsolescence de l’abattoir de Niamey, non fonctionnalité de celui de Maradi, explique en grande partie cette faible exploitation et la non compétitivité de cette chaine de valeur où pourtant le pays dispose d’avantages comparatifs, pâturage naturel, mode extensif, etc.
Malgré les risques sanitaires liés à la consommation de viandes non inspectées, les abattages clandestins ou hors contrôle se développent en particulier dans les grandes villes dont Niamey, selon les autorités sanitaires et vétérinaires qui ne fournissent pas de chiffres.
‘’L’abattage clandestin est très dangereux avec des conséquences très fâcheuses par rapport à la santé des consommateurs ‘’, alerte le Directeur de la police sanitaire, M. Ali Mahamane révélant du ministère de la santé publique.
L’agent de santé rappelle aussi que ‘’ dans les [bonnes] normes, pour abattre un animal, il y’a des procédures à respecter. Et qui dit abattage dit le respect des normes édictées par le système mis en place par l’Etat ‘’.
S’agissant de l’abattage clandestin, poursuit-il, ‘’on fait fi de toute cette procédure, parce que c’est quelque chose qui se fait en cachette, dans la précipitation, alors que normalement la procédure voudra que l’animal avant d’être abattu soit respecté. Si c’est un animal qui a fait un trajet, on le laisse se reposer pour se remettre dans son état initial de santé’’.
Lors de l’abattage clandestin, informe-t-il, ‘’ces étapes ne sont pas respectées’’, ajoutant ‘’C’est le non-respect de cette procédure qui a des conséquences pour la santé du consommateur’’.
En consommant la viande issue de l’abattage clandestin, ‘’il se pourrait qu’il y ait la présence d’autres germes dans son sang, dont la consommation a des conséquences sur la santé des consommateurs’’, explique l’agent de santé publique.
En cartographiant ses sites habituels notamment à Niamey, le responsable de la Police sanitaire informe que cette pratique est ‘’plus courante dans les quartiers périphériques, où le système de contrôle vétérinaire et le contrôle sanitaire ne sont pas fréquents’’.
Poursuivant son explication, M. Ali Mahamane souligne que ‘’dans ces quartiers périphériques qui sont en train de se mettre en place, l’Etat, et même notre département, n’a pas de répondant qui peut nous passer l’information. La plupart de ces actes sont faits à la périphérie et à Niamey et dans certains quartiers traditionnalistes’’.
En tant que pratique illégale, l’abattage clandestin est réprimé par les autorités étatiques, soutient-on à la Police sanitaire.
‘’ Les sanctions encourues par les auteurs de cette pratique en cas de saisie, [est que] automatiquement la viande est retirée’’, fait savoir Ali Mahamane, qui ajoute qu’en plus les auteurs ‘’encourent des peines de prison et des amendes’’.
‘’ La viande qui n’a pas été inspectée par un spécialiste ne peut être consommée. Car on peut abattre un animal clandestinement. Peut-être qu’il présente des signes de maladie très dangereux’’ prévient le fonctionnaire de la santé publique, ajoutant que ‘’dans ce cas, l’outil qui a servi de l’égorger doit être détruit’’.
M. Ali Mahamane appelle ainsi la population à être vigilante et à dénoncer les auteurs de ces pratiques néfastes pour la santé publique.
La lutte contre l’abattage clandestin compte également sur la bonne coopération des bouchers et autres revendeurs de viande, qui sont les éventuels acheteurs de la viande prohibée.
Hachimou, vendeur de viande au marché wadata de Niamey, s’inscrit dans cette logique :
‘’Je suis revendeur de viande, mais très franchement je n’ai jamais fait recours à cette pratique, car ici dans ce marché pratiquement tous les revendeurs que nous sommes, achetons notre viande à l’abattoir’’.
‘’Nous tenons vraiment à la santé de nos clients et celle de la population, nous ne voudrons pas aussi avoir des problèmes avec l’Etat et la Mairie’’, laisse-t-il entendre.
Hachimou est en effet ‘’Sarkin fawa’’, c’est-à-dire le chef des bouchers du marché. A ce titre, il participe activement à la lutte contre l’abattage clandestin et à la circulation de la viande qui en est issue.
‘’Chaque matin que Dieu fait, je procède à la vérification des viandes pour voir si ça vient de l’abattoir ou pas. Car la viande provenant de l’abattoir a son caché qui prouve que ça a été contrôlé et l’animal a été abattu dans les normes’’, témoigne-t-il.
‘’Tout celui que nous surprenons avec de la viande issue de l’abattage clandestin, on lui applique toutes les sanctions prévues par notre association des bouchers, avant de le livrer aux autorités’’ renseigne Zabeirou, un autre Sarkin fawa du même marché.
Zanzama, aujourd’hui boucher en règle, s’est auparavant aventuré dans la pratique de la clandestinité.
‘’Mes premières année en tant que vendeur de viande, je faisais vraiment cette pratique avec mes camarades’’, se souvient-il.
