Depuis Johannesburg où il participe au sommet du BRICS, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré que l’invasion que projette la Cédéao au Niger ne sera bénéfique pour personne et sera dévastatrice pour des milliers de personnes. Depuis le début de la crise politique au Niger, Moscou s’est opposée à une action armée dans le pays tout en privilégiant le dialogue et la diplomatie pour restaurer l’ordre constitutionnel.
« Je ne pense pas que l’invasion soit bénéfique pour qui que ce soit », a déclaré ce jeudi 24 août 2023, depuis Johannesburg, en Afrique du Sud, le chef de la diplomatie qui a, d’ailleurs fait remarquer qu’ « une force est déjà en train d’être créée dans une autre partie de la Cédéao pour contrer l’invasion ». Une référence au soutien apporté par les autorités de transition militaire du Burkina et du Mali à leurs homologues du Niger, dans l’éventualité d’une intervention militaire de la Cédéao dans le pays afin de restaurer l’ordre constitutionnel.
Interrogé par l’agence de presse TASS, à l’occasion d’une conférence de presse en marge du Sommet des BRICS, Sergueï Lavrov a déclaré qu’il ne souhaite vraiment pas « ce genre de scénario » aux pays africains. « Ce serait dévastateur et destructeur pour un grand nombre de pays et des milliers de personnes », a alerté le diplomate russe.
Comme Alger, Moscou plaide pour une solution pacifique à la crise
La Russie avait déjà fait part de sa position sur la situation qui prévaut au Niger depuis la prise du pouvoir, fin juillet, par des militaires qui ont renversé le président Bazoum. Cependant, c’est la première fois que le ministre des Affaires étrangères de la Russie commente la situation politique qui prévaut dans le pays ainsi que l’option militaire à laquelle se prépare la Cédéao pour rétablir l’ordre constitutionnel.
Dans un communiqué publié vendredi 11 août 2023 par le ministère russe des Affaires étrangères, Moscou s’était positionnée contre toute intervention armée au Niger, estimant que l'usage de la force provoquera « une forte déstabilisation » du pays ainsi que de l’ensemble de la sous-région. L’annonce de la Russie est intervenue au lendemain de l’annonce par la Cédéao, de l’activation et du déploiement de sa force en attente pour intervenir au Niger en cas d’échec de la diplomatie. Une décision dont le Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l’Union Africaine (UA) a annoncé, avoir pris note, sans toutefois donner son feu vert à cette option à laquelle s’oppose également des pays voisins du Niger, notamment l’Algérie. « Nous pensons qu'une voie militaire de résolution de la crise au Niger pourrait conduire à une confrontation prolongée dans ce pays africain ainsi qu'à une forte déstabilisation de la situation dans l'ensemble de la région du Sahara et du Sahel », avait indiqué le ministère russe des Affaires étrangères dans son dernier communiqué, une déclaration qui rejoint celle du porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, qui, au lendemain du coup d’état du 26 juillet 2023, a condamné la rupture de l’ordre constitutionnel tout en appelant « à un rétablissement au plus vite de la légalité dans le pays, à la retenue de toutes les parties afin d'éviter d'en arriver à des pertes humaines ».
Cependant, après les menaces de la Cédéao de recourir à l’usage de force pour rétablir l’ordre constitutionnel, Moscou a mis en garde sur les conséquences d’une intervention armée au Niger. « Nous considérons qu'il est extrêmement important de ne pas permettre une nouvelle dégradation de la situation dans le pays, nous pensons qu'il est urgent d'organiser un dialogue national pour rétablir la paix civile, assurer la loi et l'ordre », a déclaré la semaine dernière, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova, citée par les agences de presse russes. Selon elle, les « problèmes africains nécessitent des solutions africaines » et la « menace de recourir à la force contre un Etat souverain ne contribuera pas à désamorcer les tensions et à résoudre la situation dans le pays ». C’est pourquoi, a ajouté Mme Zakharova, « nous espérons que des efforts seront déployés par l'intermédiaire de l'Union africaine et des organisations régionales ».
Notons également que depuis le début de la crise politique, des manifestations de soutien à la junte se multiplient à Niamey, la capitale, mais aussi dans les principales villes du pays et à chaque fois, des drapeaux russes sont brandis par les manifestants qui font des appels du pied au Président Poutine alors que malgré les rumeurs, aucun élément de preuve de l’implication de Moscou dans les évènements qui se poursuivent au Niger n’a pu être confirmé.