Après deux années de mise en œuvre, vingt (20) villages de la région de Tillabéri viennent d’être certifiés modèles du programme de l’initiative Spotlight au Niger. Lancée en 2018, sous l’égide de l’UNICEF, du PNUD, ONU FEMMES et l’UNFPA, l’initiative vise l’élimination des Violences Basées sur le Genre et les pratiques néfastes (VBG/PN) ainsi qu’à renforcer et consolider les efforts et structures mis en place par le Gouvernement et les partenaires clés, particulièrement la société civile et les mouvements de femmes. A travers une approche novatrice basée sur une mobilisation et un engagement communautaire, le programme mis en œuvre dans la région par l’ONG CONIPRAT a permis d’enregistrer des résultats qualitatifs et quantitatifs satisfaisants malgré quelques faiblesses et défis à relever. L’évaluation sur le terrain a permis de certifier les 20 villages ciblés par le programme et afin de consolider les acquis et maintenir la dynamique, trois (03) villages qui ont obtenus les meilleurs résultats selon des critères bien établis sur les bonnes pratiques, ont été distingués au cours d’une cérémonie, mercredi 08 novembre 2023 à Kollo, en présence des autorités régionales ainsi que de l’ensemble des acteurs de mises en œuvre du programme.
C’est à travers une cérémonie grandiose à Kollo, chef-lieu du département, qu’a été célébrée la certification des vingt (20) villages modèles de l’Initiative Spotlight dans la région de Tillabéri ainsi que la remise des kits d’accompagnement aux trois (03) premiers villages qui se sont démarqués par les résultats obtenus dans la mise en œuvre du programme. Pour l’occasion, les populations de la commune et des villages environnants et bénéficiaires se sont massivement mobilisées pour réserver un accueil des grands jours à la délégation officielle conduite par le Gouverneur de la Région, le Lieutenant-colonel Maina Bukar, qui était pour la circonstance accompagnée par le Président du Conseil régional ainsi que le Secrétaire général adjoint de la région, les cadres centraux et départementaux de la Direction de la Promotion de la Femme et de la Protection de l’Enfant, les autorités départementales et communales, le Coordinateur de l’Initiative Spotlight ainsi que les Représentants des Agences des Nations Unies au Niger, les Responsables des Forces de défense et de sécurité (FDS). On notait également la présence des maires et chefs traditionnels et religieux des communes bénéficiaires, le représentant de l’ONG CONIPRAT, en charge de la mise en œuvre du programme dans la zone d’intervention du programme dans la région de Tillabéri, les représentants des ONG, Groupements féminins et Associations de développements ainsi que les structures des jeunes, élèves et d’autres invités qui ont tenu à assister à cet évènement.
Une approche communautaire basée sur la mobilisation et l’engagement des communautés contre les pratiques néfastes
La cérémonie a débuté avec les mots de la maire de la Commune de Kollo, Mme Salamatou Souley, qui a tenu à souhaiter la chaleureuse bienvenue aux membres de la délégation avant de se réjouir du choix porté sur son entité pour abriter cette importante cérémonie de certification des villages modèles de l’Initiative Spotlight dans la région de Tillabéri. Le Préfet de Kollo, Mme Aissatou Harouna s’est inscrit dans la même dynamique en rappelant que l’approche communautaire pour la protection de l’enfant a démarré dans le département et a ciblé quatre communes rurales (Hamdallaye, Karma, Kouré et Namaro). « La mise en œuvre de cette approche a permis la mobilisation, l’engagement des communautés dans la lutte contre les pratiques, les attitudes et comportements néfastes au bien-être des enfants, et s’est s’inscrite dans une logique de recherche de solutions appropriées aux questions des droits de l’enfant en général et à sa protection contre la maltraitance, la négligence, l’abus et l’exploitation », a-t-elle souligné avant de se féliciter que sur le plan opérationnel, « un accent particulier a été mis sur les pratiques traditionnelles néfastes comme : la mobilité des enfants, le mariage d’enfants, la scolarisation des jeunes filles, l’autonomisation des femmes pour ne citer que ceux-là ». Selon le Préfet de Kollo, l’évaluation de l’engagement communautaire réalisée en 2021 a fait ressortir des résultats encourageants dans les communautés cibles et cela s’est traduit par des changements dans les rapports entre hommes et femmes où ces dernières pensent avoir beaucoup plus d’espace pour elles- mêmes en vue de s’impliquer dans certaines prises de décisions. Mieux, a-t-elle poursuivi, les hommes sont devenus plus sensibles à la santé et au bien-être des enfants, en particulier les adolescentes, et à la poursuite de la scolarisation des filles. « Comme vous pouvez bien le relever aisément, cette approche novatrice a eu le mérite de diagnostiquer, de gérer au niveau local, avec les acteurs communautaires, les problématiques récurrentes qui préoccupent et au final, de solutions idoines. L’évaluation menée sur cette approche a montré que 75% des femmes interrogées pensent que les messages de sensibilisation ont aidé les décideurs à comprendre les conséquences négatives du mariage des enfants et cela contribue à retarder de plusieurs années les mariages des filles », a poursuivi Mme Aissata Harouna qui n’a pas manqué de mettre en évidence que « cette évaluation a également relevé des points à améliorer, notamment en termes de durabilité des acquis, de renforcement des liens avec les services de protection de l’enfant, mais aussi l’amélioration du statut des femmes et des filles de manière générale ».
