Le ministre des Affaires étrangères du Mali, Abdoulaye Diop a délivré, samedi 23 septembre, un message à la 78e session de l’Assemblée générale des Nations unies (ONU) qui se déroule à New York, aux Etats-Unis. Un message au nom du Président de la transition et du peuple malien mais aussi au nom du Chef d’État du Niger, le général Abdourahmane Tchiani, « empêché de s’exprimer à cette tribune », a déclaré le chef de la diplomatie malienne dès le début de sa longue adresse, dans laquelle il a brossé la situation qui prévaut dans son pays mais également au Sahel. L’occasion pour M. Diop de rappeler qu’avant cette décennie de violences aux conséquences dévastatrices, « la région du Sahel était autrefois connue pour être un havre de paix, de cohésion sociale et de vivre ensemble ». Face aux menaces, « le Mali a changé de paradigme et pris son destin en main, a-t-il affirmé, précisant que les forces de sécurité maliennes s’acquittent de leurs missions régaliennes » et, « le peuple malien a confiance dans l’engagement du gouvernement contre les groupes terroristes », a-t-il assuré. Dans son intervention, que nous vous proposons en intégralité dans cet article, le ministre a ensuite dénoncé les ingérences de puissances étrangères, notamment françaises, qui facilitent les activités de groupes armés terroristes au Mali et au Sahel ainsi que les manœuvres de déstabilisation visant à retarder ou empêcher des demandes de financements auprès des institutions internationales ou régionales. S’agissant du Niger, le ministre malien a réitéré sa solidarité et son soutien au gouvernement et au peuple du Niger. Il a dénoncé les actions et mesures coercitives prises par la Cédéao et l’Uemoa contre le Niger avant de réaffirmer l’opposition du Mali à toute intervention militaire au Niger, alertant que celle-ci constituerait une menace directe pour la région. En ce sens, il a rappelé les conséquences désastreuses de l’intervention menée en Libye et autorisée par le Conseil de sécurité en dépit de l’avis des dirigeants africains avant d’avertir que si une telle situation se reproduisait au Niger, « le Mali ne resterait pas les bras croisés ».
« Le peuple et le gouvernement du Mali réitèrent, leur solidarité et leur soutien total au gouvernement et au peuple du Niger, pays frère, voisin et ami. Nous dénonçons sur le principe l’imposition des sanctions et des mesures coercitives contre un Etat. Nous dénonçons d’autant plus que les sanctions lors qu’elles sont injustes illégales et inhumaines comme celles que la CEDEAO et l’UEMOA ont imposé au Niger », a affirmé le Chef de la diplomatie malienne du haut de la tribune des Nations unies. Par ailleurs, a-t-il déclaré, « le Mali reste fortement opposé à toute intervention militaire de la CEDEAO aux conséquences désastreuses pour le Niger mais aussi pour l’ensemble de la région ». Et le chef de la diplomatie malienne de prévenir que, « toute intervention militaire au Niger, j'allais dire toute agression, toute invasion de ce pays, constitue une menace directe à la paix et à la sécurité du Mali, mais aussi à la paix et à la sécurité de la région, et aura nécessairement des conséquences sérieuses. Nous ne resterons pas les bras croisés ». Selon Abdoulaye Diop, il est, en effet, crucial d’éviter de reproduire au Niger les erreurs commises en Libye et qui sont, justement à l’origine de la dégradation de la situation dans toute la région du Sahel, y compris au Burkina Faso, au Mali et au Niger.
Il convient d’ailleurs de rappeler que le Mali a signé il y a une semaine avec le Niger et le Burkina Faso une alliance défensive (Alliance des Etats du Sahel), qui prévoit une assistance mutuelle en cas d'atteinte à la souveraineté et à l'intégrité territoriale des trois pays. Une alliance, a-t-il dit, qui vise aussi à renfoncer « une intégration des peuples fondée sur la solidarité, le respect de la dignité, l’affirmation de la souveraineté et rejette toute formes d’ingérence extérieure ». Dans son intervention, le chef de la diplomatie malienne a une nouvelle fois fustigé la « domination néocoloniale » de la France avant d’adresser une « mention spéciale » à la Russie « pour sa solidarité agissante et un engagement fiable tant sur le plan bilatéral que multilatéral ».
