Contrairement à une croyance largement répandue, l’opposition en politique n’est pas l’une des caractéristiques fondamentales du régime démocratique, mais bien une constante de l’exercice de tout pouvoir au sein de la société, à travers l’Histoire de l’humanité. Partout où le pouvoir s’est exercé ou s’exerce encore, apparaît, nécessairement, une forme d’opposition, car, tout pouvoir tend, naturellement, à l’absolutisme suprême. C’était d’ailleurs le but poursuivi par l’inspirateur universel de la théorie de la séparation des pouvoirs, lorsqu’il écrivait que « tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». On peut donc le voir, s’opposer relève de l’ordre naturel des choses.
Cependant, l’opposition sous une forme officielle et légalisée par un statut particulier est une création du régime démocratique contemporain, marquant sans doute la dimension dialectique de ce type de régime. Au Niger, à la faveur de l’expérience démocratique du début des années 90, l’organisation régulière d’élections libres et pluralistes a consacré l’existence d’une opposition politique, sortie perdante de la compétition électorale.
Aujourd’hui encore, c’est ce dualisme qui caractérise la vie politique nigérienne, c’est-àdire une majorité qui gouverne et une opposition qui… s’oppose ! Mais, depuis quelques temps, l’art de s’opposer est en train de se transformer en un exercice de plus en plus galvaudé et dénaturé, quand simplement, il n’est pas tout simplement perverti et prostitué. Hélas, il n’en est ainsi, de nos jours, de l’opposition politique nigérienne actuelle, aux abonnés absents pour constituer une alternative crédible à l’impasse politique actuelle ! En effet, petit à petit, l’union sacrée qui s’était formée, en 2020, afin de faire barrière à la reconduction du régime de la renaissance, s’était progressivement disloquée sur l’autel d’ambitions personnelles, pour laisser la place, aujourd’hui, à une parodie de démocratie. Il aura fallu, notent certains observateurs de la vie politique nigérienne, que le Parti Nigérien pour la Démocratie et le Socialisme (PNDS/Tarayya) conquière le pouvoir suprême pour que la démocratie nigérienne soit assassinée publiquement. En installant un système politique profondément inique et corrompu, les ‘’Roses nigériens’’ auront volontairement et durablement sapé la promesse démocratique pour laquelle le peuple nigérien avait consentis d’énormes sacrifices, auparavant. Du coup, une fois confortablement installés dans les lustres de la république, disposant de ressources publiques à profusion, provenant pour l’essentiel de la rente pétrolière nationale, ils auront accaparé l’ensemble des rouages de la république en plaçant leurs militants et sympathisants aux postes juteux du pays, par le biais d’une pratique de pure exclusion politique. En plus de pratiquer l’exclusion politique, ils auront réussi à museler toutes voix discordantes grâce à la corruption, l’achat des consciences, lorsque cela permet d’obtenir le ralliement de ces voix dissonantes ; ou dans le meilleur des cas, de procéder à des intimidations, menaces à peine voilées et autres abus de pouvoir pour parvenir à leurs funestes fins, comme celles perpétrées contre le leader du Lumana/FA, Hama Amadou. Cette situation actuelle de la démocratie nigérienne aura abouti, dans les faits, à la liquidation pure et simple de l’opposition politique officielle depuis que son chef de file a vu son statut légal matérialisé avec d’énormes avantages et privilèges officiels qui lui ont été accordés par le pouvoir en place. Bien avant même cela, certains observateurs avaient noté une espèce d’adoucissement de la ligne politique du principal parti politique de l’opposition, en l’occurrence le Lumana/FA, qui semblerait tomber dans une sorte de fatalisme ou de renonciation devant la mission originelle qu’il s’était donnée de combattre, jusqu’au dernier souffle de vie, le ‘’monstre renaissant’’ dans tous ses travers. Il faut reconnaître que la désignation de Seydou Tahirou, comme président de la deuxième force politique du Niger (le parti du ‘’cheval ailé du paradis’’), un parfait anonyme en politique. Aujourd’hui, le Lumana/FA payerait cher un tel choix, car le rayonnement populaire du parti en pâtit énormément. Aujourd’hui, les militants du parti, dans leur grande majorité, ainsi que les démocrates nigériens sont perdus et désabusés devant cette reddition de l’opposition politique pour rendre les armes de la contestation. C’est tout simplement le grand désenchantement qui règne dans les milieux de cette opposition politique disparate, éclatée en mille morceaux, car incapable désormais de parler d’une seule et unique voix afin de faire trembler le pouvoir actuel qui menacerait plus de s’effondrer de l’intérieur que de l’extérieur.
Du coup, le curseur du combat politique, au Niger, semble s’être déplacé de l’opposition traditionnelle vers l’engagement citoyen et syndical, car comme on le dit souvent, la nature ayant souvent horreur du vide, c’est désormais ces forces sociales qui mènent désormais la fronde nationale. Ce sont aujourd’hui ces forces de substitution qui se seront emparées de l’étendard démocratique, dans le pays, pour demander plus de comptes à la gouvernance politique actuelle. La preuve est en train d’être faite, de nos jours, que l’idéalisme a désormais déserté la lutte politique et c’est, à présent, le sacre de l’opportunisme et de l’accomplissement personnel qui auront été érigés en principes d’engagement politique par une classe politique nationale à la conscience politique peu aigue. Les convictions et les principes politiques comptent peu dans l’engagement des uns et des autres, supplantés par les intérêts personnels. Les desseins politiques collectifs nationaux sont en déclin avancé, tandis la méfiance des citoyens vis-à-vis des dirigeants politiques ne fait que s’agrandir de jour en jour, et les lendemains politiques n’enchantent plus véritablement. Ainsi, lentement, mais sûrement, s’opposer dans ce Niger contemporain, le Niger de la renaissance, est sur le point de devenir une espèce en voie de disparition. Car, la politique, au Niger, ne semble plus être, fondamentalement, un sacerdoce, une question d’engagement désintéressé, mais bien une activité lucrative avec bénéfices et pertes. C’est pourquoi certains citoyens nigériens ne croient plus à cette classe politique qui n’aura pas eu une vertu supérieure à celle du commun des mortels. Or, pour se destiner à la vocation politique proprement dite, les acteurs politiques se doivent d’être exemplaires à tous points de vue. Au Niger, hélas, ce n’est guère demain l’aube !