Il n’y a pas encore longtemps, c’était l’occupation anarchique des trottoirs qui posait problème dans la ville de Niamey notamment à cause de l’usage abusif de ces passages piétons par les vendeurs ambulants à chariots. Aujourd’hui, les trottoirs ont disparu dans certaines rues et de nombreux chariots se retrouvent sur l’asphalte pour continuer à commercer, tranquillement, malgré le désagrément que cela pose pour la fluidité de la circulation et la sécurité routière. Les conducteurs se plaignent des embouteillages monstres que cela occasionne, des dégâts sur les véhicules et des accidents occasionnés, sans compter les rixes, parfois violentes.
« C’est l’indifférence qui nous a amenés ici. Ça commence doucement, personne ne parle et on se retrouve dans une situation pareille », dit le jeune taximan Djibo, pointant son indexe vers un vendeur ambulant du petit marché qui vend au milieu de la route goudronnée sans se soucier de l’embouteillage qu’il a créé. C’est ce genre de comportement au nez et à la barbe des décideurs, poursuit-il, qui me font regretter d’avoir voulu être un taximan dans la ville de Niamey. Il a fallu une dizaine de minutes pour que le chariot daigne se déplacer et partir à la recherche de son prochain client.
Au détour d’un croisement, en fin d’après-midi, nous sommes tombés sur un jeune homme à bout de souffle qui faisait une halte pour reprendre des forces. Ça ne fait qu’un mois que Dahirou, c’est son prénom, s’est lancé dans le commerce ambulant, se faufilant difficilement entre les véhicules, les motocyclistes et d’autres chariots et piétons. L’adaptation à ce type de commerce, confie-t-il, est difficile pour les débutants mais la volonté de gagner dignement sa vie l’emporte. « Qu’est-ce qu’on peut faire ? C’est soit ça, gagner dignement sa vie, ou partir en exode, ou même sombrer dans la petite délinquance », questionne-t-il, comme pour se donner du courage.
Dahirou dit avoir entendu parler d’altercations et de plaintes par ses ainés. Après un mois à travailler comme vendeur ambulant, il s’étonne de la tenue de tels propos. « Les automobilistes constituent la grande majorité de nos clients. Ils aiment acheter avec nous car ils n’auront pas à se soucier de trouver un parking. Avec nous, ils sont servis en une fraction de temps », se défend-t-il. Il exerce essentiellement dans la vente de condiments non-périssables car, affirme-t-il, c’est dans ce secteur qu’il a ses connaissances et ses mentors.
D’ailleurs, si Dahirou se sent une âme dans ce travail, c’est avant tout parce qu’il est soutenu et coaché par son grand frère, lui-même vendeur ambulant dans les rues de Niamey.
Les tricycles, comme dans les cascades hindous
Les barbaritas, nom donnés aux tricycles dans plusieurs quartiers périphériques, sont un autre phénomène dangereux qui s’est développé très vite dans la capitale. Ces fous du volant se comportent sur la route comme s’ils conduisent un bolide à 2 roues spécialement conçues pour les cascades professionnelles. Le spectacle qu’ils donnent est effrayant pour ceux qui les croisent pour la première fois sur les routes de Niamey où ils sont « les maitres ». Les barbaritas se faufilent à vive allure entre usagers de la route, marchandises et piétons, causant souvent de graves accidents.
« L’autre jour, un conducteur de barbarita (tricycle) arrivait à vive allure sur moi j’ai stoppé net le taxi mais lui avançait, donnant plus de puissance au moteur. A quelques dizaines de centimètres de l’impact, il soulève sa roue gauche qui venait sur mon véhicule et a continué avec sa roue en l’air, comme si de rien n’était », témoigne Moussa « Mai Benne », un ancien chauffeur de camion benne reconverti dans la conduite de taxi.
Pourtant, l’introduction récente des tricycles au Niger était partie d’une bonne intention. Elle a commencé dans les grandes villes nigériennes frontalières du Nigeria où les tricycles sont utilisés comme moyens de transport urbain. Plus tard, d’autres types de tricycles sont introduits par les entrepreneurs et affectés au transport de marchandises. Progressivement, ces derniers tricycles se sont retrouvés dans les zones sous état d’urgence et dans les quartiers périphériques de la capitale pour servir de moyens de transport de personnes. Se servant d’une règlementation vieille de 3 ans, la mairie centrale a, en vain, tenté de mettre de l’ordre dans le secteur et de collecter au passage des taxes dont la ville a tant besoin.
M. Moussa qui côtoie plusieurs conducteurs de tricycles, dit qu’il y a des pères de familles respectables, dans ce métier. « De jeunes pères de famille gagnent honnêtement leur pain quotidien dans le transport de marchandises avec les tricycles. D’ailleurs, la plupart de mes amis se sont conformés aux directives de la ville de Niamey et payent leurs taxes », plaide-t-il. Même s’il reconnait que de telles personnes sont rares dans le métier, Moussa Mai Benne se dit « extrêmement gêné » par les surnoms peu flatteurs qu’on donne aux conducteurs de tricycles à Niamey. Une omerta semble s’être installée à l’intérieur de ce groupe de travailleurs dans lequel les interviews et les journalistes ne sont pas les bienvenus.
A quand la fin du calvaire ? Se demandent les usagers de la route. A chaque fois qu’une solution semble trouvée pour rendre la circulation routière fluide et sécuriser les usagers, un nouveau problème survient…