L'hôtel Radisson Blu de Niamey a abrité, du 28 au 29 mars 2023, les travaux d'un atelier de présentation et de capitalisation des résultats du projet "Alliance 8.7 Sahel", financé par le Ministère français des Affaires étrangères et de la Coopération Internationale au profit de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) et mis en œuvre par le Bureau International du Travail (BIT) en collaboration avec le Haut- Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR), au bénéfice des réfugiés et communautés hôtes de la Commune rurale d'Ayorou (Région de Tillabéri). Après deux années de mise en œuvre et malgré le contexte sécuritaire instable et l’aggravation des conditions de vie des ménages dans la zone d'intervention, le Projet a visé comme objectif, l’amélioration des moyens de subsistances des réfugiés et des populations hôtes et le respect des principes et droits fondamentaux au travail de ces communautés au Mali, en Mauritanie au Niger et au Nigéria à travers des interventions en gestion durable des écosystèmes et des analyses factuelles sur la situation des réfugiés et des communautés hôtes permettant de formuler des interventions appropriées et adaptées au contexte actuel du Sahel. Il a également contribué à la mise en perspective de la contribution des emplois décents et verts, exempts de toute forme d’exploitation, et à la consolidation de la paix d'où l'importance stratégique, de présenter de manière générale et partager avec les représentants des principaux acteurs, les résultats de ce projet afin d’engager un processus de leur capitalisation via un forum d’échanges tenu par des experts locaux et au sortir duquel, des recommandations ont été formulées pour pérenniser les acquis.
C'est le ministre de l'Emploi, du Travail et de la Protection sociale, M. Ibrah Boukary, qui a présidé la cérémonie d'ouverture des travaux de l'atelier, en présence du Secrétaire général ministère de l'Environnement et de la Lutte contre la Désertification Colonel Abdou Ibrahim dit Malick, du Représentant du Directeur de l'OIT, M. Frederic Bandon Mboyong, et celui de l'UNCHR au Niger M. Alassane Moussa, du Coordonnateur du projet Alliance 8.7 Sahel ainsi que des Responsables des ONG partenaires ARIDEL Tchigaba, RICO et AHILA et Gajel, des autorités départementales, locales et coutumières d'Ayorou, des Responsables des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) et des Cadres régionaux, départementaux et communaux des services techniques.
Des résultats satisfaisants qui cadrent avec les objectifs de développement durable du Niger
Dans l'allocution qu'il a prononcée à cette occasion, le ministre de l'Emploi a rappelé que la région du Sahel fait face à des défis multiformes qui ont des répercussions directes sur les conditions de vie des populations, des défis qui sont provoqués par les changements climatiques et la désertification, mais aussi par les tensions sécuritaires induites par le terrorisme, l'extrémisme violent, la pauvreté et les inégalités de toutes sortes. "Les conséquences de ces défis sont multiples et variées", a souligné le ministre Ibrah Boukary qui a cité, entre autres, les mouvements importants de réfugiés et des personnes déplacées des zones de tension notamment le Nord Mali et le Nord Nigéria, vers des pays ou des zones d'accueil, comme le Niger et l'Ouest du Mali. Selon le ministre, l'arrivée et l'installation de ces réfugiés exercent une pression supplémentaire sur les ressources naturelles des zones d'accueil, particulièrement les ressources en eau, le pâturage, le bois, etc., ce qui risque de compromettre le fragile équilibre économique de ces zones. Aussi, a-t-il ajouté, "pendant ces mouvements, les risques de violation des droits humains sont évidents, la négation des droits de la personne et du droit au travail est de règle et on constate également des risques de diminution de la productivité agricole des zones concernées par les violences, le manque d'opportunités économiques pour les jeunes et les femmes notamment, ainsi que le risque pour les jeunes gens d'intégrer des groupes extrémistes violents ou d'être récupérés par les réseaux de trafiquants".
En réponse à ces défis et traumatismes qui affectent les réfugiés et les communautés hôtes de la Commune rurale d'Ayorou, a poursuivi le ministre de l'Emploi, le Bureau International du Travail (BIT), à travers le projet Alliance 8.7 Sahel a sollicité l'intervention des ONG nationales pour la mise en œuvre de quatre sous-projets dont la restitution des résultats fait l'objet du présent atelier. Il s'agit, a détaillé le ministre, des sous-projets pour la création d'un massif forestier récréatif et éducatif sur le site urbanisé des réfugiés à Ayorou, sur 3,5 hectares ; la récupération des terres pastorales dégradées à Weylabon sur180 hectares ; la récupération de terres agricoles dégradées à Garey 1 et 2 pour une superficie de 400 hectares ainsi que la fixation de 25 hectares des dunes sur le site de Bibatane. Selon le ministre Ibrah Boukary, "les résultats obtenus dont les détails seront présentés au cours de cet atelier ont permis de restaurer des sols dégradés, de créer un massif forestier, de fixer les dunes, mais surtout d'offrir des opportunités de travail à environ 4968 jeunes et femmes dont les prestations se sont déroulées dans un environnement décent". De plus, a-t-il mis en exergue, la plupart de ces bénéficiaires ont réinvesti l'argent perçu pour démarrer des petites activités génératrices de revenu. "L'exécution de ce projet démontre à suffisance qu'il est possible de créer de nombreux emplois pour les jeunes par une démultiplication des initiatives dans le domaine de la récupération des sols dégradés et de la lutte contre la désertification, dans le respect des principes et droits fondamentaux au travail", a estimé le ministre qui n'a pas manqué de souligner que "l'exécution de ce type de projets en direction des communautés rurales cadre parfaitement avec la vision du Président de la République dont le Programme Renaissance acte III fait une large place au développement du monde rural, à l'autonomisation des femmes et à l'épanouissement de la jeunesse".
