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Renforcement de la résilience dans la région de Diffa : la situation nutritionnelle des enfants s’améliore grâce à de nouvelles approches de l’UNICEF

Publié le samedi 25 mai 2024  |  actuNiger
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© Autre presse par DR
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En raison de la persistance de défis structurels pendant de longues années, la région de Diffa, dans l’extrême sud-est du Niger, est l’une des régions du pays avec les taux les plus élevés de malnutrition, principalement chez les nourrissons et les enfants. Cette situation a été exacerbée par la crise sécuritaire que connaît la région depuis 2015, entraînant des mouvements de populations déplacées internes et de réfugiés, avec pour conséquence une pression accrue sur les ressources et les services sociaux de base déjà faibles. L’impact sur la situation nutritionnelle et alimentaire s’est davantage prononcé, avec un fort taux de cas de malnutrition chronique, particulièrement chez les nourrissons et les enfants de moins de cinq ans. En appui aux efforts du gouvernement et de ses partenaires pour inverser cette situation qui hypothèque les perspectives de développement du pays, l’UNICEF, dans le cadre du financement allemand BMZ, a mis en œuvre un programme de renforcement de la résilience nutritionnelle des populations dans la région. Le programme a été déployé à travers une série d’approches communautaires visant à promouvoir les bonnes pratiques nutritionnelles et alimentaires pour les nourrissons, les enfants et les adolescentes, ainsi que les habitudes en matière d’hygiène et de santé auprès des mamans, parents et de l’ensemble de la communauté. Cela a permis d’atteindre des progrès sensibles, comme dans les districts sanitaires de Diffa et de Mainé-Soroa, où ces interventions se sont concentrées ces deux dernières années afin d’en mesurer l’impact avant une mise à l’échelle. À Digargo, une localité de la zone d’intervention du projet, les avancées enregistrées entre 2022 et 2023 et l’adhésion des populations bénéficiaires témoignent de l’efficacité de la stratégie mise en œuvre par l’UNICEF grâce au fonds BMZ. Reportage de notre envoyé spécial.

Digargo : Un exemple de résilience et de progrès
Digargo est un village situé à 5 km au nord-ouest de la commune urbaine de Diffa. Avec une population totale de 1 152 habitants, dont 517 hommes et 535 femmes, selon les dernières statistiques officielles, le site accueille depuis quelques années des populations déplacées venues essentiellement de la commune de Gueskerou (Kindjandi, N’gagam principalement). Au 31 décembre 2021, les populations déplacées vivant sur le site étaient estimées à 1 750 personnes, soit environ 380 ménages dont 54 % d’enfants. Comme beaucoup d’autres villages de cette région située à l’extrême sud-est du pays, la crise sécuritaire qui a émergé depuis 2015 a amplifié les multiples défis structurels, entraînant une crise humanitaire sans précédent qui a beaucoup impacté les efforts de l’État et de ses partenaires pour juguler l’impact des chocs sur les perspectives de développement.

En effet, les mouvements pendulaires de population ont exercé et continuent d’exercer une pression sur les services existants, déjà insuffisants. De ce fait, les populations de Digargo continuent de faire face à de multiples défis liés à l’accès aux services essentiels dans les domaines de l’éducation, la santé et l’eau, auxquels se sont ajoutées d’autres urgences humanitaires, notamment les répercussions du dérèglement climatique avec des cycles d’inondations et de sécheresses, en plus de la situation sécuritaire et des défis multisectoriels.

Des approches intégrées pour l’adoption communautaire de nouvelles pratiques contre la malnutrition

La situation nutritionnelle de la région de Diffa est caractérisée par une prévalence élevée de la malnutrition chronique chez les enfants de moins de 5 ans. Selon les données de l’enquête SMART 2022, la prévalence de la malnutrition chronique dans la région est de 37,2%, l’un des taux les plus élevés du pays. La conséquence majeure sur la nutrition est une diminution de la qualité et de la quantité des rations, entraînant des carences en micronutriments et la dénutrition, en particulier chez les enfants de moins de 5 ans, les adolescentes et les femmes enceintes.

