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Procès du coup d’Etat avorté du 31 mars 2021 : 30 ans de prison requis contre les présumés cerveaux du putsch manqué

Publié le lundi 13 fevrier 2023  |  actuniger.com
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© Autre presse par DR
Procès de la tentative avortée de putsch du 31 mars Bazoum a tranché : ‘’les prévenus seront condamnés’’
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Débuté le 13 décembre dernier devant le Tribunal militaire qui siège à l'école de gendarmerie de Koira Tegui de Niamey, le procès de la tentative de déstabilisation des institutions de la République de la nuit du 30 au 31 mars 2021 est à dans sa dernière ligne droite avec ce lundi 13 février, les plaidoiries des avocats de la défense. Jeudi dernier, après plusieurs semaines d'auditions et de confrontations des principaux prévenus ainsi que des témoins, le ministère public a dans un violent réquisitoire, situé la responsabilité des différents accusés dans cette affaire avant de requérir des peines allant de 30 ans pour les principaux présumés du putsch manqué à la relaxe pour d'autres prévenus ainsi que des peines de 20, 10, 5 et 2 ans pour les autres.

Pour rappel, ils sont une soixantaine de personnes concernées par ce procès très attendu par l'opinion et qui durant plusieurs séances a été l'occasion de savoir ce qui s'est vraiment passé dans la nuit du 30 au 31 mars 2021 avec l'assaut du Palais Présidentiel de Niamey par un groupe de soldats, ce que le gouvernement avait alors qualifié de "tentative déjouée de déstabilisation des institutions et d'atteinte à la sureté de l'Etat", à quelques jours de l'investiture de l'actuel Président de la République. Ce qui a donné lieu à diverses interprétations au sein de l'opinion tant le timing, le déroulé de l'opération ainsi que les militaires et notamment les officiers mis en cause laissaient subsister des doutes sur le putsch manqué.

Une soixantaine de prévenus, en majorité des officiers et soldats des forces de défense et de sécurité (FDS), mais aussi quelques civils, ont été mis en cause dans cette affaire au cours de l'instruction par le parquet militaire et comparaissent de puis le 13 décembre dernier pour "atteinte à la sureté de l'Etat" et "attentat manqué" devant le tribunal militaire qui tient ses séances à l'Ecole de gendarmerie de Koira Tegui de Niamey.

Après plusieurs semaines d'auditions et de confrontations des principaux accusés ainsi que des témoins, ponctuées de suspension notamment en raison de la saisine de la Cour constitutionnelle suite aux exceptions soulevées par la défense, les comparutions ont pris fin la semaine dernière. Durant ces séances publiques, le procès a permis de lever une bonne partie de voile sur cette affaire qui continue de susciter la polémique malgré le fait que les principaux présumés accusés du putsch manqué, le capitaine de l'armée de l'air Sani Saley Gourouza, arrêté en avril 2021 puis extradé du Béni, ainsi que le lieutenant Abdrahamane Morou, ont reconnu les faits qui leur sont reprochés. Les deux officiers de l'armée de l'air ont été les "stars" du procès avec leurs déclarations parfois contradictoires et ainsi des accusations portées l'un envers l'autre mais aussi la citation de plusieurs hautes personnalités du pays notamment l'ancien Président de la République Mahamadou Issoufou, le patron de la Garde Présidentielle le général Tchiani ainsi que l'ancien chef des services secrets (DGSE), le général de corps d'armée Lawel Chefou Koré.

A la barre, les officiers supérieurs le général de Brigade Seydou Badjié ainsi que le colonel-major Hamadou Djibo ont nié toute implication dans cette affaire mais le témoignage du commandant Maman Sani Kiao, ancien patron des forces spéciales de l'opération "Almahaou", basée à Ouallam à la frontière malienne, a été des plus accablants car selon lui, son chef hiérarchique lui avait demandé de prendre part à l'assaut dans la capitale Niamey avec ses 3.000 hommes, ce qu’il a refusé.