Le Mali strict sur ses choix souverains
S’agissant du Mali, il a souligné qu’une action militaire ne suffit pas à enrayer de manière durable le terrorisme. C’est pourquoi, il a mis en avant la stratégie intégrée déployée par le gouvernement pour y faire face non sans manquer de rappeler qu’après dix ans de présence la réponse sécuritaire internationale n’est pas à la hauteur des menaces et ne tient pas compte des attentes des populations.
C’est du reste pourquoi, a déclaré le chef de la diplomatie malienne, les autorités de transition ont demandé en toute souveraineté, la fin de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), qui interviendra en décembre 2023, conformément à la résolution 2690 (2023) du Conseil de sécurité. « Le gouvernement de la République du Mali n'envisage pas de proroger ce délai », a prévenu le ministre qui a aussi tenu à « rassurer les populations maliennes et la communauté internationale que toutes les dispositions sont prises pour assurer la continuité des services de l'État après le départ de la Minusma ».
« Le gouvernement de la République du Mali est plus que jamais déterminé à exercer sa souveraineté, asseoir son autorité, toute son autorité sur l'ensemble du territoire national », a déclaré le ministre Diop qui a certes réaffirmé l’attachement du Mali aux idéaux de la Charte de l’Organisation des Nations Unies, mais a déploré « l’incapacité du Conseil de sécurité à parvenir à un consensus pour dénoncer les actes barbares » commis le 7 septembre à Gao, Bourem et Bamba. « De la part du Mali, la riposte aux terroristes sera immédiate », a-t-il averti, avant de réitérer son soutien à une réforme du Conseil de sécurité afin de le rendre plus représentatif. Il a, par ailleurs, salué l’ouverture des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) à de nouveaux Etats africains ainsi que l’élargissement du G20 à l’Union africaine, le qualifiant d’ « encourageant mais insuffisant ».
A.Y.B (actuniger.com)
Discours de Son Excellence Monsieur Abdoulaye DIOP, Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, à l'occasion du débat général de la 78ème session ordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies
Monsieur le Président de l'Assemblée générale,
Excellences, Mesdames, Messieurs, Monsieur le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies,
C'est pour moi un grand honneur de vous adresser les salutations cordiales de Son Excellence Le Colonel Assimi GOITA, Président de la Transition, Chef de l'Etat, au nom du Peuple du Mali.
Je m'exprime également au nom de Son Excellence Le Général de Brigade Abdourahamane TIANI, Président du Conseil national pour la Sauvegarde de la Patrie, Chef de l'Etat du Niger, empêché de s'exprimer à la tribune de la présente Assemblée générale.
Avant tout autre propos, je voudrais renouveler la compassion des Autorités et du Peuple du Mali aux Autorités et aux Peuples du Maroc, de la Libye, de la Turquie et de la Syrie, suite aux catastrophes naturelles qui ont endeuillé ces pays frères.
Monsieur le Président,
La paix et la sécurité restent la priorité pour les populations du Mali et du Sahel, après plus d'une décennie de violences aux conséquences particulièrement dévastatrices. Pourtant, cette région était connue comme un havre de paix, de cohésion sociale et de vivre ensemble entre les communautés qui la composent.
Pour sa part, le Mali a décidé de changer de paradigme et de prendre son destin en main. Ainsi, au plan sécuritaire, le Mali a accordé la priorité au renforcement des capacités des Forces de défense et de sécurité maliennes, afin de leur permettre de s'acquitter de leurs missions régaliennes de défense du territoire national et de protection des populations et des biens. Aujourd'hui, le peuple malien a repris confiance dans son outil de défense. Aujourd'hui, les populations du Mali sont encouragées par les résultats engrangés dans la lutte contre les groupes armés terroristes et leurs sponsors étatiques étrangers.