« Je puis vous assurer que vous pouvez compter sur l’engagement des autorités pour combattre les pratiques traditionnelles préjudiciables aux droits des femmes et des enfants. Pour preuve, cette volonté à offrir un environnement protecteur par les plus hautes autorités du pays s’est matérialisée par la création, le fonctionnement des Espaces Sûrs Ilimin dans plusieurs communes, la mise en place des comités départementaux, communaux et villageois de protection de l’enfant. C’est le lieu ici de saluer l’engagement des partenaires techniques et financiers qui appuient les efforts de l’Etat. J’en profite également pour rendre un hommage aux leaders communautaires : Chefs de Cantons, Chefs de Villages, Respectueux Oulémas qui animent bénévolement ces comités. Aussi, je fonde l’espoir que la certification des villages modèles marque l’avènement d’une dynamique à même d’impulser un changement de comportement en termes de promotion de droits et de protection à l’échelle locale pour créer un environnement protecteur et offrir un avenir radieux à tous nos enfants ». Madame Aissata Harouna, Préfet du Département de Kollo.
Des progrès mais aussi des défis à relever pour éliminer les VBG et les pratiques néfastes
En prononçant le discours officiel de certification des villages modèles de l’Initiative Spotlight pour l’élimination des violences et pratiques néfastes à l’égard des femmes et des filles, le Gouverneur de la Région de Tillabéri, a fait part de toute sa satisfaction pour cet honneur qui lui revient de marquer l’évènement à travers cette cérémonie solennelle. Le Niger, a rappelé le Lieutenant-colonel Maina Boukar, est bénéficiaire depuis 2019 du programme dénommé « Initiative Spotlight » qui vise à éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles et la réalisation de l’agenda 2030 sur les Objectifs de Développement Durable (ODD) avec l’appui de l’Union Européenne et de l’ONU en collaboration avec les quatre (4) agences du Système des Nations Unies à savoir le PNUD, l’UNFPA, ONUFEMMES et l’UNICEF. « Je voudrai donc exprimer ici ma profonde gratitude à tous les acteurs qui se sont engagés aux côtés de l’Etat du Niger dans la lutte contre les Violences Faites aux Femmes et aux Filles et les Pratiques Néfastes (VFF/PN) en général et dans la région de Tillaberi en particulier », a-t-il déclaré avant de rappeler également, et avec insistance que le phénomène de Violences Faites aux Femmes et aux Filles a de tout temps constitué une préoccupation majeure pour les plus hautes autorités du pays. Pour mémoire, a poursuivi le Gouverneur, lors de la 57ème Session de la Condition de la Femme des Nations Unies tenue à New York du 1er au 15 Mars 2013 dont le thème était « Prévention et élimination de toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles », les Etats et les gouvernements dont le Niger se sont engagés à élaborer des stratégies nationales de lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles. « Cet engagement s’est matérialisé par plusieurs actions dont entre autres l’élaboration et la mise en œuvre de la Stratégie Nationale de Prévention et de Réponses aux Violences Basées sur le Genre et son plan d’actions 2018-2022 qui a ainsi ouvert la voie à beaucoup d’interventions comme l’Initiative Spotlight », a souligné le Lieutenant-colonel Maina Boukar, qui a saisi l’occasion pour mettre en évidence que, depuis le lancement de cette Initiative, plusieurs acteurs mènent des interventions dans différents secteurs pour réduire l’incidence des Violences Basées sur le Genre au sein des communautés de la région. En effet, a fait remarqué le Gouverneur, selon l’étude sur l’ampleur et les déterminants des Violences sur le Genre au Niger réalisée 2015, la Région de Tillaberi occupe la quatrième place avec un taux de 50.4% de prévalence en matière de VBG.
