Mercredi 12 avril, l'OCDE a annoncé des niveaux records d'aide publique au développement en 2022, mais les fonds alloués à l'Afrique subsaharienne ont chuté de 7,8 %. En voyant les milliards de dollars accordés à l'Ukraine, les chefs d'Etat africains craignaient depuis des mois que la solidarité ne se retourne contre eux.
En 2022, l'aide publique des pays riches a augmenté de 13,6 % - "l'une des plus élevées de l'histoire" - pour atteindre 204 milliards de dollars (187 milliards d'euros), mais le continent n'en a pas profité. Au contraire, l'enveloppe allouée à l'Afrique subsaharienne a baissé de 7,8 % pour atteindre 29,7 milliards de dollars, soit un niveau comparable à celui de 2017.
Outre les fonds alloués à l'Ukraine (16,1 milliards de dollars, soit 7,8 % de l'APD totale), l'accueil des réfugiés dans les pays donateurs est une autre raison qui explique les chiffres records de 2022. Ces dépenses, comptabilisées dans l'aide publique au développement, s'élèvent à plus de 29 milliards de dollars en 2022, soit presque autant que les dépenses consacrées aux programmes de développement ou aux opérations humanitaires sur le continent lui-même.
Certains pays, comme le Danemark et la Suède, ont supposé dès le début de la guerre qu'une partie de leur aide étrangère serait transférée en Ukraine et qu'ils accepteraient des réfugiés. Au Sahel, la détérioration des relations entre les donateurs et les régimes putschistes a rendu ces décisions encore plus faciles. En mars, le gouvernement danois a annoncé qu'il réduirait de moitié son aide au Burkina Faso.
Au Sahel ou dans la Corne de l'Afrique, des millions de personnes ont été déplacées et leur survie dépend de l'aide humanitaire. Environ 20 pays sont endettés et la hausse des taux d'intérêt sur les marchés internationaux réduit la capacité des gouvernements à emprunter. Dans ses prévisions économiques mondiales publiées mardi, le Fonds monétaire international (FMI) prévoit pour l'Afrique subsaharienne une croissance de 3,6 % cette année, contre 3,9 % en 2021.
Le secrétaire exécutif de l’agence de planification du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), Ibrahim Mayaki, explique que ce désengagement des pays donateurs obligera les pays les plus vulnérables à mobiliser davantage de ressources nationales, ce qu'ils ont très peu fait jusqu'à présent. S'ils y parviennent, notamment grâce à une meilleure gouvernance, la réduction de l'aide finira par avoir un effet positif. Mais on peut aussi imaginer un scénario négatif, où la réduction des ressources entraîne plus d'absentéisme, plus de pauvreté et plus d'insécurité.