Le Mali dénonce à nouveau et avec force, les ingérences de certaines puissances qui continuent de faciliter les activités criminelles des groupes armés terroristes au Mali et au Sahel.
Il y a lieu de rappeler que le 15 août 2022, le Gouvernement du Mali avait alerté le Conseil de sécurité sur les actes d'hostilité et d'agression de la France. Au lieu de cesser ces agissements, ce pays, membre permanent du Conseil de sécurité, continue, en toute impunité, ses manoeuvres de déstabilisation du Mali et du Sahel, comme en témoigne la récente libération de terroristes dans la zone des trois frontières du Burkina, du Mali et du Niger, en dehors de tout cadre judiciaire et à l'insu des Etats concernés, pour perpétrer plus d'actions terroristes contre nos populations civiles et nos Forces de défense et de sécurité.
Les actes hostiles de la France s'illustrent également par ses interventions intempestives et illégales pour retarder voire empêcher le traitement de nos demandes de financement dans plusieurs Institutions financières sous- régionales, régionales et internationales.
Dans le même ordre d'idées, il est regrettable que le même pays tente, et parfois parvienne malheureusement à instrumentaliser des organisations sous régionales africaines, opposant des pays frères les uns aux autres, uniquement pour ses intérêts géopolitiques, dans une démarche néocoloniale et paternaliste.
Monsieur le Président,
Le Mali est conscient du fait que l'action militaire seule ne suffit pas pour enrayer de manière durable les défis complexes liés au terrorisme et à certaines problématiques de la gouvernance du pays. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'est doté d'une stratégie intégrée, qui comprend les réformes politiques et institutionnelles, le volet développement, la prise en compte des préoccupations spécifiques de la jeunesse, des femmes, y compris l'emploi et leur représentation dans les instances de décision aux niveaux local et national.
Pour créer les conditions permettant de réaliser les aspirations profondes des populations maliennes au changement, le Gouvernement s'est engagé dans la mise en œuvre de réformes politiques et institutionnelles nécessaires à la refondation de l'Etat. Participe de cette dynamique, l'organisation réussie, le 18 juin 2023, du référendum sur la nouvelle Constitution du Mali, adoptée à plus de 96%. Sa promulgation par le Chef de l'Etat, le 22 juillet 2023, consacre l'avènement de la IVe République du Mali. En passant ce cap, le Gouvernement du Mali donne le gage d'une volonté réelle pour le retour à un ordre constitutionnel apaisé et sécurisé, y compris l'organisation, dans les tout prochains mois, des élections générales.
Monsieur le Président,
Après dix ans de présence dans mon pays, la réponse internationale aux défis sécuritaires du Mali n'a pas été à la hauteur des menaces. Les attentes des populations maliennes, maintes fois exprimées par les autorités, ont ainsi été ignorées. La Mission des Nations Unies au Mali, MINUSMA, n'a pas été en mesure d'aider le Mali à rétablir son autorité sur l'ensemble de son territoire, en dépit des moyens importants investis en elle ces dix dernières années. Durant sa présence sur le territoire national, la situation sécuritaire au Mali n'a fait que se dégrader. L'insécurité, qui était cantonnée dans les régions du Nord du Mali, au moment de son déploiement en 2013, a atteint les régions du Centre et du Sud. Cette propagation de l'insécurité est, fort heureusement, en cours de fléchissement grâce aux succès indéniables remportés sur le terrain par les Forces armées maliennes, malgré les défis inhérents à ce type d'opérations.
En dépit des difficultés rencontrées par la MINUSMA, dues à l'inadaptation de la Mission au contexte sécuritaire, à savoir le maintien de la paix dans un environnement où il n'y a pas de paix à maintenir, le Gouvernement du Mali s'était accommodé de sa présence passive. Cependant, il était devenu inacceptable pour le Gouvernement du Mali de laisser la MINUSMA continuer à devenir partie du problème, en aggravant les tensions entre nos communautés, à travers l'instrumentalisation de la question des droits de l'homme à des fins politiques et servant ainsi des agendas extérieurs de pays hostiles au Mali.