Jeudi dernier, le ministère public a présenté son réquisitoire dans le lequel des peines sévères ont été requis contre ceux dont l'implication ne fait aucun doute selon le commissaire du gouvernement. Ainsi, le ministère public a requis 30 ans d'emprisonnement ferme pour les cerveaux du putsch notamment le Colonel-major Hamadou Djibo, qui était en charge des opérations spéciales à l'état-major des FAN, le Capitaine Gourouza Sani Saley, commandant de la base 101 de Niamey et son second, le Lieutenant Abdrahamane Morou, ainsi que les Adjudants Adamou Seyni dit "Adams" et Mahamadou Hamidou dit "Étudiant". Aussi, 20 ans de prison ont été requis pour l'adjudant chef Amadou Boureima dit "Papa" et le mécanicien Moussa Hamadou, 10 ans pour Hamani Mounkaila, Ibrahim Abdou, Hamadou Oumarou, Salif Kaka, Boubacar Garanke et l'avocat Me Ibrahim Djibo. Le ministère public a aussi requis 5 ans de prison pour le chef d'Etat-major de l'armée de terre au moment des faits, le Général Seydou Bagué, ainsi que le colonel Major Aboubacar Oumarou Dan Azumi dit "Lion", l'ancien commandant de la Zone de défense N°1 de Tillabéri. Deux ans de prison ont été requis pour un groupe d'officiers de la base aérienne 101 de Niamey qui ont participé à l'assaut alors que la relaxe a été requis pour l'ancien ministre de l'Intérieur et commissaire de police Cissé Ousmane dit "Loulou" ainsi que les officiers Issa Na Allah et Mourtala, Issaka dit Chantali.

Violent réquisitoire du procureur militaire contre les présumés cerveaux du putsch

Dans son réquisitoire, le ministère public n'a pas été tendre avec les présumés cerveaux de cette tentative de déstabilisation des institutions de la République. Le parquet militaire dirigé par le commissaire du gouvernement, le général Mahamadou Abou Tarka, a en ce sens rappelé le contexte sécuritaire qui caractérisait alors le pays avec l'amplification du terrorisme, "un phénomène dangereux qui a causé la mort de plus de 1200 personnes, dont 700 civils et 500 militaires ". Comme l'a rapporté notre confrère Niger Inter qui a suivi les débats, le procureur militaire a déploré le fait que "c’est dans ces circonstances dramatiques que traverse notre nation, qu’un groupe d’officiers inconscients, mus par un esprit sectaire et une ambition dévorante, des hommes à qui la loi et le règlement militaire font obligation d’obéir aux autorités, des hommes dont le devoir, l’honneur, la raison d’être, est de servir leur pays ont conçu un projet funeste, organisé une conjuration et monté une conspiration".

Le parquet militaire est aussi revenu sur la genèse de la préparation de l'opération à travers une série de rencontres, des rendez-vous furtifs et clandestins. "Après avoir trahi la confiance des hommes placés sous leurs ordres, ces individus ont nuitamment attaqué le Palais présidentiel, siège de la plus haute institution de notre République en voulant prendre le pouvoir par la force. Ils ont ainsi trahi le peuple nigérien, violé les devoirs militaires envers la nation en retournant les armes payées par le gouvernement sur l’impôt des nigériens contre les dirigeants élus par le même peuple", a martelé le commissaire du gouvernement. Devant le Tribunal militaire, rapporte toujours la même source, le ministère public s'est appuyé sur les débats, desquels il est ressorti, selon son argumentaire, que "ce groupe d’officiers et leurs complices ont une culture limitée, des jugements expéditifs, des prétentions issues d’une vision déformée de la réalité". "Par leurs actes séditieux, ils mettent en péril le fonctionnement de l’Etat, la discipline des forces armées. Ils ne sont pas aptes à comprendre les alliances géopolitiques nécessaires à la survie de notre pays. La réussite de leur aventure aurait entrainé un désastre national", a-t-il poursuivi, ajoutant que pour lui, "un coup d’Etat est plus dangereux que le terrorisme. Un coup d’Etat fait le lit du terrorisme, il en est un allié objectif".

