Dans la crise nigérienne, tout le monde a fini par comprendre que la CEDEAO n’est qu’un instrument manipulé par la France qui tente d’imposer une conduite à l’organisation sous-régionale, lui faisant prendre, contre le Niger et son peuple, des mesures draconiennes que rien ne peut justifier car si tant que la faute serait d’avoir perpétré un coup d’Etat, le Niger n’est plus seul dans le cas pour avoir à faire face à tant de cynisme commandé par Paris pour étranger le Niger et espérer ramener au pouvoir son valet que les militaires chassaient du pouvoir. Beaucoup de chefs d’Etat, après que la France les ait ameutés, et après que leurs peuples et d’autres voix dans les pays les aient dissuadés à s’engager dans une telle aventure, avaient fini par s’éclipser des devants de la fronde contre le Niger, préférant garder silence sur le cas du Niger et écouter leur opinion nationale afin de ne pas jouer aux zélateurs au service de la France, conscients aussi de ce qu’une telle posture pourrait jouer contre eux. Le désordre du Niger ira chez eux comme celui de la Libye voulu par la même France est venu au Niger. Le président ghanéen, le président Sénégalais, et même le président nigérian ont fini par adopter une attitude modérée qui prône le dialogue comme moyen de régler les crises au sein de la communauté. Tant mieux pour eux.
D’autres pays n’ont même pas voulu s’inviter dans un tel débat qu’ils considèrent comme un problème nigéro-nigérien dans lequel personne n’a à redire si ce n’est d’aider, par des voies pacifiques, à surmonter la crise. Ils ne peuvent donc pas comprendre le droit que de tels pays peuvent avoir pour vouloir, par la force – ici la guerre contre le Niger – régler une crise qui ne peut concerner la France qui ne partage aucune organisation avec le Niger qui pourrait lui donner le prétexte de déclarer une guerre contre le Niger qui reste, après tout, un Etat souverain, libre de ses relations dans le monde. Aucun texte du Droit international n’oblige un Etat à être partenaire d’un pays ou d’un autre. Les peuples ont la liberté de leurs amitiés et de leurs commerces dans le monde, choix qui ne sont déterminés que par leurs seuls intérêts. Dans le vacarme que la France animait autour de cette question nigérienne, d’autres pays, après ceux qui ont assoupli leurs positions, ne sont plus trop affichés, gardant une ligne neutre, sinon qui prône la voie diplomatique pour résoudre le problème, si problème il y a. Le Togo de Faure Gnasimbé,est donc, lui, resté en retrait de cette affaire, appelant, souvent sans être entendu, à prôner une solution pacifique, comprenant, lui, qu’il est hors de question que le président déchu revienne au pouvoir ; ce que du reste, le Général Tiani, a tout de suite expliqué à la délégation de la CEDEAO, disant qu’on pouvait discuter de tout sauf d’un retour impossible de Mohamed Bazoum au pouvoir.
Profitant de la session de l’Assemblée Générale des Nations-Unies, le Togo a clairement expliqué sa position qui reste constante, refusant la guerre comme solution pour régler un problème comme celui-là, et entre Etats. Peut-on avoir créé la CEDEAO pour se faire la guerre, non pour l’éviter, au moins entre pays membres ? Comme a pu le dire un autre, comment peut-on être pris au sérieux quand au lieu de chercher des solutions aux causes des problèmes de notre espace, l’on ne peut avoir de solutions que contre les conséquences ? S’est-on interrogé sur les raisons profondes qui ont pu conduire à un coup d’Etat ? On comprend l’indignation de Doumbouya, le Président de la transition guinéenne, à la tribune des Nations-Unies où il s’étonnait qu’on ne puisse pas s’intéresser aux causes des problèmes. Il relève alors que « Les coups d’Etat s’ils se sont multipliés ces dernières années en Afrique, c’est bien parce qu’il y a des raisons profondes. Et pour traiter le mal, [poursuit-il,] il faut s’intéresser aux causes-racines ». Aussi fait-il entendre que « le putschiste n’est pas seulement celui qui prend les armes, qui renverse un régime », souhaitant que « l’on retienne que les vrais putschistes, les plus nombreux qui ne font l’objet d’aucune condamnation, c’est aussi ceux qui manigancent, qui utilisent la fourberie, qui [manipulent] les textes de la constitution afin de se maintenir éternellement au pouvoir ». Ce sont, faut-il l’ajouter, ceux qui traquent leurs adversaires, leur cherchent et trouvent des condamnations-bidons pour se frayer un chemin qui les dispense d’adversités sérieuses pour gagner des élections, et aller au pouvoir. Ce sont en définitive, note le président guinéen, « ceux en col blanc qui modifient les règles du jeu pendant la partie pour conserver les rênes du pouvoir ». Pour Mamadou Doumbouya, ces coups d’Etat qu’on condamne au-delà du principe, ne sont pourtant pas perçus de la même manière par les peuples pour qu’ils restent une délivrance. Il s’agit donc pour lui, parlant de ces coups d’Etat, de « rectification institutionnelle » qui n’est que la conséquence du chaos engendré dans les démocraties dévoyées.