C'est ainsi qu'après une évaluation exhaustive, le Gouvernement du Mali a demandé, en juin 2023, le retrait sans délai de la MINUSMA et nous sommes heureux que le Conseil de sécurité ait accédé à cette requête. Le Gouvernement travaille avec la MINUSMA, en vue de son retrait ordonné, coordonné et sécurisé du Mali, et ce, dans le délai imparti du 31 décembre 2023, conformément aux dispositions pertinentes de la résolution 2690 (2023) du 30 juin 2023 du Conseil de sécurité. Le Gouvernement de la République du Mali n'envisage pas de proroger ce délai.
Le Gouvernement rassure les populations maliennes et la communauté internationale que toutes les dispositions sont prises pour assurer la continuité des services de l'Etat après le départ de la MINUSMA. La première phase du processus de retrait s'est achevée et la seconde phase est déjà engagée.
Certes, la MINUSMA n'a pas été capable de remplir son mandat mais le Gouvernement et le peuple maliens restent reconnaissants pour les efforts et les sacrifices consentis durant les dix dernières années au Mali. Je rends ici hommage à la mémoire de toutes les victimes, civiles comme militaires, maliennes comme étrangères, tombées au champ d'honneur au Mali.
Pour autant, le retrait de la MINUSMA ne signifie pas la fin de la coopération entre l'Organisation des Nations Unies et la République du Mali. Bien au contraire, mon pays tient à son appartenance à l'ONU et le Gouvernement reste engagé en faveur des principes et des nobles idéaux de la Charte. De même, le Mali renouvelle son engagement à coopérer avec l'ensemble des Etats du monde, qui le souhaitent et qui respectent les principes fondamentaux de sa politique extérieure.
Dans une dynamique d'appropriation nationale, le Gouvernement s'attèle à poursuivre la mise en œuvre efficiente et intelligente de l'Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d'Alger avec nos frères des mouvements signataires qui le souhaitent. Nous nous réjouissons du chemin déjà parcouru depuis la signature de l'Accord en 2015, y compris l'adoption de la nouvelle Constitution qui prend en charge plusieurs dispositions de l'Accord et le Gouvernement a décidé de privilégier désormais le dialogue inter-malien pour la poursuite du processus de paix avec les groupes signataires.
Le Gouvernement est conscient des défis qui jalonnent le chemin vers la paix, à l'instar de la série macabre d'attaques terroristes perpétrées, sans discernement, contre les populations civiles et les éléments des Forces de défense et de sécurité maliennes. L'attentat sauvage et barbare contre le bateau <<< Tombouctou >> et les assauts sur les camps des villes de Bamba, Gao et Bourem, entre les 7 et 12 septembre dernier, illustrent la cruauté de ces groupes terroristes et criminels en bande organisée qui agressent lâchement des cibles vulnérables comme les femmes et les enfants. Au nom du Chef de l'Etat, du Gouvernement et du Peuple du Mali, je tiens à remercier toutes les nations amies et les organisations internationales qui ont manifesté leur compassion et leur solidarité au Mali à l'occasion de ces évènements tragiques. Toutefois, et même face à des évènements aussi tragiques, et au moment où le thème de notre session nous engage à plus de solidarité, il est regrettable que le Conseil de Sécurité ne soit parvenu au minimum de consensus pour, à tout le moins, dénoncer ces actes barbares.
Malgré ces difficultés, ou mieux, en raison de ces difficultés, le Gouvernement de la République du Mali est plus que jamais déterminé à exercer sa souveraineté, asseoir son autorité, toute son autorité sur l'ensemble du territoire national. Aux attaques obscurantistes, l'offensive des Forces de défense et de sécurité se poursuivra et la riposte sera immédiate et ferme. C'était le cas récemment à Bourem où nos vaillants soldats ont repoussé une attaque de ces bandes criminelles et obscurantistes, en leur infligeant des pertes substantielles.