Dans le cadre de son appui aux efforts du gouvernement et de ses partenaires pour apporter des réponses à cette situation, le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) a mis en œuvre des approches de renforcement de la résilience des populations en matière de nutrition grâce au financement du Ministère Allemand de la Coopération Économique et du Développement (BMZ). Les interventions de l’UNICEF consistent à la fois en un appui au programme de prévention de la malnutrition chronique et en la prise en charge de la malnutrition aiguë sévère. Ainsi, dans les districts sanitaires de Diffa et de Mainé-Soroa, le Fonds a appuyé, de 2023 à 2024, la mise en œuvre du paquet promotionnel et préventif pour l’Alimentation du Nourrisson et du Jeune Enfant (ANJE).

À Digargo, par exemple, les activités menées par l’UNICEF dans le cadre des fonds BMZ ont permis de rehausser les indicateurs en matière nutritionnelle chez les nourrissons et les enfants grâce à des approches communautaires qui ont permis de changer les habitudes alimentaires et de sensibiliser les populations sur l’importance et surtout les avantages de certaines pratiques comme l’allaitement maternel exclusif et la surveillance de l’évolution de la situation sanitaire des enfants par la fréquentation des centres de santé. Les bénéficiaires se félicitent des résultats positifs atteints, grâce notamment au dispositif mis en place pour renforcer les capacités des principaux acteurs de la chaîne, notamment les relais communautaires qui jouent un rôle important en matière de sensibilisation et de prise de conscience communautaire sur les droits des enfants, notamment celui à la santé et à une bonne alimentation.

Ainsi, dans le cadre de ces interventions, 400 groupes de soutien pour l’Alimentation du Nourrisson et du Jeune Enfant (ANJE) constitués de femmes enceintes et allaitantes ont été mis en place ou redynamisés au niveau des villages pour délivrer des conseils sur l’ANJE afin de promouvoir les pratiques saines de soins et d’alimentation du jeune enfant. Plus concrètement, les femmes membres de ces groupes de soutien ANJE ont été formées au dépistage communautaire de la malnutrition à travers l’utilisation du bracelet MUAC (mid-upper arm circumference), un bracelet spécial qui permet de mesurer le périmètre brachial des bébés et enfants de moins de 5 ans afin de détecter une éventuelle malnutrition. Chacune de ces femmes a également été dotée du bracelet MUAC pour contrôler les enfants même à la maison afin de dépister les signes de malnutrition. Près de 14 000 mères d’enfants de moins de 2 ans ont été conseillées sur l’ANJE par les membres des groupes de soutien ANJE, les relais communautaires et les centres de santé appuyés par l’UNICEF dans le cadre de la mise en œuvre du paquet promotionnel et préventif pour l’ANJE à Diffa et Mainé-Soroa grâce aux fonds BMZ.
À Digargo, nous avons rencontré Madame Banari Mamadou, une habitante du village. À 27 ans, elle est mère de trois enfants, dont le dernier-né, âgé de seulement 45 jours, qu’elle tenait dans ses bras lors de notre rencontre à la Case de Santé du village, où elle était venue pour une consultation. « Mon enfant est exclusivement allaité au lait maternel, et je vais continuer ainsi jusqu'à l'âge de 6 mois pour prévenir la malnutrition. C’est ce qu’on nous a expliqué lors des séances de sensibilisation, car l'absence d'allaitement maternel exclusif peut entraîner des problèmes de santé tels que la diarrhée, la constipation et même la malnutrition », confie-t-elle.

Ayant bénéficié de sensibilisation dans le cadre du groupe de soutien de l’ANJE, elle tient également à partager les autres enseignements reçus à travers ces plateformes, ainsi que les conseils du relais communautaire du village et de l’infirmier de la Case de Santé. « Nous avons aussi appris l'importance d'une bonne hygiène, notamment de se laver les mains avant de donner le sein à nos enfants pour prévenir la diarrhée. Après les 6 premiers mois, il est recommandé de donner à l'enfant une alimentation liquide, puis de privilégier des aliments locaux comme les arachides, le riz ou la bouillie de mil, riches en vitamines pour la santé de nos enfants. Nous avons la chance d'avoir des jardins où nous cultivons des fruits et des légumes que nous donnons également à nos enfants. En cas de diarrhée ou de tout autre signe de maladie, il nous est conseillé de nous rendre directement au centre de santé pour un traitement approprié », explique la jeune femme.

