Dans une lettre ouverte qu’elle vient d’adresser au Président du CNSP, le Général de brigade Abdourahamane Tiani, l’Initiative pour un Co-développement avec le Niger (ICON-Niger/STOP CORRUPTION) a souhaité attirer l’attention du Chef de l’Etat sur certaines dispositions de l’Ordonnance 2024-05 du 23 février 2024 qui continue de faire des vagues dans le pays. Pour l’Association active dans la lutte contre la corruption et la promotion de la bonne gouvernance, l’adoption de cette ordonnance constitue « un recul en matière de bonne gouvernance » dans le secteur de la sécurité et ne donne pas de garantie quant au respect d’une gestion saine des finances publiques.
Lettre ouverte à Monsieur le Président du CNSP, Chef de l’Etat du Niger de Initiative pour un Co-développement avec le Niger (Icon-Niger/Stop Corruption)
Monsieur le Président,
Alors que s’entame le processus de la refondation de l’Etat du Niger, nous fondons espoir que cela se construise autour de tous les principes qui garantissent un fonctionnement efficace de nos institutions en vue de promouvoir la gouvernance vertueuse et la bonne gestion des affaires publiques.
En tant qu’organisation qui lutte contre la corruption au Niger et promeut la bonne gouvernance, nous souhaitons attirer votre attention sur l’ordonnance N 2024-05 du 23 février 2024. Cette ordonnance, rappelle-t-on, exclut du champ d’application de la législation relative aux marchés publics et à la comptabilité publique les dépenses liées à l’acquisition d’équipements, de matériel, de fournitures, ainsi que la réalisation de travaux ou de services destinés aux Forces de défense et de sécurité (FDS), et à la prise en charge des citoyens victimes de déplacement forcé lié à l’insécurité. De plus, ces dépenses sont exonérées des impôts, taxes et redevances pendant la période de transition. Les dispositions de cette ordonnance s’appliquent également aux acquisitions, travaux et autres prestations au profit du Palais et des résidences officielles.
Nous considérons que cette Ordonnance constitue un recul en matière de bonne gouvernance dans le secteur de la sécurité et ne donne pas de garantie quant au respect d’une gestion saine des finances publiques. En effet, ce texte met fin à toute possibilité de contrôle à priori visant à prévenir les irrégularités, ainsi qu’au contrôle à posteriori ayant pour but de sanctionner les irrégularités. De plus, elle contrevient au décret N°2022-743/PRN/PM du 29 septembre 2022 portant Code des marchés publics et des délégations de service public, notamment aux chapitres V sur les dispositions particulières aux marchés des forces de défense et de sécurité, aux articles 54, 55, 56 et 57, ainsi qu’à la section 3 du même chapitre, aux articles 66 et 67.
En effet, les Nigériens gardent encore en mémoire le scandale récent au ministère de la défense, communément appelé « MND Gate », qui a révélé de graves manquements.
L’ordonnance 2024-05 de février 2024 ne donne pas de garanties en termes de confiance et de bonne gouvernance.
C’est pourquoi nous vous prions de prendre en considération nos préoccupations et de veiller à ce que les principes de transparence, de responsabilité et de bonne gestion des finances publiques soient respectés.
Veuillez trouver ci-dessous les articles mentionnés :
Article 55 : La liste et la nomenclature des besoins sus-indiqués sont établies, selon le cas, par le Directeur de Cabinet du Président de la République, les Ministères en charge de la défense, de la sécurité publique, des douanes et des eaux et forêts. Ces listes doivent être approuvées par le Premier Ministre.
Article 56 : Les services techniques compétents définissent les besoins et préparent les études des marchés objet du présent chapitre, qui font l’objet d’un plan prévisionnel annuel de passation classé « secret défense ». Ce plan prévisionnel doit être élaboré au plus tard à la fin du mois de décembre de l’année budgétaire en cours, il est révisable et régulièrement mis à jour. Les autorités contractantes restent cependant libres de ne pas donner suite aux projets de marchés mentionnés dans le plan prévisionnel. Ce plan ne donne lieu à aucune publication ; les échanges de correspondances relatifs à de tels marchés s’effectuent exclusivement par « courrier confidentiel ».
Article 57 : Les marchés correspondant aux besoins des forces de défense et de sécurité non visés à l’article 54 relèvent des autres dispositions du présent Code.
Section 3 : Du contrôle
Paragraphe 1 : Du Contrôle a priori et a posteriori
Article 66 : Les marchés passés dans le cadre du présent chapitre sont soumis à un contrôle a priori et a posteriori par le Cabinet du Premier Ministre. Les modalités du contrôle a priori et à posteriori seront définies par arrêté du Premier Ministre.
Article 67 : Sans préjudice des contrôles qui peuvent être effectués par l’Inspection générale d’État, les marchés objets du présent chapitre donnent lieu à un contrôle a posteriori semestriel de la part de l’Inspecteur général des Armées ou son équivalent pour les autres Corps. Ce contrôle est assorti d’un rapport détaillé confidentiel qui est adressé au Président de la République et au Premier Ministre.
Nous espérons que nos préoccupations seront prises en compte et que des mesures soient prises pour garantir la transparence et la bonne gouvernance dans le secteur de la sécurité.