Jeudi soir, la Cédéao s’est fendue d’un communiqué de démenti d’une dépêche relayé par les médias qui aurait attribuée à l’organisation, une nouvelle proposition d’une transition de neuf (9) mois aux autorités militaires nigériennes comme sortie de crise politique. Si le démenti concerne l’information, il ne remet en aucun cas en cause les propos tenus le même jour par le Président du Nigeria, par ailleurs président en exercice de la Cédéao, dans lesquels Bola Ahmed Tinubu avait déclaré à une délégation du Conseil suprême des affaires islamiques du Nigeria (NSCIA), qu’il ne verrait pas pourquoi l’expérience réussie de transition démocratique menée par son pays en 1998-99, ne serait pas réplicable au Niger. Des propos rapportés par son conseiller spécial en communication Ajuri Ngelale, et dont la version anglaise est disponible sur le site officiel de la Présidence nigériane.
Dans son communiqué, la Cédéao annonce que son attention a été attirée par un rapport sur « un supposé calendrier de transition » proposé par l’organisation pour le Niger. « L’information, en français et prétendument relayée par l’AFP [Agence France Presse, NDLR] est fausse et doit être traitée comme telle », poursuit le démenti de la Commission de la Cédéao qui rappelle, par ailleurs, que « la demande des Chefs d’Etat et de gouvernement est claire : Les autorités militaires du Niger doivent rétablir immédiatement l'ordre constitutionnel en libérant et en restaurant S.E. le Président Mohamed Bazoum dans ses fonctions ».
A l’évidence, donc, ce démenti ne concerne que la supposée proposition de calendrier de transition attribuée à la Cédéao comme repris par certains médias et relayé sur les réseaux sociaux.
Les propos tenus plutôt par le Président du Nigeria, et qui ont été à la base de la polémique, ne sont nullement remis en cause par ce démenti comme en atteste la note publiée par les services de la Présidence du Nigeria, suite à la rencontre qui s’est tenue le même jour à Aso Rock Villa, entre Ahmed Bola Tinubu et une délégation du Conseil suprême des affaires islamiques du Nigeria (NSCIA), conduite par le sultan de Sokoto, Son Éminence Muhammad Sa'ad Abubakar III.
Lors de cette rencontre avec cette délégation qui mène une médiation parallèle entre le CNSP et le Président Tinubu, par ailleurs président en exercice de la Cédéao, il avait fait remarquer que le Nigeria, sous la direction du général Abdulsalami Abubakar, avait institué un programme de transition de neuf mois en 1998, qui s'était révélé très efficace, conduisant le pays vers une nouvelle ère de gouvernance démocratique. « Le président ne voit aucune raison pour que cela ne puisse pas être reproduit au Niger, si les autorités militaires du Niger sont sincères », est-il indiqué dans la note signée par son conseiller spécial en communication Ajuri Ngelale, et dont la version anglaise est disponible sur le site officiel de la Présidence.
Selon cette note publiée par la présidence nigériane à l’issue de la rencontre, le chef de l’Etat a tenu à assurer ses interlocuteurs qu’il faudrait que toutes les options diplomatiques soient épuisées avec la junte militaire en République du Niger pour que, en dernier recours, l’intervention militaire n'intervienne, tout en insistant sur le fait « tout renversement par la force d'un gouvernement démocratique reste totalement inacceptable ». Il a d’ailleurs tenu à remercier les leaders religieux et coutumiers pour leur médiation dans la crise que traverse le Niger voisin depuis la prise du pouvoir par les militaires du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), et les a aussi exhortés « à retourner » à Niamey pour poursuivre leurs efforts de sortie de crise pacifique.
« Nous sommes voisins de la République du Niger, et ce qui uni nos deux grands peuples ne peut être brisé. Personne n’est intéressé par une guerre. Nous avons vu la dévastation en Ukraine et au Soudan », a laissé entendre le chef de l’Etat nigérian qui a tenu a souligné qu’il est essentiel de brandir les mesures fortes contre les prises de pouvoir par la force, « sinon, nous en subirons tous les conséquences ensemble ». La présidence rapporte également que bien que le chef de l’Etat a jugé que l’action des militaires nigériens était « inacceptable », il a dit que des mesures d’allègements des sanctions peuvent être envisagées en cas d’évolution positive de la situation. « Plus tôt ils procéderont à des ajustements positifs, plus vite nous lèverons les sanctions pour atténuer les souffrances que nous constatons au Niger », a dit le Président Bola Ahmed Tinubu à ses visiteurs du jour, selon la note de la Présidence nigériane.
Comme il y apparait, Bola Tinubu s’exprimait en tant que président du Nigeria et avec une délégation de médiateurs de bons offices de son pays mais il n’en demeure pas que c’est la première fois que celui qui est bel et bien président en exercice de la Cédéao évoque une transition au Niger, que certains ont vu comme une main tendue aux nouvelles autorités du Niger. Jusque-là, les positions étaient figées entre Niamey et Abuja et les négociations semblaient même dans l’impasse après le dernier séjour à Niamey de l’émissaire de la Cédéao, Abdulsalami Abubakar, et le compte rendu de sa mission qu’il a fait à Abuja.
Il faut noter que cette polémique est intervenue au moment où le Président de la Commission de la Cédéao, Alieu Touray, et le chef de la diplomatie au temps de Bazoum, Hassoumi Massaoudou, se trouvaient à Tolède, en Espagne, pour plaider en faveur d’un soutien de l’Union européenne aux décisions des chefs d’Etat de la Cédéao sur la situation qui prévaut au Niger.