Le Togo est donc près des peuples, ne pouvant s’assujettir à des individus qui, hélas, dans bien de cas, une fois qu’ils arrivent au pouvoir, illuminés par les ors du pouvoir, oublient leur serment pour gouverner contre les intérêts du peuple. D’ailleurs, comment, pour le cas du Niger, peut-on entendre de si vastes crimes économiques, ces injustices criardes, et ces louvoiements de la démocratie, et continuer à dire que ces hommes qu’on a défaits, soient défendables ? La France, ne défend pas des principes mais des copinages qui se font au détriment des peuples. Or, les peuples ne peuvent plus accepter qu’on le gère de telles manières.
C’est pourquoi, défendant sa position, le Togo se dit être « […] un pays de paix, [s’opposant] à la guerre quelles que soient les raisons. Il rappelle d’ailleurs que par cette foi en la paix, « Depuis [son] indépendance, le 27 avril 1960, jamais le Togo n’a fait la guerre à ses voisins ; jamais le Togo n’a agressé ses voisins ou un quelconque pays ; jamais le Togo n’a servi de base-arrière pour une quelconque agression contre un pays frère ». Il ne l’a jamais fait. Il ne le fera jamais.
Par ce choix humain de ses relations, le Togo entend donc se faire un acteur de paix et au service de la paix, prêchant dans toutes les crises le dialogue comme moyen civilisé pouvant aider les hommes à surmonter les incompréhensions. Son ministre dira que c’est pour cela que « Le Togo est un pays de paix ; [précisant que] la paix est dans l’ADN du peuple togolais [car] le Togo a toujours été un pays de médiation qui favorise le dialogue, la négociation pour l’entente entre les peuples et les gouvernements ».
Les Nigériens, comme il fallait s’y attendre, accueillent avec amitié et fraternité, une telle parole de paix venant du peuple frère du Togo avec lequel le Niger, depuis Eyadema père, avait cultivé et entretenu des relations de paix et d’entente mutuelle. L’Afrique ne peut que gagner à avoir de telles lucidités, de telles clairvoyances pour aider à la paix pour un continent qui n’a connu, par son histoire, que tant d’épreuves et de souffrances, une constante afin qu’elle puisse justement lui permettre de poser les bases de son développement que l’on a retardé par tant de difficultés qu’on lui a imposées pour la détourner des vrais défis pour lesquels elle a plus intérêt à se battre. On comprend donc que le Niger dénonce les accords militaires avec le Benin, ce pays voisin avec lequel il a pourtant bien de réalités à partager, quand, dans le même problème, celui-ci peut se donner des zèles que rien ne peut justifier pour vouloir être aux avantpostes d’une guerre qu’on voudrait porter contre le Niger. Les Nigériens ne pouvaient d’ailleurs pas comprendre ces larmes de crocodile de ce Benin qui écrit une lettre à la CEDEAO, se plaignant lorsqu’il veut ouvrir le corridor pour faire passer l’aide humanitaire, que l’armée nigérienne bloque toujours la frontière, oubliant que le Niger n’a plus besoin, dans les moments qu’il vit, de ses gentillesses, de son humanisme tardif, le Niger pouvant survivre sans sa frontière. Le Niger n’a plus rien à quémander avec ce pays. S’il ne veut plus de l’amitié du Niger, le Niger n’en a que faire, ayant la possibilité aujourd’hui de commercer avec tant d’autres pays d’Afrique et du monde. Peut-être que pour être le port le plus proche, la France, avec le Benin, misait sur une fermeture de ce débouché, pour étrangler le Niger, et le mettre à genoux pour humilier l’armée nigérienne à ramener le sous-préfet déchu de la France.
Le Niger ne se considère pas en détresse pour croire que, sur des considérations humanitaires, l’on puisse enfin accepter d’ouvrir une frontière qui sert pourtant plus l’économie béninoise que celle du Niger qui a la possibilité d’échanger avec d’autres voies et le Benin le sait très bien. Le seul regret que les Nigériens, en pareille circonstance, peuvent avoir, est de n’avoir plus à échanger avec le peuple frère du Benin avec lequel, quoi qu’on dise, les populations du Niger gardent des relations multiséculaires qui les ont fécondées et enrichies. Par la faute de leurs dirigeants, ce bel héritage est en passe d’être ruiné par le manque de vision de la part de ceux qui, aujourd’hui, président aux destinées du grand peuple du Benin. C’est d’autant dommage que Patrice Talon ne puisse pas écouter son peuple, des acteurs politiques de son pays, ces rois du Benin et autres personnalités d’influence qui ont exprimé leur désapprobation par rapport à cet engagement insensé de leur président dans une guerre où il n’a rien à faire sinon qu’à perdre.
Le Niger n’a plus d’accord avec ce pays. Ses forces sont à la frontière. Prêtes à se défendre, à réagir à toute agression qui viendrait du côté du Benin engagé du côté de la France pour nous faire la guerre. Pour le reste, patrice Talon, peut décider. Il assumera devant son peuple et devant l’Histoire.