A l'occasion de la célébration, le lundi 26 juin 2023, de la Journée internationale de lutte contre la drogue, Niamey a eu l'honneur d'abriter la cérémonie de lancement du Rapport mondial 2023 sur les drogues pour la Région Afrique de l'Ouest et au Sahel. Selon le rapport, élaboré par l'Organisation des Nations Unies pour la Lutte contre les Drogues (ONUDC), les trafics des substances illicites et autres psychotropes ne cessent de prendre de l'ampleur en Afrique de l'Ouest et au Sahel, des zones de transit et de consommation. En plus de leurs conséquences néfastes sur la santé des populations, ces trafics gérés le plus souvent par des groupes criminels à buts lucratifs constituent comme c'est le cas particulièrement au Niger et au Sahel, des menaces aux efforts de sécurité, de gouvernance et de développement. D'où, selon le rapport, l'impérieuse nécessité pour les Etats et gouvernements, de coordonner et renforcer les mesures de prévention, de répression, de prise en charge ainsi que de lutte contre le trafic et la consommation des substances illicites pour un monde sans toxicomanie conformément aux objectifs du thème choisi cette année : "les gens avant tout, mettons fin à la stigmatisation et à la discrimination, renforçons la prévention".
C'est le Ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation, M. Hamadou Adamou Souley, assurant l'intérim du Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, M. Mohamed Ikta Abdoulaye, qui a présidé dans l'après-midi du lundi 26 juin 2023 à l'hôtel Radisson de Niamey, le lancement du rapport Mondial sur les drogues 2023 de l'ONUDC. La cérémonie s'est déroulée en présence de plusieurs personnalités parmi lesquelles Dr Armando Philip de Andrés, Représentant Régional de l'ONUDC pour l Afrique et du Centre ; Louise Aubin, Coordinatrice du Système des Nations Unies au Niger (SNU-Niger) ; M. Ousmane Baydo, Président de la Commission Nationale de Coordination de la Lutte contre la Drogue du Niger (CNCLD). On notait également la présence à l'évènement de la Coordinatrice de l'ONUDC au Niger, du Procureur de la République, des 27 points focaux sur les drogues et la santé en provenance de l'Afrique de l'Ouest, du Centre et du Nord, des hauts magistrats, des Ambassadeurs, Chefs de Missions Diplomatiques et Représentants des Organisations internationales ainsi que des responsables d'institutions, des forces de sécurité et des représentants des associations nationales et des médias.
Au Niger, la lutte contre la drogue érigée en question de sécurité nationale
En prenant la parole, le Président de la Commission Nationale de Coordination de Lutte Contre la Drogue (CNCLD), M. Ousmane Baydo dit s'être réjoui que le Niger ait eu l'honneur d'abriter cette cérémonie de lancement du Rapport Mondial sur les drogues. Il a rassuré les responsables de l'ONUDC que la CNCLD entend mettre en œuvre, non seulement pour intensifier la sensibilisation, en impliquant toutes les couches socioprofessionnelles, mais aussi en aidant le pays à se doter d'une stratégie et d'un programme national de Lutte contre l'abus et le trafic illicite de drogues ; cela passera nécessairement par l'amélioration de la qualité des données sur le fléau. Le Président de la CNCLD a rappelé aussi que la Commission a constamment bénéficié du précieux appui de l'ONUDC.
"Jadis pays de transit, le Niger est devenu depuis quelques années un pays de consommation, fléau qui touche principalement la jeunesse qui représente la majeure partie de la population. Les données disponibles montrent que le phénomène prend une ampleur inquiétante dans un pays où les structures de prise en charge font cruellement défaut. Malgré le travail remarquable de nos services de sécurité, la situation malheureusement s'aggrave de plus en plus ; il est dès lors impérieux de renforcer la prévention conformément au thème de cette année. La CNCLD conformément à son mandat, entend tout mettre en œuvre non seulement pour intensifier la sensibilisation, en impliquant toutes les couches socioprofessionnelles, mais aussi en aidant le pays à se doter d'une stratégie et d'un programme national de lutte contre l'abus et le trafic illicite de drogues ; cela passera nécessairement par l'amélioration de la qualité des données sur le fléau". M. Ousmane Baydo, Président de la CNCLD.