Concourt de la dynamique du renforcement de la présence et de l'autorité de l'Etat, l'engagement de l'Etat à occuper toutes les emprises libérées et à libérer par la MINUSMA. Contrairement à certaines allégations, l'occupation de ces emprises, en tout point conforme aux textes des Nations Unies, ne constitue en aucune façon un acte de belligérance de l'Etat malien vis-à-vis des mouvements signataires.
Au contraire, nous continuons de tendre la main à nos frères des mouvements signataires pour une paix durable et un développement harmonieux au profit de nos populations. A cet effet, nous appelons les groupes armés à se démarquer et à cesser les collusions constatées avec les groupes armés terroristes lors des dernières attaques, et ce, conformément à l'Accord pour la paix mais aussi aux différentes résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies.
Dans le contexte géopolitique actuel, le Mali ne souhaite pas devenir un théâtre de confrontation ou de compétition des intérêts géopolitiques de puissances étrangères et nous restons disposés à coopérer avec tous les partenaires respectueux de notre souveraineté, de nos choix de partenariats et des intérêts des Maliens.
Monsieur le Président,
Sur la situation régionale et internationale, le Mali reste très attentif aux développements en cours en Afrique et dans le reste du monde.
Concernant la gouvernance mondiale, le Gouvernement de la République du Mali réitère son attachement au respect de la Charte des Nations Unies, particulièrement le respect de l'égalité souveraine des Etats et, conséquemment, son rejet des activités de certaines puissances à perpétuer une domination néocoloniale et assujettir d'autres peuples, d'autres pays et d'autres nations.
Le Mali est attentif aux évolutions institutionnelles et déplore que l'appréciation des changements de régime intervenus récemment dans certains pays africains soit fonction de la proximité des nouveaux dirigeants avec certaines puissances, ou pour des intérêts géopolitiques, en ignorant les aspirations des populations des pays concernés.
A cet égard, nous dénonçons et rejetons la politique des deux poids deux mesures appliquée par certaines puissances, organisations régionales et internationales, y compris ici aux Nations Unies. Cette incohérence et cette instrumentalisation ne font que décrédibiliser nos organisations aux yeux des populations et de l'opinion publique, érodant ainsi leur confiance en ces institutions qui sont désormais perçues comme détournées de leur vocation première. Certaines organisations sont utilisées, en dehors de tout cadre légal ou communautaire, comme des armes contre les pays et les populations qui y ont souscrit librement, au prix, parfois, d'un transfert de souveraineté. Ces organisations se transforment ainsi en instruments de perpétuation et d'imposition d'un ordre néocolonial et hégémonique.
De manière spécifique, nous suivons avec un grand intérêt l'évolution de la situation au Niger, depuis le 26 juillet 2023. Le Peuple et le Gouvernement du Mali réitèrent leur solidarité et leur soutien total au Gouvernement et au Peuple frère, voisin et ami du Niger. Nous dénonçons, sur le principe, l'imposition de sanctions et de mesures coercitives unilatérales contre un Etat, que ce soit en Afrique ou ailleurs. Nous dénonçons d'autant plus les sanctions, lorsqu'elles sont injustes, inhumaines et illégales, comme celles que la CEDEAO et l'UEMOA ont imposées au Niger. Les conséquences humanitaires de ces sanctions sont si dramatiques que le Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d'urgence a du adresser au Président de la Commission de la CEDEAO une lettre l'interpellant sur la nécessité d'un allègement de ces mesures.