Selon le commissaire du gouvernement, la motivation des putschistes serait "purement matérielle et mesquine". "Soyez convaincus que vous ne jugez pas, ici des hommes qui ont une ambition pour leur pays. Vous jugez ici des hommes dont la motivation est purement crapuleuse", a-t-il adressé au Tribunal. Selon le commissaire du gouvernement, "l’enquête préliminaire de la gendarmerie a permis d’établir certains faits constants et incontestables. C’est ainsi que certains prévenus ont reconnu les faits et d’autres ont renoncé à leurs dépositions. Il y en a même qui courent toujours".

Selon toujours le compte-rendu d'audience de notre confrère, le ministère public a distingué plusieurs groupes. Le premier comprend les militaires qui ont participé à l’opération ainsi que leur chef, l’ex colonel-major Hamadou Djibo, qui a cautionné et ordonné l’attaque. Selon le procureur militaire, cet officier serait en intelligence avec le Lieutenant Abdramane et le Capitaine Gourouza Sani Saley. Le second groupe serait aussi dirigé par le colonel-major Hamadou Djibo qui est, selon le ministère public le véritable cerveau de la conspiration, celui qui a inspiré, encouragé et activement recherché des renforts d’Almahaou, de la zone 7 à Dosso, de la zone 1 à Tillabery pour la réussite du projet de déstabilisation des institutions. Et, enfin, le troisième groupe est constitué de l’ex Général Seydou Bagué et du colonel de la garde nationale Na Allah. "L’ex Général Seydou Bagué, auteur de propos subversifs, à caractère politique, indigne de sa position d’officier général commandant de l’Armée de Terre, a trahi la confiance placée en lui par le Président de la République, chef suprême des armées, qui l’a nommé à cette position éminente", a dit le commissaire du gouvernement qui a précisé que l’ex Général a activement cherché à recruter des militaires pour préparer un coup d’Etat avant d’être dénoncé par le Colonel-major Maman Sani Kiau, ex commandant de l'opération "Almahaou".

Dans son réquisitoire, le ministère public a considéré que pour "une bonne administration de la justice, les charges à l’encontre des accusés Ousmane Ibrahima Cissé, Mourtala Seydou Diori, Inoussa Issaka Chantali et Issa Na Allah ne sont pas suffisamment solides. Par conséquent, ils doivent profiter du bénéfice du doute.

En plus des peines requises par le parquet militaire, d'autres ont bénéficié de la relaxe ou de la requalification des faits notamment les sous-officiers et soldats qui ont été, de l'avis du commissaire du gouvernement, "innocemment embaqués dans le projet", et qui ont été donc poursuivis pour "blessures et coup avec armes". Le ministère public a par ailleurs requis la prison à vie aux accusés fugitifs. Selon notre confrère, avant de lever la séance, le Président du tribunal a appelé, un an à un, les accusés pour recueillir leurs avis sur les réquisitions du ministère public. En substance, certains ont pris acte, d’autres demandent la clémence ou la sagesse du tribunal. Le Général Seydou Bagué a dit qu’il prend acte. ‘’Je n’ai rien à dire’’, dira le colonel-major Hamadou Djibo. Gourouza Sani Saley a déclaré : "Je prends acte et je demande la miséricorde d’Allah". A la question du président du tribunal à Gourouza de préciser sa pensée, il a répondu qu’il demande la clémence du tribunal. Pour sa part, le Lieutenant Abdrahamane Morou a dit : "Je prends acte et je me remets à Dieu".

Le procès qui est dans sa ligne droite va se poursuivre avec les plaidoiries des avocats de la défense prévu pour le lundi 13 février avant que le Tribunal se prononce sur son verdict.

A.Y. Barm
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