Dans le cadre de la nouvelle dynamique de coopération entre le Niger et la Fédération de la Russie, un premier lot de matériel militaire et d’instructeurs russes sont arrivés cette semaine à Niamey. Il s’agit notamment d’un système de défense antiaérienne qui doit permettre au pays de contrôler son vaste espace aérien contre toute menace d’agression extérieure. Alors que Niamey est en tourné le dos à l’occident en mettant fin à sa coopération militaire avec la France et les Etats-Unis, le rapprochement avec la Russie de Poutine se confirme de plus en plus dans le sillage du choix stratégique fait par le Mali et le Burkina Faso, ses alliés de l’AES.
Peu de détails sur la véritable nature du matériel militaire livré ainsi que le nombre d’instructeurs russes déployés mais pour les autorités de transition, l’essentiel est de montrer que la nouvelle dynamique de coopération avec la Fédération de Russie commence à porter ses fruits et de manière concrète. Selon le reportage diffusé jeudi soir par la télévision publique (Télé Sahel), des instructeurs russes sont arrivés mercredi à Niamey, qui a également réceptionné sa première livraison de matériel militaire russe, a annoncé jeudi soir la télévision publique nigérienne. « Nous avons assisté ce mercredi 10 avril 2024 à l’arrivée à Niamey d’un l’Iliouchine-76, un gros-porteur russe, transportant du matériel militaire de dernière génération avec à son bord des instructeurs militaires du ministère russe de la Défense », a annoncé le journaliste de la RTN qui a joute que dans le cadre de cette coopération, la Fédération de Russie va doter le Niger et « installer un système de défense antiaérien capable d’assurer le contrôle total de notre espace aérien ». Avec à l’appui, des images filmées de nuit du gros-porteur russe à son atterrissage à l’aéroport de la capitale, il est annoncé que des instructeurs militaires russes, dont le nombre n’a pas été précisé, « assureront une formation de qualité aux militaires nigériens pour une utilisation efficiente dudit système ».
« Nous sommes ici pour former l’armée du Niger et l’aider à utiliser le matériel militaire qui vient d’arriver. C’est du matériel de différentes spécialités militaires », a aussi déclaré dans le reportage, un des instructeurs russes avant d’ajouter « nous sommes ici pour développer la coopération militaire entre la Russie et le Niger ».
Dans le sillage du Mali et du Burkina Faso, la Russie prend pied au Niger
La coopération militaire entre Niamey et Paris commence donc à prendre forme dans le sillage des nouvelles orientations stratégiques décidées et assumées par les nouvelles autorités militaires du Niger, au pouvoir depuis le coup d’état du 26 juillet 2023. Après avoir mis fin à la coopération avec la France, qui s’est vu contrainte de rapatrier ses soldats du pays, Niamey est en train de faire de même avec Washington afin d’ouvrir le boulevard à la Russie qui a déjà pris pied au Mali et au Burkina Faso, les deux autres pays membres de la nouvelle Alliances des Etats du Sahel (AES).
Fin mars, au cours d’un entretien téléphonique, le chef de l’Etat nigérien, le Général de brigade Abdourahmane Tiani et son homologue russe Vladimir Poutine, ont convenu d’une coopération stratégique multisectorielle et globale entre les deux pays et échangé, par la même occasion, sur la situation dans la région du Sahara et du Sahel avant de discuter de la coordination des actions en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Le Président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) a aussi été l’un des premiers dirigeants du monde a félicité le Président Russe Vladimir Poutine, pour sa « brillante réélection » à la suite des consultations tenues du 15 au 17 mars 2024 dans le pays. Dans un message adressé au maitre du Kremlin, le général Tiani a indiqué que cette occasion lui offre l’agréable plaisir de lui transmettre, au nom du CNSP, du Gouvernement et du Peuple nigérien et en son nom propre, « mes vives et chaleureuses félicitations ainsi que mes vœux de réussite dans l’accomplissement de votre haute et exaltante mission ». Pour le chef de la transition nigérienne, « le grand Peuple russe, en vous renouvelant sa confiance à travers cette éclatante victoire, vient une fois encore de prouver son adhésion à votre programme de gouvernance ainsi qu’à votre ambition légitime de continuer à faire progresser la Fédération de Russie dans tous les domaines économiques et politiques et lui assurer un rang des plus honorables dans le concert des nations ». Et d’ajouter que « le Niger qui mène une lutte historique pour la reconquête de sa souveraineté et son développement sait pouvoir compter sur votre engagement personnel et la coopération avec la Fédération de Russie pour réussir son combat patriotique ». A cet égard, poursuit le message du Président Tiani, « je voudrais Vous assurer de ma disponibilité personnelle ainsi que celle du Gouvernement du Niger à œuvrer, de concert avec Votre Excellence et le Gouvernement de la Fédération de Russie, en vue du renforcement des relations déjà excellentes entre nos deux pays ».
