Sur le rond-point désormais baptisé par le mouvement citoyen « Place de la Résistance », les Nigériens, par milliers, font le pied de grue depuis près d’un mois. Sur fond de prêches, de prières mais aussi de musique et de tintamarre ininterrompus, ils exigent le départ sans condition et dans les plus brefs délais des troupes françaises du Niger. Une lutte pour la souveraineté qu’ils disent prêts à poursuivre jusqu’au départ effectif du dernier soldat français. Le départ de troupes françaises ? Ce n’est que le bout de l’Iceberg et le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) a donné l’avant-goût du vaste chantier de la souveraineté. La création, le 16 septembre 2023, de l’AES [ndlr : Alliance des Etats du Sahel] par les dirigeants des trois pays du Liptako- Gourma préfigure, si ce n’est pas clairement libellé, de grandes batailles de souveraineté. Au Niger, le Cnsp se prépare à mettre les petits plats dans les grands. Soutenus et boostés par une ferveur populaire jamais égalée, le général Tiani et ses frères d’armes font et feront tout pour ne pas décevoir. Ils l’ont d’ailleurs dit et réitéré à plusieurs occasions : « nous ne trahirons jamais les aspirations du peuple nigérien qui nous a fait tant confiance et qui le démontre chaque jour ». Contrairement aux détracteurs qui présentent une vision réductrice de la vision du Cnsp par rapport à la lutte pour la souveraineté nationale, celle-ci ne se résume pas à l’exigence de départ des troupes françaises. Elle est vaste et englobe aussi bien la question sécuritaire que des aspects liés à l’économie, à la diplomatie, à l’agriculture, à l’énergie, etc.
Sur le plan économique, les choses bougent plus vite qu’on ne le pense. Outre les mesures visant à rationaliser les dépenses de l’État, le gouvernement de Mahaman Ali Lamine Zeine s’attèle également à ramener dans l’escarcelle de l’État des sociétés privatisées, des sociétés dont la privatisation a été plutôt un échec cuisant, sinon un véritable gâchis. C’est le cas de la Société des eaux du Niger (Seen) dont le processus de renationalisation est déjà en cours, selon nos sources. Privatisée pour un essai de deux ans au bout duquel l’évaluation attendue n’a jamais eu lieu, la Seen a échoué entre les mains de l’homme d’affaire français et ami d’Issoufou Mahamadou, Vincent Bolloré. Et depuis que Vivendi, c’est sa société, a fait main basse sur la Seen, l’eau est devenue plus chère sans être pour autant plus potable pour la consommation humaine. Ce n’est pas un hasard si l’ancien ambassadeur de France au Niger, déclaré persona non grata par les autorités nigériennes, a déclaré en février 2023 que : « même l’eau que vous buvez est française ». Histoire de dire, néocolonialisme et paternalisme obligent, que la Seen appartient à un Français. La Seen n’est pas l’unique société dont la privatisation a été un gâchis. Le cas de Samira, la société d’exploitation de l’or, est carrément, selon des sources, un cas d’escroquerie. De sa privatisation à la chute du régime de la 7e République, ce sont des centaines de kilos d’or qui ont été exportées au détriment de l’État. Même les recettes d’exportation n’ont pas fait, conformément à la règlementation en vigueur, l’objet de rapatriement [Ndlr : lire l’or de Samira, pillé à ciel ouvert]. La renationalisation de Samira est accueillie avec enthousiasme par les Nigériens qui n’ont jamais compris que leur pays exploite de l’or et que cela n’enrichisse que des individus. Une arnaque que corrigerait le Cnsp qui, dans la réalisation de l’AES, ne peut d’ailleurs laisser un tel outil de souveraineté entre les mains du privé.
Dans le lot des sociétés qui vont bientôt tomber dans la sébile de l’État, affirmation et souveraineté obligent, il y a aussi celles qui ont été créées par d’anciens dignitaires véreux avec les moyens et les attributs de l’État. Selon nos sources, il y a, entre autres, et au premier plan, la société Mango qui produit du ciment depuis plus d’un mois. Située à Badaguichiri, son inauguration par l’ancien président Bazoum Mohamed, quelques jours avant sa chute, China Africa Building Material NIG (CBM NIG SA) est une société dont les Nigériens ne connaissent pas grand-chose. Rien sur le promoteur. Encore moins sur le contrat qui la lierait à l’État dont le minerai est transformé en ciment. Selon des sources crédibles, ça ne sent pas bon et le Cnsp compte rapidement remettre l’État dans ses droits.