Abordant la cérémonie de certification, le Gouverneur Maina Boukar s’est félicité du fait qu’elle consiste, en plus de certifier les 20 villages bénéficiaires du programme, de célébrer les villages qui se sont distingués dans l’élimination des violences et pratiques néfastes à l’égard des femmes et des filles dans la région. « La mise en œuvre du programme Spotlight a été une réussite dans les 20 villages bénéficiaires. Néanmoins, trois (3) villages à savoir Bartchawal, Karma et Kouré occupent respectivement la 1ere, 2ème et 3ème place dans la réussite de cette initiative. C’est le lieu ici pour moi de les féliciter et encourager les autres villages à emboiter les pas », qui a saisi l’occasion pour exprimer « toute la gratitude du Gouvernement et des populations de Tillaberi à l’endroit des principaux bailleurs de fonds de ce Programme ainsi qu’au Système des Nations Unies pour son engagement à accompagner le Niger dans cette lutte contre les VBG et les Pratiques néfastes ».
Un programme qui a permis d’obtenir des résultats qualitatifs et quantitatifs satisfaisants …
Auparavant, la Directrice régionale de la Promotion de la Femme et de la Protection de l’Enfant, Mme Mardakry Fatouma, a pris la parole pour présenter l’Initiative Spotlight ainsi que les résultats obtenus grâce au programme mis en œuvre dans la région de Tillabéri. Après avoir rappelé que l’initiative Spotlight au Niger vise à l’élimination des Violences Basées sur le Genre et les pratiques néfastes ainsi qu’à renforcer et consolider les efforts et structures mis en place par le Gouvernement et les partenaires clés, particulièrement la société civile et les mouvements de femmes. Elle repose sur cinq principales stratégies dont une stratégie scientifique d’intervention basée sur l’évidence à partir de recherches opérationnelles; l’éducation de la fille comme stratégie de prévention et de protection contre les violences; le renforcement des capacités ainsi qu’un processus de changement continu et une contribution à la mise en œuvre de l’agenda 2030. Selon les explications de la Directrice régionale, la première version du Document Programme de l’Initiative Spotlight budgétisé a été finalisée à la fin de l’année 2018 et a été signée par le Ministre de la promotion de la Femme et de la Protections de l’Enfant en début Janvier 2019. Le programme est mis en œuvre dans 4 régions sur les 8 que compte le pays et qui ont les taux les plus élevés de VBG au Niger à savoir : Zinder, Maradi, Tahoua et 60 communes soit 15 par région et 5 villages par communes sont les zones de couverture géographique. Pour ce qui est de la région de Tillabéri, quatre (4) communes pilotes ont été ciblées dans le département de Kollo à savoir la commune de Hamdallaye, celles de Karma, Kouré et Namaro à travers 20 villages bénéficiaires.