En terminant son allocution, le ministre de l'Emploi, du Travail et de la Protection sociale a tenu à adresser, au nom du gouvernement, ses vifs remerciements à l'ensemble des acteurs concernés par l'exécution du projet, aux autorités de la Région de Tillabéry, ainsi qu'aux populations de la Commune rurale d'Ayorou. Des remerciements qu'il a également transmis experts du BIT, aux agences du Système des Nations Unies pour leur contribution appréciable dans la réalisation de ce projet. "Mon Département ministériel recevra avec un vif intérêt les recommandations et suggestions que vous lui soumettrez, et qui je puis vous l'assurer, seront soumises aux plus Hautes Autorités de la République", a assuré le ministre à la fin de son intervention.
De l'emploi décent pour la paix et la résilience des communautés
Auparavant, le Représentant du Directeur de l'OIT a pris la parole pour rappeler le contexte dans lequel s'inscrit le Projet. Face à l’avancée du désert dont les experts estiment à plus de 2km par an, les problématiques de lutte contre la désertification sont d’actualité, a indiqué M. Frederic Bandon Mboyong qui a souligné par la même occasion "qu’un des principaux critères caractérisant les décisions politiques efficaces est l’attention portée à la coordination et au soutien mutuel entre l’économie et l’emploi et les politiques sociales". De plus en plus souvent, a-t-il ajouté, l’OIT collabore avec les responsables gouvernementaux des ministères techniques et stratégiques afin de définir les avantages d’une approche coordonnées des interventions. A cet effet, a poursuivi le Représentant du DG de l'OIT, par le biais de plusieurs instruments y compris les cadres de concertation comme le présent atelier, l’OIT fournit des données, propose des analyses et recommandations sur les questions économiques, de l’emploi et du dialogue social.
Après avoir rappelé l'augmentation d'environ 1°C de la température moyenne mondiale et particulièrement dans les régions du Sahel où elle est estimée à 1,5°C, M. Bandon Mboyong, a souligné que la décennie 2010-2019 est la période de 10 année consécutive la plus chaude au moins depuis le début des mesures instrumentales, en 1850. "Cette situation n’a pas que des conséquences sur la qualité de vie mais elle impacte considérablement notre habitat et surtout la terre qui perd ses capacités de production entrainant le désespoir et la migration des populations", a-t-il fait remarquer avant de mettre en exergue la situation au Niger où, comme pour beaucoup de pays, est confronté justement aux effets négatifs du changement climatique avec la perte de plus de 100 000 hectares de terre cultivable par an. On estime ainsi que 1,2 milliards d'emplois dépendent de la santé et du bon fonctionnement des écosystèmes. Par ailleurs, a-t-il relevé, l'agriculture, le plus gros employeur au monde, fait vivre environ 1,1 milliard de personnes. La désertification et la dégradation des sols ont un impact négatif sur les emplois, entraînant des migrations de main-d'œuvre non souhaitées et exacerbent les situations de crise. Pourtant, a indiqué le Représentant du DG de l'OIT, "un scénario positif est possible si on décide d’agir sur plusieurs maillons de la chaine. Notamment il existe une énorme opportunité de création d'emplois décents grâce à des programmes de restauration des terres, utilisant des approches à haute intensité de main d’œuvre, des programmes de travaux publics et le développement d'entreprises". L'OIT estime d'ailleurs que 100 millions d'emplois peuvent être créés d’ici à 2030 en assurant une transition écologique prenant pleinement en compte des dimensions sociales. "Avec ces informations en toile de fond, je voudrais vous remercier de votre participation à cet atelier. Le projet alliance 8.7 est très important pour l’OIT car il permet de montrer la centralité de l’emploi décent pour la paix et la résilience", a déclaré M. Frederic Bandon Mboyong qui a saisi l'occasion pour rappeler que "nous sommes dans un contexte particulier d’un pays du sahel avec une crise sécuritaire, une crise climatique avec une dégradation des sols, avec des personnes déplacées, des personnes réfugiées qui perdent l’accès aux sources de revenus et qui mettent la pression sur les communautés hôtes". Selon lui, "c’est dans ces conditions qu’il fallait imaginer une intervention qui permet de sécuriser à la fois les populations hôtes et les personnes réfugiées, et de leur donner une autonomisation en termes de génération de revenu à travers la régénération des sols par l’utilisation des techniques endogènes, créant une série d’emploi verts des travaux réalisés selon l’approche HIMO, dans les chaines de valeur pour assurer une résiliente plus forte à ces communautés". Il a enfin terminé son allocution en réaffirmant que "la création d’emploi par les investissements qui protègent l’environnement et les écosystèmes est essentiel pour le développement du Sahel et du Niger qui en fait partie". Il n'a pas manqué de se féliciter de la qualité des échanges qui porteront en particulier sur les questions de pérennisation et la capacité de telles initiatives à générer des emplois décents sur les chaines de valeur.
