Depuis qu’il est arrivé au pouvoir, en avril 2021, Bazoum Mohamed n’a cessé de marteler son engagement à lutter contre la corruption. Un engagement qu’il a encore renouvelé en début d’année 2023 à l’occasion des voeux de nouvel an aux institutions et qu’il a promis de faire suivre de conséquences. De vieux dossiers sont alors déterrés et remis au goût du jour. Les mis en cause sont interpellés et envoyés illico presto en détention. Deux anciens directeurs généraux et d’autres cadres de l’administration fiscale figurent parmi les victimes de cette opération dite «mains propres». Des faits que le Président Bazoum veut comme la traduction de sa ferme volonté de passer à l’acte. Loin de rassurer les Nigériens, ces vagues d’arrestations ont plutôt semé le trouble. Elles ont, de l’avis de nombreux observateurs, le goût amer d’un tri malsain. Y at- il ceux qui sont voués à servir d’agneaux de sacrifice sur l’autel de la crédibilité à laquelle aspire le chef de l’État sur ce volet sensible de lutte contre la corruption ? Rien n’est moins sûr. Les interrogations se succèdent en tout cas et les gros dossiers tardent à faire l’objet de poursuites judiciaires. Dans le secteur de la douane où deux anciens directeurs généraux ont été placés sous mandat dépôt, l’on s’interroge sur l’équité et l’impartialité de l’opération.
Le Président Bazoum aura-t-il décidé de passer l’éponge sur les scandales f inanciers de 2011 à 2021 ?
Les Nigériens sont nombreux à être sceptiques quant à la crédibilité de cette opération mains propres. Les 10 ans d’Issoufou Mahamadou ont été ponctués de scandales financiers de grande ampleur. Il n’y a pas encore un seul qui ait connu des suites judiciaires. Le Président Bazoum aura-t-il décidé de passer l’éponge sur ces scandales ?
De l’avis d’un acteur politique de premier plan qui a requis l’anonymat, le chef de l’Etat a visiblement fait grâce aux dignitaires du parti rose de ce qu’ils ont engrangé. Son ministre des Affaires étrangères et challenger dans la conquête de la candidature du Pnds Tarayya à l’élection présidentielle est impliqué, notamment, dans l’uraniumgate, ce scandale au bout duquel certains estiment que les autorités nigériennes ont hypothéqué la production uranifère sur de longues années. Une affaire qui n’a pas encore révélé tous ses contours, la justice nigérienne n’ayant pas jusqu’ici ouvert une enquête là-dessus. Hassoumi Massoudou, on s’en souvient, a ouvert un compte bancaire à BNP Paribas, en France au nom de la Sopamin (Société de patrimoine des mines du Niger) dont il n’est ni le directeur général, ni le président du conseil d’administration. À partir de ce compte, il a procédé au transfert de 200 milliards de francs CFA à Dubaï, un paradis fiscal, au profit d’une société dénommée Optima Energy dont un des responsables a été aperçu plusieurs fois dans les couloirs de la présidence. Les Nigériens attendent toujours que justice soit rendue au nom de l’État et du peuple nigérien.
Ceux qui ont vendu, l’acheteur, les intermédiaires, les montants encaissés, les banques par lesquelles les fonds ont transité, tout est connu et publié dans les colonnes du journal Le Courrier.
Il n’y a pas que l’uraniumgate qui reste toujours non éclaircie. En 2015, pratiquement à la veille des élections générales de 2016, à la demande de l’État du Niger, le Pakistan a offert 15 000 tonnes de riz en vue de faire face à la situation alimentaire précaire des populations de Diffa, durement éprouvées par Boko Haram. Ces 15 000 tonnes ne sont jamais parvenues à destination, au Niger. Et les populations de Diffa, déplacées sur leurs propres terres, ne savent pas que leur situation, pénible soit-elle, a plutôt servi comme tremplin à des individus pour s’enrichir. Les 15 000 tonnes de riz ont été détournées et vendues à vil prix au port de Cotonou. Ceux qui ont vendu, l’acheteur, les intermédiaires, les montants encaissés, les banques par lesquelles les fonds ont transité, tout est connu et publié dans les colonnes du Courrier. Mais à ce jour, la justice n’a pas été rendue, malgré la gravité des faits. Les auteurs, dont les noms ont été connus, courent toujours, riches de leurs larcins.
L’intransigeance de l’ancien président a coûté et va coûter très cher au Niger
Quid des rails de Bolloré ? Très tôt alertés sur la violation de certains principes, notamment l’impératif de désigner un bureau d’études qui contrôlerait les investissements faits par Bolloré et le respect d’un écartement conforme aux normes actuelles, l’ancien président a fait la sourde oreille et a poursuivi le travail tel que l’entendait son ami breton. Le problème n’est pas tant ce que Bolloré a investi, mais plutôt l’imbroglio judiciaire dans lequel Issoufou Mahamadou a plongé le Niger. De fait, lorsque l’ancien président a donné l’aval à Bolloré pour ce projet, le Niger avait déjà signé, avec le Bénin et le Burkina Faso, un accord avec Getferail de l’ancien Premier ministre français, Michel Rocard. Getferail qui a d’ailleurs menacer de porter l’affaire devant la justice. Ce qui a contraint le gouvernement d’Issoufou à signer un nouvel accord dans lequel il reconnaissait à la société de Michel Rocard la paternité du projet. Ce dossier est explosif et s’il n’a pas explosé, c’est parce que le projet de Bolloré est dans l’impasse. L’État nigérien doit se préparer solidement à affronter cette échéance judiciaire dont l’ancien président, Issoufou Mahamadou, porte la responsabilité.L’intransigeance de l’ancien président a coûté et va coûter très cher au Niger