Dans son allocution de lancement du rapport, le Ministre de la Justice par Intérim, a laissé entendre que ce lancement lui offre le privilège et l'agréable plaisir de souhaiter aux noms du Président de la République, SEM Mohamed Bazoum et du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, M.Ouhoumoudou Mahamadou la chaleureuse et cordiale bienvenue en terre africaine du Niger à ses hôtes, mais aussi les remercier pour le choix et l'honneur faits au pays pour accueillir cet événement régional de portée capitale. Monsieur Hamadou Adamou Souley, de rappeler que cet événement intervient dans un contexte international marqué par la reprise des échanges commerciaux, suite à la levée des mesures de restrictions liées à la pandémie de COVID19 partout dans le monde. Il se déroule à un moment où le pays fait face à une insécurité due aux menaces terroristes et à une criminalité transnationale organisée (trafic de drogues, d'armes, de migrants, traite des personnes...).
"Dans notre sous-région, faut-il le rappeler, le trafic de drogue est un phénomène qui connait une évolution exponentielle en raison principalement de la présence des groupes terroristes et criminels qui font dudit trafic un moyen pour soutenir l'effort de guerre. C'est ainsi que le Sahel est devenu un espace de transit privilégié par les trafiquants de drogue dans un contexte où les frontières nationales sont poreuses, donc propices aux trafics illicites. C'est un défi énorme pour nos Etats en général, et le Niger en particulier. C'est un défi que nous relevons avec une remarquable efficacité", a souligné le ministre qui s'est félicité par la même occasion de constater que nos Forces de Défense et de Sécurité ont intensifié les opérations de répression et de démantèlement des réseaux de trafic de drogues, ce qui a conduit à d'importantes saisies de drogues illicites. A titre illustratif, a indiqué le ministre Adamou Souley, entre 2021 et 2023, plus de 17 tonnes de résine de cannabis, près de 9 tonnes d'herbe de cannabis et 218 kilogrammes de cocaïne. "Ces saisies spectaculaires sont le résultat des efforts remarquables de l'OCRTIS et de la Police Nationale, mais aussi des autres corps des Forces de Défense et de Sécurité, qui se sont engagés sans relâche dans la lutte contre les réseaux criminels de trafic de drogue", a estimé le ministre de la Justice par intérim pour qui, "il est incontestable que grâce à leur détermination, nous avons réalisé d'importants progrès dans le démantèlement et la neutralisation de ces réseaux de trafic de drogue à l'échelle nationale et internationale".
