Le nouveau Représentant résident de la Cédéao au Niger a animé, mercredi 08 février 2023, une conférence de presse au cours de laquelle il a exposé les ambitions ainsi que les perspectives de l'organisation d'intégration sous-régionale pour le Niger. L'occasion pour l'ivoirien M. Gnamien Guillaume N'Dri d'échanger avec les représentants des médias sur certaines questions de l'heure dont certaines soulèvent diverses interprétations et assez souvent des polémiques au sein de l'opinion en dépit des efforts que mènent l'organisation pour promouvoir la stabilité, la paix et la sécurité ainsi que la bonne gouvernance et l'intégration économique pour le bonheur et la prospérité des populations et qui constituent les principaux axes de la "Vision 2050" de la Cédéao.
Depuis sa prise de fonction en Août dernier, le nouveau Représentant-résident de la Cédéao au Niger s'est attelé à préparer sa feuille de route ainsi que les activités à mettre en œuvre, en collaboration avec les plus hautes autorités du pays, afin de donner corps aux ambitions que les Chefs d’Etat ont donné à l’institution de faire en sorte qu'elle soit davantage au service de ses peuples. C'est dans ce cadre et à la suite des activités de prise de service, que M. Gnamien Guillaume N'Dri a tenu à rencontrer les médias au cours d'une conférence de presse qu'il animé mercredi 08 février 2023 au siège de la Représentation à Niamey, et en présence de Mme Abdoulaye Fatouma, Coordinatrice de la Cellule nationale CEDEAO au Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération.
D'entrée de jeu, le Représentant résident de la Cédéao a planté le décor de cette rencontre de prise de contact avec les médias qui est de faire connaitre davantage et en mieux l'institution régionale d'intégration à travers son organisation et son fonctionnement, ses missions et objectifs, ses activités ainsi que ses obligations et autres réalisations. A l'évidence, il s'agit d'une approche pédagogique d'informations et de sensibilisation de la Cédéao qui souffre, comme le montre les derniers évènements, d'un certain déficit en la matière. D'autant que, a souligné M. Gnamien Guillaume N'Dri, "le Niger est l'un des Etats membres qui s'implique le plus dans le processus d'intégration et il va de soit que la Cédéao travaille à ce que ses actions puissent avoir davantage d'impacts pour les populations".
La Cédéao, 48 ans au service de l'intégration régionale
Le Représentant résident a ensuite exposé de long en large la Cédéao, de sa création en 1975 sur les cendres de l'ancienne Union douanière de 1959, en passant par les différentes réformes majeures qu'elle a connues jusqu'à nos jours avec la mise en œuvre depuis 2021 de la "Vision 2050". Dans cette partie de la présentation, M. Guillaume N'Dri a aussi fait la genèse de l'évolution de l'organisation, des missions et des objectifs de l'institution qui ont d'abord consisté en la création d'une zone de libre-échange (libre circulation des personnes et des biens) puis ensuite l'intégration (coopération économique, développement des infrastructures et soutien aux secteurs clés) et enfin le renforcement de la paix, la stabilité et la démocratie dans la région.
Pour ce faire, a indiqué le Représentant résident, les missions de l'institution ont été de tout temps alignées avec les objectifs à travers quatre principaux axes d'activités. Il s'agit de l'harmonisation des textes, des pratiques et du cadre du travail ; l'appui conseil, le soutien aux projets intégrateurs et, la solidarité, qui est au cœur de tout ce processus. Selon M. Guillaume N'Dri, cette évolution des missions de la Cédéao s'est accompagnée d'une adaptation progressive des organes de fonctionnement et des institutions avec le passage d'un secrétariat exécutif à une Commission qui est passée de 15 membres à 7 depuis 2021 par souci d'efficacité de gestion. Juridiquement, elle repose sur un Traité, un Protocole additionnelle ainsi qu'une série de Directives.
