Dans une déclaration rendue public, samedi 17 février, l’Ordre des avocats du Niger a dénoncé « de graves violations de la loi » qui remettent en cause l’Etat de droit en cette période de transition dans le pays. Le Barreau a notamment alerté sur la persistance des interpellations abusives et des détentions arbitraires ainsi que les auditions illégales des citoyens dans le cadre de l’opération de l’assainissement économique et financier que mène la CoLDEFF. Le Conseil de l’ordre a par conséquent lancé un appel aux autorités pour le respect de la loi.
Dans la déclaration lue par le bâtonnier Me Oumarou Sanda KADRI, le Barreau a d’bord rappelé son attachement à « son indépendance et à la préservation de l'État de droit » et qu’il s'est toujours inscrit dans « la promotion, la protection et la défense des droits et des libertés fondamentaux ». Par conséquent, in « ne saurait continuer à garder le silence face aux graves violations de la loi ».
C'est donc « conscient de ses responsabilités en tant qu'acteur majeur du service public de la Justice », que le Barreau du Niger, a attiré, le 29 juillet 2023, « l'attention des nouvelles autorités sur l'impérieuse nécessité de préserver les droits et libertés des personnes et la protection de leurs biens » a poursuivi Me Oumarou Sanda qui a, à l’occasion, fait constater que dans l'Ordonnance n°2023- 02 du 28 juillet 2023, portant organisation des pouvoirs publics pendant la période de transition, le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie a réaffirmé son attachement aux principes de l'État de droit et de la démocratie en assurant à tous, l'égalité devant la loi et en prenant l'engagement de garantir les droits et libertés de la personne humaine et du citoyen tels que définis par la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et la Charte Africaine des droits de l'Homme et des peuples de 1981.En outre, a ajouté le Bâtonnier, l'ordonnance prévoit que l'État du Niger est et demeure lié par les Traités et Accords internationaux antérieurement souscrits et régulièrement ratifiés. « Considérant que dans un État de droit, les Barreaux ont un rôle crucial à jouer relativement au respect des normes établies, la défense des droits et libertés des citoyens, sans restriction ni aucune ingérence », le Barreau dit constater cependant que « depuis quelques temps des graves manquements au respect de la légalité et des libertés publiques parce qu'il a été plusieurs fois interpellé par la persistance des privations des libertés par la DGSE [Direction générale de la Sureté de l’Etat, NDLR] qui procède à des interpellations, des arrestations et des détentions en dehors de toute procédure judiciaire et ce, en violation du code de procédure pénale nigérien ».
Dans la déclaration, le Barreau dit constater également « avec une vive inquiétude que des citoyens sont convoqués dans les locaux de la Commission de Lutte contre la Délinquance Économique, Financière et Fiscale (COLDEEF) où ils subissent des interrogatoires sans la présence de leurs avocats qu'ils ont pourtant régulièrement constitués, ce qui constitue une grave violation de leurs droits notamment le droit à la défense ». Et de rappeler, à cet effet, que « le respect strict des droits de la défense est une des règles fondamentales de la Justice. Sa traduction concrète consiste dans le droit pour chaque citoyen, présumé en conflit avec la loi, de bénéficier de l'assistance d'un défenseur ». Pour le Barreau, « pour aussi importantes que puissent paraitre les missions de la COLDEEF et de la DGSE dans ce contexte particulier, elles perdraient toute légitimité lorsqu'elles ne respectent pas la légalité et les acquis fondamentaux d'un État de droit, seuls gages de la confiance en l'État ».
Selon Me Oumarou Sanda Kadri, le Barreau avait déjà « attiré l'attention du Procureur Général et du Ministre de la Justice et des droits de l'Homme sans suite en dépit de la gravité de la situation portée à leur connaissance, alors qu'au premier chef, ceux-ci savent que les droits de la défense ne sont pas des privilèges propres aux avocats mais une protection indispensable pour les citoyens ». C’est pour ces raisons que le Barreau du Niger a appelé à « cesser toute interpellation et détention arbitraire et que l'exercice du droit de la défense soit pleinement assuré comme le prévoient les textes internationaux et nationaux ».
Il convient de rappeler que bien avant cette sortie du Conseil de l’Ordre des Avocats du Niger, l’Association des Jeunes Avocats du Niger (AJAN) a, dans une déclaration rendue publique le 08 novembre dernier, s’est déjà prononcée sur la situation de la Justice dans le pays qui, d’après son Bureau, est marquée par la recrudescence de «certaines pratiques aux antipodes d’une société soucieuse de la protection des libertés et droits fondamentaux » des citoyens. Les Jeunes avocats se sont ainsi inquiétés de la persistance des « arrestations extrajudiciaires » des citoyens ainsi que de « l’incapacité de la Justice à faire respecter et exécuter ses propres décisions ». C’est pourquoi, l’Association avait aussi interpelé les autorités de transition pour qu’elles mettent fin à ces dérives.