"Au Niger, la consommation et le trafic de drogue posent de sérieux défis en matière de santé publique, de sécurité et de développement économique. Il est urgent de renforcer la sécurité, d'investir dans des programmes de santé complets et de promouvoir des initiatives socio-économiques pour atténuer les conséquences dévastatrices du trafic de drogue. Ceci nécessite l'apport de différents secteurs de l'Etat. C'est pourquoi, le Niger a adopté une approche multi-sectorielle incarnée par la Commission Nationale de Coordination de la Lutte contre la Drogue en charge de l'élaboration d'une stratégie et d'un programme national pertinent de lutte contre la drogue. Je puis vous assurer de l'engagement du Gouvernement du Niger à prévenir la consommation de drogue, mieux à endiguer le trafic. C'est pour nous une question de sécurité nationale". Le ministre de l'Intérieur M. Hamadou Adamou Souley, Ministre de la Justice par intérim
Des données indispensables pour des réponses adaptées contre le fléau
La Coordinatrice Résidente des Nations Unies au Niger, quant à elle, n'a pas manqué de rappeler que, depuis 1989, les Nations Unies célèbrent chaque année, la Journée Internationale contre l'abus et le trafic des drogues afin de renforcer l'action internationale contre ce fléau. Elle a salué l'engagement du Niger dans la lutte contre la drogue. Selon, elle, au Niger, l'usage et le trafic de drogues troublent les efforts de sécurisation, de gouvernance et de développement. "L'année 2023 marque le mi-parcours des objectifs de développement durable que les Etats se sont fixés d'atteindre d'ici l'horizon 2030. Toutefois, le trafic et l'abus de drogue entravent les progrès en direction des ODD en touchant à des domaines clés : la santé, l'éducation, la paix, la justice, les droits humains, l'environnement ou encore l'égalité. Le défi est donc de taille et l'urgence de la réponse également", a-t-elle déclaré. En ce sens, le thème de la journée de cette année, « Les personnes d’abord : stoppons la stigmatisation et la discrimination, renforçons la prévention », souligne la nécessité d'accentuer les efforts de prévention de la consommation de drogues et d'accès aux soins pour tous et toutes. Pour cela, a poursuivi Mme Aubin, l'approche globale doit se baser sur les droits humains et le principe de « ne laisser personne pour compte ». "Les efforts de prévention requièrent une fine compréhension des dynamiques qui sous-tendent l'usage de drogues et les obstacles pour l'accès aux soins des usagers. Le Rapport mondial sur les drogues, que l'ONUDC produit chaque année en collaboration avec les Etats, est un pas dans cette direction", a également mis en avant la coordinatrice du SNU-Nige qui a tenu à attirer l'attention, à la lumière des résultats de ce rapport, sur des inégalités persistantes en particulier pour l'accès à l'éducation, à l'emploi mais aussi à la santé - qui constituent des obstacles à la prévention contre l'usage des drogues et le traitement des usagers.
"Les données précieuses du Rapport mondial sur les drogues nous permettront d'accompagner les Etats pour proposer de solides réponses programmatiques, basées sur des données scientifiques, en collaboration avec les partenaires techniques et financiers. Nos réponses seront efficaces à condition d'être le fruit d'efforts collectifs et coordonnés. Il est essentiel de fournir des campagnes de prévention efficaces en mobilisant par exemple les acteurs du système éducatifs, de soutenir les services de sécurité et de justice à mener des enquêtes sur les affaires de trafics de drogues, tout en proposant des soins adaptés aux personnes souffrant de dépendance avec le personnel de santé". Mme Louise Aubin, Coordinatrice du Système des Nations Unies au Niger.
De son coté, le Représentant régional de l'ONDUC pour l'Afrique et du Centre, Dr Armando Philip de Andrés, a tenu à adresser ses chaleureux remerciements à la République du Niger pour l'accueil de cet évènement et aux Royaumes du Danemark et de la Norvège pour leur soutien financier. Il a indiqué que la célébration de cette journée couplée au lancement du rapport mondial sur les drogues est un temps très important car il est au cœur de l'action et du mandat de l'ONUDC, dans un contexte où la drogue perturbe les efforts pour la stabilité et le développement de la région.
"En Afrique, les conséquences du trafic de drogues sont ressenties, mais le manque de données fiables constitue un obstacle. Les populations subissent des conséquences psychosociales, économiques, sécuritaires et sanitaires liées au trafic et à la consommation de drogues. Cependant, le manque de données fiables concernant l'ampleur, les modes et les tendances de ce phénomène constituent une entrave significative dans les efforts de répression, de prévention et de prise en charge de ce fléau. Pour répondre à ce manque de données, l'ONUDC produit chaque année un Rapport mondial sur les drogues qui est publié le 26 juin. Ce travail est le fruit d'efforts conjoints. Je tiens pour cela à remercier les États membres et notamment leurs points focaux qui ont fourni des données et des analyses et qui se sont joints à nous aujourd'hui. Votre rôle et vos contributions sont indispensables". Dr Armando Philip de Andrés, Représentant régional de l'ONUDC pour l'Afrique de l'ouest et du centre.