"La CEDEAO, c'est aujourd'hui près 5 millions de kilomètres carrés, à peu près 3, 4 % de la superficie mondiale pour quelques 400 millions d'habitants estimés en 2022, ce qui représente près 5 % de la population mondiale", a-t-il ajouté avant de faire une brève présentation de l'organisation de l'institution avec, au sommet, la Conférence des chefs d'État et de gouvernement, l'organe suprême de décision qui se réunit en sommeil ordinaire tous les 6 mois (2 réunions par an, en juin essentiellement et en décembre). Au second niveau vient l'organe opérationnel qui est le Conseil des ministres, lequel réunit les ministres des Affaires étrangères et les ministres de l’Economie des pays membres et qui sont les deux piliers de l'intégration et qui, dans le cadre de leur travail, sont appuyés par un comité technique spécial, appelé Comité Administration et Finance. La Cédéao s'appuie également sur des institutions et des agences spécialisées. Pour la première catégorie, le premier c'est l'organe exécutif, qui est la Commission de la CEDEAO, composée de 7 membres et dirigé par un Président, secondé par un vice-président et qui est le fonctionnaire principal de l'institution qui assure la présidence de toutes les institutions de l'organisation. Vient ensuite, l'organe législatif qui est le Parlement de la CEDEAO composé de 115 membres et qui fonctionne aujourd'hui sur la base de représentants désignés par les États avec l'ambition de parvenir, à moyen et long terme, à une représentation populaire avec l'élection des députés communautaires. Enfin, il y a l'organe judiciaire qui est la Cour de justice de la CEDEAO et qui comprend 5 juges dont un président, un vice-président et trois membres. S'agissant des agences et structures spécialisées, il s'agit de la Banque d'investissement et de développement (BIDC), l'Organisation ouest africaine de la santé (OOAS), le Groupe intergouvernemental d'action contre le blanchiment d'argent en Afrique de l'Ouest (GIABA) ou le bureau de l'Auditeur général.
« Vision 2050 » : la Cédéao des peuples pour la paix et la prospérité pour tous comme ambition
La plus sur laquelle s'est le plus appesanti le Représentant résident de la Cédéao au Niger, c'est les perspectives déclinées dans la "Vision 2050". Il a en ce sens précisé qu'elle fait suite à la "Vision 2020", adoptée par les chefs d'Etats en juin 2007 avec pour ambition de "passer d'une Cédéao des Etats à une Cédéao des peuples, une communauté démocratique et prospère". Au moment du bilan, a expliqué M. N'Dri Gnamien, il est apparu que la réalisation de cette vision reste mitigée avec des taux d'exécutions oscillants entre 35 et 50%. "Des acquis notables sont observés mais des défis persistants demeurent", a-t-il indiqué citant entre autres, "la pauvreté et le faible accès des populations aux services sociaux de base de qualité, la pression démographique, la lenteur du processus d'intégration économique, l'insuffisance des infrastructures, les effets du changement climatique, le terrorisme et les pandémies". C'est donc dans ce cadre que la Commission de la Cédéao a décidé de produire un document prospective "Vision 2050", sur la base d'un examen approfondi des résultats de l'évaluation de la Vision 2020, de l'étude diagnostic de la région, des aspirations des populations et des acteurs clés de la région.
"La Vision 2050, c'est une communauté de peuple pleinement intégré dans une région paisible, prospère avec des institutions fortes et respectueuses des libertés fondamentales, et œuvrant au développement inclusif et durable".
Selon les explications du Représentant de la Cédéao au Niger, cette vision est déclinée en cinq (05) principaux piliers. Il s'agit de "Paix, sécurité et stabilité"; "Gouvernance et état de droit"; "Intégration économique et connectivité"; "Transformation et développement durable et inclusif", et, "Inclusion sociale". Et pour traduire cette "Vision 2050", a-t-il détaillé, des objectifs et des orientations stratégiques ont été définis de même que des principes directeurs et des facteurs déterminants ont été précisés pour la réalisation effective et harmonieuse de la Vision.
Des défis certes mais aussi des ambitions pour redorer la crédibilité de la Cédéao
Tout au long de son exposé ainsi que lors des échanges avec les journalistes, Gnamien Guillaume N'Dri, n’a pas manqué de mettre en avant les progrès enregistrés ainsi que certains succès de l'organisation notamment ses nombreuses réalisations ayant un impact certain pour les Etats mais aussi les populations malgré la persistance des défis. Bien que consciente de certaines faiblesses ainsi que des lacunes à corriger, la Cédéao a su jouer son rôle, ce qui fait de l'Afrique de l'ouest, une des régions les plus intégrées des Communautés économiques régionales (CER) de l'Union Africaine (UA).