Ces consignes, tout comme d’autres nouvelles habitudes alimentaires et sanitaires, Madame Banari Mamadou assure les avoir apprises dans le cadre des groupes de soutien ANJE, mis en place par l’UNICEF avec l’appui des fonds BMZ, pour renforcer la résilience des populations en matière de nutrition dans la région de Diffa.
« Nous appliquons scrupuleusement ces consignes. Dès que l'un de mes enfants tombe malade, je me rends immédiatement au centre de santé, et à la maison, nous suivons toutes les règles d'hygiène recommandées. Mon dernier-né est exclusivement allaité au lait maternel jusqu’à ses six mois, car nous avons été sensibilisés sur le fait que le non-respect de l'allaitement exclusif peut entraîner des problèmes de malnutrition chez l'enfant, tout comme le fait de ne pas respecter la fréquence des tétées. L’allaitement maternel exclusif est important pour la santé des nourrissons, car le changement se voit au quotidien. Mes premiers enfants n'ont malheureusement pas bénéficié de l'allaitement exclusif, ce qui a engendré des différences notables avec ceux qui en ont bénéficié grâce aux informations que nous avons maintenant. Les enfants qui ont été exclusivement allaités ont un poids différent et sont globalement en meilleure santé. Aussi, nous n'avons plus à dépenser d'argent pour les soins médicaux, ce qui est un véritable soulagement pour nous. C’est pourquoi toutes les mamans doivent savoir que la malnutrition peut avoir des conséquences graves, voire mortelles, pour leur enfant, et il est crucial de suivre les recommandations qui sont données. Je lance vraiment un appel à toutes les mamans pour qu'elles respectent l'allaitement maternel exclusif, assurent une fréquence adéquate des tétées et veillent à l'hygiène environnementale et corporelle de leur enfant, tout en appliquant ces pratiques elles-mêmes. Il est aussi important de connaître les signes de risques ou de danger pour l'enfant malade ou malnutri, et cela aussi nous a été enseigné lors des séances de sensibilisation. Même à la maison, avec le bracelet spécial, on peut détecter des signes de malnutrition et agir en conséquence pour sauver la vie de son enfant », Madame Banari Mamadou, habitante de Digargo et mère de trois enfants.
Afin de nous assurer du changement apporté par le suivi des conseils prodigués lors des séances de sensibilisation et de formation, la jeune mère nous invite, avec l’accord de son mari, à nous rendre à son domicile, une concession située non loin de la Case de santé où nous retrouvons son premier enfant, une fille, de retour de l’école. Là, Madame Banari Mamadou nous montre les carnets de vaccination de ses trois enfants, soigneusement rangés dans un coin de la chambre, bien aménagée pour la circonstance, comme il est de tradition chez cette communauté kanuri du pays à l’hospitalité légendaire. « Je vais régulièrement au centre de santé pour faire peser mes enfants et je les emmène régulièrement pour leurs consultations et vaccinations dès que nécessaire, comme l'indique leur carnet de vaccination. Nous utilisons également des moustiquaires pour protéger nos enfants contre les piqûres de moustiques qui causent le paludisme », assure-t-elle, très émue de montrer les résultats palpables de ce qu’elle a appris grâce à l’initiative de l’UNICEF.
Les relais communautaires, au cœur du dispositif de sensibilisation pour l’amélioration de la situation nutritionnelle des nourrissons et des enfants

Dans la même dynamique des interventions de l'UNICEF, et toujours dans le cadre des fonds BMZ, quelque 150 femmes influenceuses (matrones, représentantes des femmes, grands-mères, etc.) ont été formées sur l’ANJE et le plaidoyer en faveur de l’allaitement maternel exclusif (AME) et des pratiques optimales d’alimentation du nourrisson et du jeune enfant au sein des communautés. Leur rôle est de mener des plaidoyers auprès des autorités coutumières, des décideurs et chefs de ménages pour favoriser les pratiques optimales de nutrition au sein des communautés. Aussi, une quarantaine d’agents de santé de la région de Diffa ont été formés sur les soins essentiels du nouveau-né et coachés après la formation afin de renforcer et promouvoir les pratiques de mise au sein immédiate et d’allaitement maternel exclusif au niveau des centres de santé de la région. À cela s’ajoute la formation en 2023 de 84 prestataires de santé sur le protocole révisé de prise en charge de la malnutrition aiguë afin d’optimiser la qualité des soins dans les centres de récupération nutritionnelle de Diffa et Mainé-Soroa conformément aux directives nationales en vigueur.