Mi-janvier, le Premier ministre Ali Mahamane Lamine Zeine, à la tete d’une délégation composée de membres du CNSP et du gouvernement de transition, a effectué une visite de travail à Moscou. Au cours d’un entretien, le vice-Premier ministre russe, Alexeï Ouvertchouk, a indiqué « la Russie considère le Niger comme un pays ami et entend resserrer les liens économiques et les échanges commerciaux avec ce pays ». C’est pourquoi, a-t-il dit, la Fédération de la Russie souhaite développer « des liens commerciaux, économiques et d'investissements avec le Niger » avant de souligner que son pays considère le Niger « comme un État ami avec lequel des relations constructives et mutuellement bénéfiques ont été construites depuis longtemps ». Il a en ce sens estimé que les deux pays doivent œuvrer ensemble pour développer des partenariats dans le secteur de l’énergie, l'agriculture et bien d'autres secteurs. En décembre dernier, une délégation russe conduite par le vice-ministre de la Défense avait déjà séjournée à Niamey où elle a rencontré les principales autorités de transition. A cette occasion, un accord a été signé par les deux pays dans le domaine de la défense.
Autant le dire, c’est la lune de miel entre Niamey et Moscou alors que les relations avec les pays occidentaux, notamment la France, l’UE et depuis les Etats-Unis, s’effritent. Le dernier acte a été la dénonciation, annoncée le 16 mars dernier par les autorités nigériennes, des accords de défense entre le Niger et les USA. Le CNSP et le gouvernement de la transition n’ont pas manqué à cette occasion de fustiger « l’attitude condescendante » des Etats-Unis avec notamment, « la volonté de la délégation américaine de dénier au peuple nigérien souverain le droit de choisir ses partenaires et le type de partenariat dédié véritablement à la lutte contre le terrorisme alors même que les États-Unis d'Amérique ont décidé unilatéralement de suspendre toute coopération entre nos deux pays ». Dans le communiqué, le gouvernement nigérien a particulièrement mis en exergue ses relations avec ses nouveaux alliés stratégiques notamment la Fédération Russie, et la République Islamique de l'Iran. « Le Niger réaffirme n'avoir jamais signé un quelconque accord secret de fourniture d'uranium à l'Iran et le Niger traite d'égal à égal avec la Russie dans le cadre de l'achat de son armement », a indiqué le communiqué dans lequel les autorités nigériennes ont également tenu à réaffirmer leur engagement « à coopérer avec tous les pays épris de pays et de justice conformément aux règles du droit international ». Comme pour les autres alliés de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), le Niger est en train de s’aligner sur l’axe avec Moscou pour un nouveau partenariat stratégique que les autorités veulent plus sincères et fructueux que ceux qui étaient jusque-là en vigueur avec les anciens alliés occidentaux. Il reste à attendre les résultats sur le terrain de cette coopération notamment sur le terrain de la lutte contre le terrorisme où les besoins en moyens et autres équipements militaires ainsi qu’en formation sont énormes alors que les menaces sécuritaires ne cessent de s’amplifier particulièrement dans la zone dite des trois frontières que se partagent les 3 pays de l’AES.