Le Représentant résident a par exemple cité plusieurs projets intégrateurs mis en œuvre dans les domaines prioritaires des échanges commerciaux, de la coopération économique, des infrastructures de développement mais aussi de l'accès à l'énergie ainsi qu'au renforcement des systèmes de santé et alimentaires. A ce sujet, il a fait cas d'un avancement normal du processus de création de la monnaie unique "Eco" ainsi que de tout ce que cela sous-entend notamment la mise en place d'une Banque centrale et les autres mécanismes juridiques et financiers en la matière.
Sur un sujet d'actualité qui s'est de lui-même invité, à savoir la lutte contre le terrorisme auquel sont confrontés plusieurs pays de la région notamment le Niger, le Représentant résident à rappeler que la Cédéao a élaboré dès 2019, une stratégie régionale de lutte contre le terrorisme avec à la clé, un fonds d'un milliard de dollars dont 700 millions ont été déjà mobilisés par apport aux pays membres. Selon M. N'Dri, l'essentiel de cette somme a été consacrée au soutien aux armés des pays sous menaces avec des achats en matériels militaires et en armement. Le reste a lui été orienté vers le soutien aux pays affectés pour gérer les urgences humanitaires induites par ce contexte ainsi qu'à la mise en œuvre de projets socioéconomiques intégrateurs comme c'est le cas entre le Niger et le Nigeria.
L'autre sujet abordé lors de la conférence et qui a particulièrement retenu l'attention, c'est celui de la gouvernance où, comme l'ont fait remarquer certains journalistes, la Cédéao est fortement critiquée ces derniers temps par rapport à la gestion de certaines situations politiques dans les Etats membres. Sur ce point, le Représentant de la Cédéao au Niger a rappelé les multiples efforts de l'organisation en ce sens notamment pour ce qui est du renforcement de la stabilité politique. Il a en ce sens mis en relief les missions de préparation et d'observation électorale que l'institution déploie à l'occasion des différents cycles électorales ainsi que les opérations de paix pour éviter des crises postélectorales comme c'est le cas actuellement en Gambie et en Guinée Bissau. M. Gnamien Guillaume N'Dri a aussi évoqué les nombreuses missions de médiation de l'organisation dans les pays en crise politique comme au Mali, en guinée et au Burkina, des pays en transition après des coups d'états militaires qui ont provoqué des sanctions de la Cédéao, et que l'organisation continue d'accompagner pour un retour à l'ordre constitutionnel normal. "Au Mali par exemple, près de 20 missions de médiation ont été conduites pour accompagner le pays depuis le début de la crise politique", a défendu M. N'Dri qui reconnait toutefois, que certains succès enregistrés grâce au travail de la Cédéao ne peuvent être rendus public pour assurer la crédibilité de la médiation, ce qui fait qu'ils ne sont pas tous connu de l'opinion.
La conférence qui a duré près d'une heure d'horloge a été clôturée par des échanges francs avec les hommes des médias à qui le Représentant résident de la Cédéao a assuré toute sa totale disponibilité en cas de besoin pour tout ce qui de la découverte de l'institution et des informations sur les activités qu'elle mène notamment au Niger. Ancien directeur de cabinet du Président de la Commission de la Cédéao, M. Gnamien Guillaume N'Dri, haut cadre de l'administration ivoirienne, est un parfait connaisseur du fonctionnement de l'organisation ainsi que des attentes des populations. Au poste de Représentant résident au Niger, sa mission sera de redorer le blason d'une institution stratégique pour l'intégration régionale et panafricaine et qui fait pourtant dernièrement de vives critiques. En la matière, il semble avoir sa recette comme il l'avait exposé devant les plus hautes autorités du pays à sa prise de fonction en estimant qu'il faut que "les projets qui ont un caractère communautaire, mais qui portent sur le vécu des populations, soient mis en avance". Avec l'exercice avec la presse auquel il vient de se soumettre, il fait une belle entrée en la matière !