Le silence assourdissant de l’opposition politique et des partis non-affiliés sur les deux avant-projets de lois organiques portant respectivement sur la création, l’organisation et le fonctionnement de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et sur le régime général des élections et des référendums est tout simplement affligeant. Les deux avant-projets de textes ont été élaborés, apprend-on, par un comité d’experts mis en place de façon exclusive par le Premier ministre Ouhoumoudou Mahamadou, pour corriger les insuffisances constatées à l’occasion du cycle électoral 2020-2021-2023. D’aucuns soutiennent qu’il s’agit plutôt d’une initiative du président Bazoum Mohamed en personne.
L’un d’autre, l’initiative émane du PNDS Tarayya qui cherche visiblement à baliser le terrain en prélude aux élections générales de 2025-2026 qu’il ambitionne d’affronter avec le moins d’adversaires possibles.
Ce n’est pas en réalité une surprise. Le député PNDS Kalla Hankourao, vice président de l’Assemblée nationale, avait, l’on se rappelle, souligné la nécessité de réviser les autres textes de lois dont la charte des partis politiques, à l’occasion de la dernière session du Conseil national de dialogue politique (CNDP) qui a été convoquée pour examiner et amender les statut et réglèment intérieur dudit cadre de concertation politique.
Nous nous contenterons d’anlyser uniquement, ici, l’avant projet de loi électorale élaboré par le PNDS pour montrer la volonté sournoise cachée derrière l’initiative.
Aux dernières élections générales de 2020-2021, le montant de la caution pour les élections présidentielles était de 25 millions Fcfa. Malgré la consistance du montant aux yeux de l’écrasante majorité des Nigériens, qui survivent à la sueur uniquement de leur front, l’on a enregistré une trentaine de candidattures sur les 41 dossiers transmis par le ministère de l’Intérieur à la Cour constitutionnelle pour validation.
Pour les Tarayyistes, qui se sont vachement enrichis ces dernières années par le biais notamment de mécanismes de captation illicites des ressources publiques (détournements, surfacturation des marchés publics, corruption, etc.) qu’ils ont mis en place, ce nombre de candidats est excessif ; il faut trouver un moyen légal pour barrer la route aux candidatures ‘’fantaisistes’’.
C’est certainement la raison pour laquelle le montant de la caution est plafonné à 200 millions Fcfa dans le nouvel avant-projet de loi, avec des marges de restitution jusqu’à une certaine hauteur du montant de la caution, en fonction du pourcentage de voix recueillis par les candidats malheureux.
Un tel montant astronomique constitue, à coup sûr, un obstacle aux candidatures indépendantes et même à de nombreux partis politiques porteur de projets de société louables mais disposant de surface financière limitée dans un jeu démocratique qui ne manquerait pas d’être biaisé au profit du parti au pouvoir.
La volonté cynique des Tarayyistes de restreindre drastiquement les candidatures ne se limite pas uniquement aux présidentielles, elle concerne aussi les élections législatives et les locales. Pour les législatives, la caution à verser par liste de candidatures par circonscription ordinaire est de 50 millions Fcfa et 2 millions Fcfa pour les élections locales.
Au niveau des circonscriptions spéciales, pour la députation chaque candidat est astreint au versement de 25 millions de francs. Faites la sommation du montant total à débourser par un parti qui ambitionne compétir dans les 8 régions du pays avec des listes de candidatures aux législatives et aux locales. Il lui faudra mobiliser des centaines de millions francs rien que pour la validation de ses listes, indépendamment du budget à réunir pour la campagne électorale.
N’est-ce pas pour instaurer dans notre pays une démocratie exclusive, un système où seuls les multimillionnaires-voire les milliardaires- pourraient prétendre désormais exercer de fonctions politiques électives ? Pour réduire les citoyens à la base à de simples votant quel que soit leur dégré de popularité au sein de leurs communautés ?
Il s’agit d’un projet scandaleux qui dépouille la démocratie de sa vertu fondamentale, à savoir la possibilité de sanction qu’elle offre au peuple de chasser du pouvoir les dirigeants qui gèrent mal l’Etat.
Si des citoyens honnêtes, en mesure de représenter une alternative crédible, sont systématiquement exclus de la course par manque de ressources financières colossales, ça sera alors les mêmes dirigeants vomis qui seront de facto reconduits pour poursuivre leur entreprise de prédation des deniers publics.
Fort heureusement, il ne s’agit que d’un avant-projet de loi qui n’a aucune chance de prospérer. Pour sûr, même les alliés du PNDS Tarayya ne cautionneront pas cette insulte au risque de se condamner à mort!