En outre, 1 371 personnes, dont 132 enfants de 6 à 59 mois souffrant de malnutrition aiguë modérée et 34 enfants de 6 à 59 mois souffrant de malnutrition aiguë sévère, ont été pris en charge à travers les cliniques mobiles Nutrition-Santé. Ces cliniques offrent des services tels que le dépistage et le référencement des cas de malnutrition, les consultations prénatales, les consultations pour nourrissons et les vaccinations. Un autre fait important est que 3 446 enfants de 6 à 59 mois ont été pris en charge dans les centres de récupération nutritionnelle en 2024, dont 590 en hospitalisation, grâce à l’approvisionnement de 4 446 cartons de Plumpy Nut (PPN) et 47 cartons de laits thérapeutiques dans les centres de santé.

Au cœur de ce dispositif, les relais communautaires jouent un rôle très important dans les progrès enregistrés en matière de réduction notable des cas de malnutrition chez les nourrissons et les enfants de moins de cinq ans dans la région de Diffa, en particulier dans les districts sanitaires de la commune urbaine de Diffa et celle de Mainé-Soroa où l'UNICEF intervient grâce au financement BMZ.
À Digargo, nous avons rencontré Madame Atcha Moustapha, 30 ans, relais communautaire dévouée, comme nous avons pu le constater lors d’une séance qu’elle animait ce jour-là, à quelques mètres de la Case de Santé du village. Assise sous l’ombre d’un arbre, un guide du relais communautaire à la main et entourée de plusieurs femmes et enfants, elle sensibilisait les participantes du jour aux bonnes pratiques en matière de nutrition et d’hygiène du bébé durant ses six premiers mois de vie. « Je me suis engagée en tant que relais communautaire il y a de cela huit ans, dans le but d'apporter mon aide à ma communauté. Mon rôle consiste à sensibiliser les jeunes mamans pour lutter contre la malnutrition infantile. Nous encadrons également les mères allaitantes afin d'assurer une croissance physique et mentale adéquate chez leurs enfants à travers l’allaitement maternel exclusif. Mon travail de sensibilisation porte sur l'importance d'une alimentation équilibrée pour les mères et leurs enfants, en mettant l'accent sur l'utilisation des aliments locaux nutritifs », explique-t-elle. Elle ajoute que, lors d’autres séances, les thématiques abordées incluent l’importance pour les femmes de fréquenter les centres de santé, les avantages de la consultation prénatale, ainsi que la vaccination. « Les mères appliquent les conseils que je leur donne et leurs maris sont très satisfaits des actions de sensibilisation que je mène auprès de leurs épouses, car ils voient les résultats du changement qui s’opère. Par exemple, les femmes se rendent de plus en plus fréquemment au centre de santé du village dès qu’elles constatent des signes de diarrhée ou de malnutrition chez leurs enfants, et depuis lors, la situation nutritionnelle des enfants s'est nettement améliorée », tient-elle à faire savoir, bien qu’elle reconnaisse que le début n’était pas facile à cause de la réticence de certains parents. « Je suis déterminée à continuer à me former pour devenir formatrice à mon tour. Actuellement, j'interviens dans six à sept villages, avec le soutien et la bénédiction de mon mari, qui m'a déjà autorisée à m'exprimer devant la presse. Nous bénéficions tous les deux à trois mois de formations régulières, et nous recevons aussi des gratifications de temps en temps, ce qui nous motive dans notre travail », assure Madame Atcha Moustapha.

Il importe de souligner que ces activités de l’UNICEF s’inscrivent dans le cadre du programme « Partenariat UNICEF-PAM pour la résilience et la cohésion sociale dans la région de Diffa », financé par le Ministère Allemand de la Coopération Économique et du Développement (BMZ). Le programme, mis en œuvre conjointement par l’UNICEF et le PAM dans une approche Nexus Humanitaire-Développement-Paix (HDP), vise à renforcer la résilience des groupes de populations les plus vulnérables et des institutions locales par des interventions multisectorielles d'une part, et à renforcer la cohésion sociale en contribuant à une cohabitation pacifique au sein des communautés ciblées d'autre part. Le programme a pour objectifs principaux de renforcer les capacités des systèmes et des institutions pour une meilleure gouvernance, de promouvoir la responsabilité, l'efficacité et l'inclusivité, de renforcer l'appropriation et l'engagement des communautés dans toutes les décisions concernant leur bien-être, et d'améliorer l'accès à des services sociaux de qualité et adaptés, ainsi qu'à de meilleures opportunités de subsistance grâce à la mise en œuvre d'un ensemble intégré d'interventions au niveau communautaire.

Abdoul Karim Moumouni, Envoyé spécial
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