Les services de sécurité sont, depuis quelques jours, à la recherche d’une trentaine de proches de l’ancien président Bazoum Mohamed dont certains sont « en fuite » selon le message diffusé en fin de semaine aux différentes unités de la gendarmerie et de la police nationales. Il s’agit pour l’essentiel d’anciens membres du gouvernement, de hauts gradés des forces de défense et de sécurité (FDS) ainsi que des responsables d’institutions, diplomates et membres du cabinet présidentiel qui sont recherchés pour soupçons de « trahison et de complot », en relation avec les évènements du 26 juillet 2023. Au courant de la semaine déjà, une douzaine de personnalités interpellées au lendemain du coup d’état, ont été inculpées et placées en détention provisoire dans plusieurs prisons du pays.
Dans le message radio adressé aux différents services de sécurité nigérienne, ils sont au total vingt-six(26) personnes qui sont activement recherchées pour leur implication dans « une affaire de trahison et complot ayant pour but de porter atteinte à la sûreté de l'État survenue suite aux événements de changement de régime le 26 juillet ». La liste comprend des personnalités en exil, « en fuite » dans le document, mais aussi d’autres dont la présence est signalée encore dans le pays.
Parmi les personnalités citées, des membres du gouvernement notamment l’ancien Premier ministre Ouhoumoudou Mahamadou, l’ancien chef de la diplomatie Hassoumi Massaoudou ainsi que plusieurs autres anciens ministres comme l’ancien chef rebelle Rhissa Ag Boula (conseiller à la Présidence), Alkache Alhada (Commerce), Salamatou Gourouza (Industrie), Ibrahim Yacouba (Energie) ou Kassoum Moctar (Formation professionnelle et Technique).
La liste comprend également des officiers de l’armée comme le général Abou Mahamadou Tarka, (ex président de Haute Autorité à la consolidation de la paix, HACP), le colonel Harouna Souleymane Gazobi (ancien aide de camp du Président), le général Karingama Waly Ibrahim (ancien SG du ministère de la Défense et ex DG CNESS). L’ancienne ambassadrice du Niger en France, Mme Aichatou Kane Boulama, ainsi que l’ex ambassadeur aux USA Mamadou Kiari Liman Tinguiri et celui au Nigeria Alat Mogaskia, y figurent également tout comme d’autres membres du cabinet et proches du président déchu Bazoum Mohamed à l’image de Daouda Takoubakoye (Directeur de cabinet adjoint), Abdourahamane Ben Hameye (ex conseiller de Bazoum et ancien Directeur technique à la DGDSE) ou Issa Galmey (ex chef de cabinet).
Aussi, l’ancienne Président de l’ARCEP, Mme Beti Aichatou Habibou Oumani ainsi que plusieurs conseillers de l’ancien Président de la République figurent sur la liste transmise à la gendarmerie, à la police ainsi qu’à Interpol.
«Trahison », « complot » et « atteinte à la sureté de l’Etat » pour commencer
En milieu de semaine déjà, d’anciens dignitaires du régime déchu qui ont été interpelés au lendemain du coup d’Etat et étaient jusque-là en résidence surveillée au sein du complexe présidentiel de Niamey, ont été auditionnés au parquet puis inculpés par un juge d’instruction avant de se voir placés sous mandat de dépôt dans plusieurs prisons civiles du pays. Il s’agit notamment de l’ancien ministre de l’Intérieur Hamadou Adamou Souley qui a été écroué à la prison civile de Kollo, près de Niamey, les anciens ministres du Pétrole, Mahamane Sani Issoufou dit « Abba », fils de l’ancien chef de l’Etat Issoufou Mahamadou, et celui des Finances, Dr Ahmat Jidoud, qui ont été envoyés respectivement dans les prisons civiles de Filingué et de Say, dans la région de Tillabéri. L’ancien Haut représentant du président de la République et Président du PNDS Tarayya, Foumakoye Gado, ancien ministre du Pétrole sous Mahamadou Issoufou, a été lui placé en détention à la prison civile de Niamey, bien qu’il continue de recevoir des soins à l’Hôpital général de référence de la capitale.
Les autres ont également suivi avec l’ancien ministre du plan Rabiou Abdou qui est incarcéré à la prison de Birnin’Gouré et l’ex ministre de la Défense Kalla Moutaria qui été déposé à la prison civile de Say.
Deux hauts gradés de la Garde nationale du Niger ont également subi le même sort avec l’ancien Haut-commandant, le colonel-major Guirey Midou qui est écroué à la prison de Ouallam alors que le colonel AlioMatani, ancien chef des opérations, a été placé en détention à la prison de haute sécurité de Koutoukalé
L’ancien leader estudiantin et assistant de l’ancien directeur de cabinet en second Omar Albadé a été envoyé à Filingué et le chef de cabinet de l’ancienne Première Dame et présidente de la fondation Noor, Issa Abdou, est lui détenu à Say.
Bien que les charges retenues contre ces anciens dignitaires et proches de Bazoum Mohamed n’ont pas été officiellement communiquées, tout laisse à croire qu’elles ont un lien avec « les éléments suffisants de preuve » que le CNSP avait annoncé détenir, début août, contre l’ancien chef de l’état et ses complices, pour « trahison » et « atteinte à la sureté de l’Etat ».
Il convient de noter que mercredi dernier, les autorités ont annoncé la création par décret du président du CNSP, le général Abdourahmane Tiani, d’une Commission de Lutte contre la Délinquance Économique, Financière et Fiscale (COLDEFF). Selon les explications du porte-parole du CNSP et du gouvernement de transition, le Colonel-major Abdourahamane Amadou Djibo, la Commission dispose de tous les pouvoirs nécessaires pour mettre en œuvre les orientations du CNSP et du gouvernement relatif à la lutte contre la délinquance économique, financière et fiscale, dans le respect des lois et règlements de la République. Il s’agit principalement, et selon le CNSP, de recouvrer tous les biens publics illégalement acquis ou détournés. « La création de cette Commission matérialise l’un des engagements forts pris lors de son Message adressé à la Nation le 28 juillet 2023 en vue de lutter contre la corruption, l’impunité, le détournement des biens publics et la mauvaise gouvernance », est-il précisé dans le communiqué. En plus des charges à caractère politique, beaucoup de dignitaires du régime déchu risquent à coup sur de devoir rendre compte de leur gestion au regard des scandales qui ont émaillé les 12 ans de règne du PNDS Tarrayya à la tête du pays.