Des chiffres qui témoignent de l'ampleur du phénomène
La cérémonie de lancement s'est par la suite poursuivie par la présentation en détails des résultats du rapport par François Patuel, le chef de l'unité recherche, et Dr Anselme Simeon Sanou, chef de la section santé de l'ONUDC pour l Afrique de l'ouest et du Centre. Elle a été clôturée par une conférence de presse animée par le Ministre de la Justice par Intérim et le Représentant Régional de l"ONUDC pour l'Afrique de l'ouest et du Centre.
Selon le rapport, l'Afrique reste une région de transit essentielle pour la cocaïne à l'ouest, l'héroïne à l'est et la résine de cannabis, essentiellement produite dans la région, au nord. Au Sahel, la quantité de cocaïne saisie est en nette augmentation (13 kg par an entre 2015-2020 à plus de 35 kg en 2021 et 863 kg en 2022). Le trafic de drogue finance en partie divers groupes armés au Sahel, par le biais notamment de paiement de taxes en échange d'une protection à travers les zones contrôlées par ces groupes. L'Afrique représente aussi la moitié des quantités d'opioïdes pharmaceutiques, notamment de tramadol, saisis mondialement entre 2017-2021.
Le rapport souligne que les services d'application des lois doivent prendre en compte les modèles commerciaux criminels agiles et la prolifération des drogues synthétiques comme le tramadol, peu coûteuses et facilement accessibles sur le marché. Aussi, la prévention et l'accès aux services de santé doivent être une priorité, faute de quoi les problèmes liés aux drogues laisseront davantage de "personnes de côté". Par ailleurs, a relevé le rapport, le mésusage du tramadol reste une menace pour la santé publique, en particulier en Afrique du Nord, de l'Ouest et du Centre.
Il convient de rappeler que la publication de ce rapport intervient dans un contexte marqué en Afrique de l'Ouest et au Sahel, par des populations qui continuent de rencontrer des difficultés majeures pour accéder à des médicaments conformes aux standards internationaux et à des soins disponibles dans leur localité et à prix abordable. Au Sahel, principalement, les populations ont particulièrement souffert de la sécheresse, de la pauvreté, de la violence politique, et des conflits qui y sont liés, ainsi que du trafic de drogue qui contribue à alimenter les différents conflits dans la région. L'évolution des décès et des incidents violents montre une tendance à la hausse sur la période 2020-2022, passant d'environ 7 000 décès en 2020 à plus de 10 000 en 2022 et d'environ 2 300 incidents violents à 3 600 sur cette période. Bien que la violence soit répandue dans le Sahel, le seul pays de la région identifié comme ayant une gravité extrême de conflit est le Mali en 2022. Divers groupes armés non étatiques sont actifs dans le Sahel, y compris des groupes djihadistes affiliés à Al-Qaida et à Da'esh. "Ces acteurs utilisent une gamme variée de sources de revenus, y compris le commerce illicite de la drogue", a mis en évidence le rapport.
C'est ainsi que pour répondre aux défis régionaux identifiés dans le Rapport Mondial sur les Drogues, l’ONUDC soutient les Etats Membres dans le cadre de la Vision stratégique pour l'Afrique 2030 de l'ONUDC. A ce titre, l'approche mise en œuvre s'articule autour de 2 interventions principales dont la réduction de l'offre avec les interventions de détections et d'investigations ainsi que la réduction de la demande de drogues avec des interventions de prévention, de traitement et de réinsertion en vue de réduire les conséquences négatives sur la santé et la société et de garantir le respect des droits humains. Selon l'ONUDC, ces interventions supposent une approche coordonnée et intégrée entre la lutte contre le trafic et la lutte pour la réduction de la demande de drogue.