Des échanges enrichissants et des recommandations pertinentes pour capitaliser les résultats
Il faut noter que plusieurs autres interventions ont marqué la cérémonie d'ouverture de l'atelier. Dans une brève allocution, le maire de la commune d’Ayorou a, au nom de la population de son entité remercier tous les partenaires qui ont participé à la mise en œuvre du Projet Alliance 8.7 notamment le BIT ainsi que les 4 ONG partenaires pour les activités menées dans le cadre de la récupération des terres. Cela a permis, a-t-il indiqué, « aux jeunes et aux vieux tout âge confondu d'avoir accès à un emploi à un moment où nous vivons cette situation d'insécurité et d'État d'urgence". Le Préfet du département d’Ayorou, M. Aboubé Warzahan Adamou a aussi abondé dans le même en se félicitant des emplois ainsi créés même temporairement et qui ont beaucoup "contribué à soutenir la résilience des populations en particulier les ménages qui avaient grandement besoins au regard du contexte sécuritaire et humanitaire de la zone que vous avez créés ne serait-ce que temporaire pour beaucoup de ménage pour les soutenir à un moment ils en ont sérieusement besoin".
Pour sa part, le SG Ministère Environnement, Colonel Malick, a au nom de la ministre, transmis la gratitude des autorités aux partenaires techniques et financiers ainsi qu'à tous ceux qui ont participé à l'atteinte de ces résultats du Projet d'Appui à l'autonomisation économique des réfugiés et des communautés d'accueil d'Ayorou, mais aussi à la capitalisation du projet alliance 8.7. Ce projet, a-t-il rappelé, a une porte d'entrée aussi au niveau du ministère l'environnement et de la lutte contre la désertification. "Nous nous réjouissons aujourd'hui des actions concrètes annoncées au début qui sont devenues aujourd'hui une réalité. Ces actions qui ont contribué à la politique de restauration des terres dégradées et de l'environnement, à la politique du ministère de l'Environnement dans le domaine de sa stratégie développement durable et l'aquaculture", a-t-il souligné. De son coté, le Représentant de l'UNCHR au Niger M. Alassane Moussa a tenu à adresser ses félicitations remerciements à l'endroit des autorités pour toute l'assistance en faveur des populations réfugiées et déplacées internes au Niger. "Cet atelier est pour nous un cadre visant à donner de l'éclat à ce projet qui a davantage renforcer la coexistence pacifique des communautés au niveau de la commune d'Ayorou. C'est aussi le lieu pour parler des questions d'emplois car comme vous le savez, dans le cadre de la question de l'emploi, il y a la loi N° 97 06 du 20 juin 1997 portant statut des réfugiés au Niger pour l'exercice d'une activité professionnelle salarié ou non et dans ce cadre, les réfugiés régulièrement admis sur le territoire nigérien bénéficient des mêmes droits que les ressortissants du Niger. L'établissement d'une convention est beaucoup plus favorable et c'est donc le lieu de plaider davantage en faveur de cette voie", a-t-il souligné tout en rappelant que cela fait partie des conventions de 1951 que le Niger a ratifié à Genève. "C'est également le lieu de témoigner toute notre satisfaction pour l'appui constant des autorités pour rendre la vie paisible des réfugiés vivant au Niger et des déplacées internes", a conclu M. Alassane Moussa.
Après l'ouverture officielle de l'atelier, les travaux se sont poursuivis avec à l'ordre du jour, le rappel du contexte et la présentation des objectifs de l’atelier ; la présentation des résultats des différents travaux par les ONG de mise en œuvre suivi de l'intervention. Pour la seconde journée, les travaux ont consisté à la présentation des principales recommandations de la première journée qui a été suivie d'un forum d'échanges sur les aspects théoriques et le partage des expériences sur les activités des restaurations des terres ; une présentation sur les capacités des travaux de récupération des terres à promouvoir l'emploi avec un partage d'expérience des participants, le tout marqué par des échanges fructueux et des débats enrichissants. Les travaux ont été clôturés sur une note de satisfaction avec une série de recommandations qui, pour l'essentiel, ont pour but d’améliorer l’appropriation par les populations des résultats obtenus sur le terrain, d’inciter la partie nationale et les autres partenaires à investir davantage dans ces zones fragilisées, dans les travaux verts de restauration des sols pour la création d’emplois, la lutte contre l’avancée du désert et la relance de toute la chaine de valeur du secteur agropastoral de ces zones difficiles aux écosystèmes déstabilisées.