Après plus de deux ans d’intervention du programme dans ces villages identifiés, a indiqué Mme Mardakry Fatoumata, une mission s’est rendue sur le terrain pour évaluer les prestations et l’engagement des communautés pour l’élimination des Violences Basées sur le Genre et les pratiques néfastes. Pour ce faire, les 20 villages ont été soumis aux mêmes critères à savoir parmi lesquels, l’existence d’un comité de protection de l’enfant opérationnel et mettant en œuvre un plan d’action et tenant des réunions régulières; zéro accouchement à domicile notifié par le village ; au moins 45 % des écoles du village sont des filles et aucune fille mariée avant l’âge de 15 ans depuis 2019. Aussi, les critères d’évaluations ont porté sur l’existence de parajuriste communautaire actif, la couverture du village par une clinique Juridique, une présence effectives des femmes et des filles dans les mécanismes communautaires existants (COGES ; COFOCOM; Assemblée villageoises) ainsi qu’un engagement des autorités coutumières et religieuses à lutter contre les pratiques néfastes et les VBG à travers leurs actions et, au moins deux représentations de l’organisation des Nations Unis. A la fin de l’évaluation, les trois villages phares qui se sont distingués ont été respectivement et par ordre de mérite, le village de Hamdallaye avec une 9.5/10, celui de Karma avec 9/10 et à la 3e place, le village de Kouré avec 9/10.
En clôture de la cérémonie, il a été procédé par les officiels à la remise de kits aux trois (03) villages distingués avec des kits composés de machine de décorticage et de transformation ainsi que de 20 sacs d’arachide pour le démarrage des activités génératrices de revenus (AGR) et pour le premier village, du carburant nécessaire pour le début des activités.
Il faut noter également que la mise en place du programme au niveau des villages modèles de l’initiative Spotight dans la région de Tillabéri a permis de constater des résultats qualitatifs et quantitatifs satisfaisant ainsi que de relever des défis et des contraintes. Comme résultats qualitatifs, on peut relever, entre autre, une création ou redynamisation des initiatives communautaires à travers des activités génératrices de revenus (AGR), la promotion de la salubrité communautaire dans la majorité des villages d’interventions, la structuration des femmes en groupements féminins, l’augmentation du taux de scolarité des enfants à l’école et un taux élevé de la fréquentation des femmes au niveau de centre de santé ainsi que la diminution de la fréquence des violences basées sur le genre ; la fréquentation régulière des centres de santé en cas de maladie ; le refus des mariages d’enfants ; l’engagement des parents dans la protection de l’enfant auquel s’ajoute un fort engagement des chefs des cantons dans la lutte contre les VBG et les PN à l’égard des femmes et des filles, la mise en place et la prise en compte des femmes dans les différents comités (d’hygiènes et assainissement comité de gestion, dans les villages) et, enfin, la mise en place de comités de suivi scolaire dans plusieurs et la tenue des séances de sensibilisation communautaire sur les VBG.
Cela a permis, en terme quantitatif, à enregistrer 180 cas de protection identifiés, dont 60 référés à d’autres structures; 32 mariages d’enfants qui ont été refusé d’être célébrés par les chefs religieux; 4 centres d’écoute créés et 128 cas des VBG Gérés ; 20 villages parrainées ; 2175 adolescents ayant participés aux Ateliers participatifs adolescents ; 1532 adolescents mis en réseaux ainsi que 17 cas d’abus, d’exploitation, de violences de fugue gérés par les Comités villageois de protection de l’Enfant (CVPE).
…mais aussi de relever des forces et des faiblesses
Aussi, il importe de souligner les forces relevées dans la mise en œuvre du programme de l’Initiative Spotlight dans la région de Tillabéri, dont les plus importantes sont l’implication et la participation des leaders et relais communautaires, la responsabilisation des leaders communautaires qui a favorisé une bonne mobilisation des membres de la communauté ainsi que l’engagement communautaire pour susciter le changement des comportements et la réalisation d’un diagnostic communautaire. Des faiblesses ont aussi été constatées notamment la faiblesse de l’accompagnement aux mécanismes communautaires de Protection de l’Enfant mis en place qui conduit à terme à la faible opérationnalité des Comités (faible activité de prévention, de signalement, de prise en charge, de charge) ainsi que le manque de motivation financière ou matériels des participant-e-s au programme qui limite la régularité aux séances d’animations éducatives au vu du contexte d’urgence de la région avec un nombre important de déplacés internes et de refugiées engendrées par la dégradation de la situation sécuritaire et les impacts négatifs du changement climatiques dans cette zone transfrontalière du Mali et du Burkina qui fait également face à des insuffisances en matière de couverture des populations aux services sociaux de base (santé, éducation, hygiène et assainissement), en dépit des efforts de l’Etat et de ses partenaires.