Par ailleurs, le Mali reste fortement opposé à toute intervention militaire de la CEDEAO aux conséquences désastreuses pour le Niger et l'ensemble de la région. Toute intervention militaire au Niger, j'allais dire toute agression ou toute invasion de ce pays, constitue une menace directe à la paix et à la sécurité du Mali et de la région et aura des sérieuses conséquences sérieuses. Nous ne resterons pas les bras croisés. Nous restons attachés au recours exclusif au dialogue, à la diplomatie et à la négociation, en vue d'un règlement pacifique de la situation au Niger.
Il est primordial d'éviter de reproduire les graves erreurs d'un passé relativement récent. Il vous souviendra qu'en 2011, en dépit de l'opposition ferme et des mises en garde des dirigeants africains, le Conseil de sécurité des Nations Unies a décidé d'autoriser une intervention militaire de l'OTAN en Libye, dont les conséquences ont déstabilisé durablement ce pays frère et l'ensemble de la région. Cette guerre de l'OTAN en Libye est à l'origine de l'expansion du terrorisme et de l'extrémisme violent dans la région du Sahel avec son lot de victimes innocentes, et de destructions.
C'est pourquoi, nous ne nous lasserons jamais de rappeler cette responsabilité internationale dans la tragédie humaine que vivent la Libye et les pays du Sahel. Aussi, au nom de toutes les victimes de 2011 à nos jours, de dizaines de milliers de morts et de millions de déplacés et réfugiés, nous réclamons justice; nous demandons réparation. Mais surtout, nous demandons que la communauté internationale assume ses responsabilités et tire toutes les leçons de cette intervention militaire hasardeuse des grandes puissances dans un pays tiers. Il est crucial d'éviter de reproduire, au Niger, les erreurs lourdes commises en Libye, et qui sont justement à l'origine de la dégradation de la situation dans toute la région du Sahel, y compris au Burkina, au Mali et au Niger. Ceci essentiel pour rétablir la confiance entre les Nations du monde.
Monsieur le Président,
Les multiples défis à la paix et à la sécurité internationale appellent à la réforme de l'architecture dédiée des Nations Unies. Le Mali réitère son soutien à la demande légitime du Continent africain en faveur de la réforme du Conseil de sécurité, afin de le rendre plus représentatif des réalités de notre temps.
Dans la même veine, le Mali continuera de plaider pour la réforme de la gouvernance économique, financière et politique mondiale, afin de créer les conditions optimales et justes de la participation de nos pays aux Institutions multilatérales. Dans cette dynamique, le Mali réaffirme le rôle central que l'Afrique doit jouer au sein des Organisations et Institutions internationales. A cet égard, le Mali salue l'ouverture de l'Alliance des BRICS à de nouveaux Etats membres, y compris des Etats africains. L'Alliance des BRICS et ses mécanismes, y compris la banque, offrent une alternative flexible et adaptée aux besoins de développement des pays du Sud global. Dans le même ordre d'idées, l'élargissement récent du G20 à l'Union africaine est un signal encourageant, mais pas suffisant. Il est important que la participation de l'Afrique à d'autres foras internationaux s'intensifie, au nom de la justice et de l'équité.
Les changements climatiques constituent une menace réelle pour les générations présentes et futures. Nous devons avoir le courage de sortir du dogmatisme ambiant et des jeux d'intérêts étroits concernant cette problématique. A cet égard, le temps est venu de mettre effectivement en ceuvre les décisions de nos Sommets et de nos COP. Il est plus que nécessaire que les pays à l'origine du réchauffement climatique assument leurs responsabilités pleines et entières, y compris celle de soutenir les efforts des pays du Sud, pour un développement respectueux de l'environnement.
Monsieur le Président,
Je voudrais rappeler que l'Organisation des Nations Unies a été créée en 1945, essentiellement pour préserver les générations futures du fléau de la guerre. Ce noble objectif prescrit par la Charte des Nations Unies est loin d'être réalisé. Mieux, les tensions géopolitiques actuelles et les conflits multiples dans le monde constituent des motifs réels d'inquiétude pour le multilatéralisme, la coexistence pacifique et le développement harmonieux. Faisons une pause dans la rhétorique de l'intimidation, de la menace et de la guerre. Comme le thème de cette 78° session nous y invite, travaillons ensemble à « rétablir la confiance et raviver la solidarité mondiale ». Osons des réformes qui permettent de construire un monde où chacun compte; un monde où personne n'est laissé de côté. Ensemble, travaillons à mettre en place des mécanismes internationaux efficaces, équitables et inclusifs permettant de régler les crises et non de les encourager ou de les entretenir.