‘’On cotisait pour acheter un mouton et nous le partageons proportionnellement. Je peux dire que vraiment c’est l’insuffisance des moyens financiers qui m’a conduit dans cette pratique. Mais après quand j’ai fait portune, je l’ai abandonnée’’ raconte le repenti.
Mes amis, eux, continuent toujours cette pratique’’, dénonce-t-il, avant de rapporter que ‘’un parmi eux a été arrêté et condamné après avoir payé une amande. Il continue à purger sa peine en prison’’ regrette Zanzama.
‘’Les autres [amis], eux, ont changé d’endroit. Mais je peux vous garantir que jusqu’aujourd’hui, ils font cette pratique malgré tous nos efforts pour les sensibiliser sur la gravité de cet abattage clandestin’’, fait-il savoir.
Les conséquences néfastes de la consommation de la viande issue de l’abattage clandestin préoccupent autant les autorités que les organisations de la société civile comme ADDC Wadata (Association de Défense des Droits des Consommateurs) que préside M. Mahaman Nouri.
‘’On constate un peu partout au Niger, des gens qui font cette activité (…) Le risque est qu’on ne connait ni l’emplacement où elle ne se fait, ni l’assurance de l’hygiène, encore moins la santé de l’animal à abattre ou celle des personnes qui exercent le métier d’ailleurs’’, s’insurge Mahaman Nouri.
‘’ Donc c’est toutes ces questions-là qui font que l’abattage clandestin ou la viande issue de cette activité devient de la viande de qualité douteuse parce que personne n’a l’assurance que c’est une bonne viande’’, commente le Président d’ADDC Wadata, soulignant que ‘’les conséquences sur les consommateurs sont des multiples maladies qui peuvent être transmises l’ors de la consommation de cette viande’’.
‘’Et ces maladies peuvent provenir, soit des personnes malades qui ont abattu cet animal, soit de l’animal ou de l’environnement où il a été abattu’’, s’inquiète-t-il.
Au-delà des conséquences sanitaires, M. Nouri estime que cette pratique peut aussi avoir un impact économique.
‘’Les conséquences ont un impact économique négatif soit pour la personne qui consomme la viande ou sur l’Etat qui met parfois des mécanismes en contribution pour gérer ce problème’’, constate-t-il.
‘’ Par rapport à l’impact que cela peut avoir sur l’économie nationale c’est d’abord que les animaux qui subissent ce genre d’abattage sont des animaux soit volés ou achetés à bas prix. Ceci est donc cause d’une perte d’argent’’ argumente l’acteur de la société civile.
Dans le cas de l’abattage clandestin, ‘’ il faut aussi noter qu’il n’y a aucune taxe prélevée et versée, soit à la commune ou à la collectivité territoriale ou même à la structure en charge de la gestion du lieu d’abattage. Donc, on manque toutes les taxes liées à l’abattage normal ‘’, fait remarquer le défenseur des droits des consommateurs nigériens.
Parlant toujours des conséquences économiques, le Président d’ADDC Wdata relève aussi que ‘’la plupart des gens qui font l’abattage clandestin vendent leur viande dans la clandestinité et cette vente fait en sorte que ces gens ne donnent pas de taxes journalières, ni d’impôts. Le consommateur aussi qui achète cette viande ne contribue pas au recouvrement ou à la recette du budget national et par conséquent’’.
‘’En cas de maladie due à la consommation de cette viande, le consommateur va perdre énormément d’argent dans les soins et contribue plus aux cas de soutiens sociaux sanitaires de la part de l’Etat ‘’ ajoute M. Nouri.
M. Mahaman Nouri lance un appel à l’endroit des consommateurs, à ‘’s’investir pour détecter la viande issue de ce type d’abattage même si en termes de prix, ces viandes sont souvent plus accessibles car elles ne sont pas aussi chères que la viande qui vient de l’abattoir’’.
‘’Nous les appelons donc à dénoncer si jamais ils constatent de tel cas au niveau des services techniques de l’élevage, les services des aménagements du territoire sanitaire à savoir la mairie, la police ou même les associations des consommateurs qui peuvent à leur tour faire passer l’information aux services techniques compétents pour prendre des dispositions‘’ lance-t-il.
La lutte contre cette offre frauduleuse de viande est aussi renforcée par la prise de conscience de la population quant à ses conséquences néfastes.
Pour M. Saidou Boukary, un citoyen nigérien ‘’l’abattage clandestin est un fléau à combattre pour toujours car la population est exposée à des maladies. Cette viande n’est pas contrôlée et elle est malheureusement très rependue au Niger et pas seulement à Niamey’’, indique-t-il.
Par mesure de précaution, M. Souleymane dit préférer la viande de volaille et du poisson que celle des petits ou grands ruminants, car ne connaissant pas la provenance de cette viande et même les conditions dans lesquelles l’animal serait abattu.