Victimes directes de l'ingérence persistante de certains pays dans leurs affaires intérieures, les populations du Mali et de plusieurs Etats du Sahel continuent, hélas, de vivre les conséquences tragiques de crises multidimensionnelles imposées et entretenues par ceux qui, paradoxalement, viennent donner des leçons de démocratie et de respect des droits humains.
Dans la mise en œuvre de la vision du Chef de l'Etat pour l'émergence d'un Mali nouveau, libéré de toute domination extérieure néocoloniale, le Gouvernement de la République du Mali est honoré de compter sur des partenaires sincères, sur des pays qui valorisent les relations d'égal à égal dans le respect mutuel. A cet égard, je tiens à adresser une mention spéciale à la Fédération de Russie pour sa solidarité agissante et son engagement fiable, tant sur le plan bilatéral que multilatéral.
Le Mali demeure engagé pour le renforcement des mécanismes régionaux et sous-régionaux africains, qui défendraient véritablement et prioritairement les intérêts des populations africaines.
Fidèle à sa vocation panafricaniste, réaffirmée dans ses constitutions successives, le Mali réitère son adhésion à tous les mécanismes de sécurité collective pertinents, notamment ceux dans lesquels le leadership africain est affirmé et l'instrumentalisation combattue. C'est tout le sens de la création, le 16 septembre 2023, de l'Alliance des Etats du Sahel, par le Burkina Faso, le Mali et le Niger par la signature de la Charte du Liptako-Gourma. Cette organisation vise à établir une architecture de défense collective et d'assistance mutuelle, dans le but de lutter contre toute forme d'agression, toute forme de terrorisme et la criminalité en bande organisée dans l'espace commun de l'Alliance.
Cette nouvelle organisation ambitionne également de fédérer les efforts des trois pays dans les domaines socio-économiques et monétaires et de renforcer sur de nouvelles bases l'intégration régionale; cette fois-ci une intégration des peuples fondée sur la solidarité, le respect de la dignité, de l'identité de nos peuples et nos pays; l'affirmation de notre souveraineté sur nos terres, nos ressources mais aussi notre souveraineté sur nos organisations; le financement de nos activités par nos propres ressources; ainsi que le rejet des ingérences extérieures, des politiques hégémoniques, de domination néocoloniale et d'assujettissement.
Outre les mécanismes à vocation sécuritaire, le Mali souscrit pleinement aux initiatives africaines qui ceuvrent à la promotion et au renforcement des liens de fraternité et de solidarité, à l'instar de l'Alliance Politique Africaine, initiée par la République sœur du Togo et qui aspire à une Afrique indépendante, politiquement forte, décomplexée, non-alignée et capable de participer d'égal à égal en tant qu'actrice de la gouvernance mondiale.
Monsieur le Président,
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Pour terminer, je voudrais faire observer que les multiples défis à la paix, à la sécurité et au développement imposent un cadre multilatéral refondé, adapté et inclusif. Nous ne pouvons plus et nous ne devons plus continuer à faire la même chose avec les mêmes mécanismes inadaptés et espérer des résultats différents.
Pour sa part, le Mali reste attaché à un multilatéralisme où chaque nation compte, un multilatéralisme solidaire porteur de solutions ambitieuses aux défis complexes de notre temps, particulièrement au Sahel; un multilatéralisme ouvert prenant en charge les aspirations profondes de nos populations au changement, à la dignité, au respect, à l'égalité souveraine des Etats, à l'équité, à la justice, au développement, à la sécurité et à la paix.