Elaboration de la Stratégie nationale du Désarmement, de la Démobilisation et de la Réintégration (DDR): le comité interministériel officiellement installé
Le Niger va se doter d’une Stratégie Nationale du Désarmement, de la Démobilisation et de la Réintégration (DDR) des ex-combattants des Groupes armés non étatiques (GANE). L’initiative, soutenue par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et plusieurs partenaires, vient de franchir une étape importante avec l’installation officielle, ce mardi 28 mai 2024 à Niamey, du Comité interministériel dont le principal cahier des charges est d’accompagner l’élaboration de cette Stratégie de Démobilisation, Déradicalisation et Réintégration (DDR). Cela permettra à l’État, à travers le ministère de l’Intérieur, de la Sécurité publique et de l’Administration territoriale (MISPAT), de disposer d'une meilleure planification stratégique et d'une harmonisation dans la durée. Dans ce cadre, et avec l’appui des partenaires, le Comité technique aura pour mission de conduire le processus d'élaboration de tous les plans opérationnels, notamment le plan de mobilisation des ressources, le plan de communication stratégique, le plan de renforcement des capacités, le plan de suivi et d’évaluation, ainsi que les budgets détaillés.
C’est le Secrétaire général adjoint du Ministère de l’Intérieur, le commissaire général de police Abdourahamane AYOUBA, qui a présidé la cérémonie officielle d’installation du comité interministériel au cours d’une cérémonie solennelle qui s’est déroulée ce mardi 28 mai 2024 dans la Salle de réunion dudit ministère, en présence de la Représentante Résidente du PNUD au Niger, Madame Nicole KOUASSI. La cérémonie a également vu la présence du Secrétaire général de la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix (HACP), du Directeur Général de l'Administration Territoriale et de la Déconcentration (DGATC), du Coordinateur National des Programmes de Stabilisation et de prise en charge de la reddition des ex-combattants des groupes armés non étatiques, ainsi que des membres du Comité technique chargé de l'élaboration de la stratégie nationale de la Démobilisation, Déradicalisation, Réinsertion et Réintégration des personnes associées aux groupes armés non étatiques au Niger. On notait également la présence à l’événement de plusieurs invités de marque, notamment les représentants des Partenaires Techniques et Financiers (PTF).
Une stratégie pour une planification stratégique et une harmonisation dans la durée de la DDRR
Dans son discours d’installation officielle du Comité technique, le Secrétaire général adjoint du Ministère de l’Intérieur a, au nom du ministre d'État, le général de brigade Mohamed Toumba Boubacar, souhaité la bienvenue à tous les participants avant de se féliciter de la tenue de cet événement qui marque une étape importante dans le processus d’élaboration de la Stratégie nationale du Désarmement, de la Démobilisation et de la Réintégration (DDR) des ex-combattants des Groupes armés non étatiques (GANE). Le commissaire général de police, Abdourahamane Ayouba, a rappelé le contexte actuel du pays, marqué par des attaques terroristes et d'autres groupes armés non étatiques qui sèment la terreur et la désolation dans nos communautés. « Ces deux crises ont été d'une violence extrême, caractérisée par un afflux massif de déplacés internes et un grand nombre de familles endeuillées par la perte de leurs membres », a indiqué le SGA du Ministère de l’Intérieur, avant d’ajouter que « pour endiguer la décadence et annihiler les effets néfastes de ces crises, le Gouvernement du Niger a été amené à intensifier des actions militaires contre ces groupes terroristes avec la participation, dans une coalition sous-régionale, de la Force Multinationale Mixte (FMM) et par la conjonction des forces militaires des pays de l'Alliance des États du Sahel (AES) ». Parallèlement à ces actions militaires, a poursuivi le Commissaire général AYOUBA, « le gouvernement s'est résolument engagé dans une démarche holistique visant une transition réussie de la violence à une paix durable, en passant par un dialogue constructif avec les communautés affectées par la crise ». À cet effet, a-t-il fait savoir, le gouvernement a pris plusieurs initiatives dont, entre autres, l'organisation d'un forum à Diffa en décembre 2016 qui, à travers un document cadre, a révélé les stratégies pour atténuer les effets de la crise Boko Haram; l'initiation d'un appel à la reddition des Nigériens engagés dans la secte Boko Haram qui a permis d'accueillir en décembre 2016 les premiers combattants Boko Haram en reddition à Diffa et, pour mieux les prendre en charge, la création en juillet 2017 à Goudoumaria du premier Centre de Réinsertion Socio-Économique des ex-combattants Boko Haram, suivi récemment d'un second à Hamdallaye dans la région de Tillabéri. Toujours dans cette dynamique, a souligné le SGA, le premier Programme National de Prise en Charge de la Reddition des éléments de Boko Haram a été élaboré et a même fait l'objet de révisions en 2021 afin de lui donner une dimension nationale pour prendre en compte les situations de Tillabéri et de Tahoua.
Selon le SGA du Ministère de l’Intérieur, la mise en œuvre de ces programmes a permis d'atteindre des résultats satisfaisants. « Globalement, que ce soit pour les situations de Diffa, Tillabéri et Tahoua, on peut retenir la sortie de plusieurs vagues avec plus de 1601 personnes assistées », a estimé le commissaire général de police, Abdourahamane Ayouba, qui n’a pas manqué de rappeler que pour faciliter la mise en œuvre et le suivi de ce programme, ainsi que les résultats obtenus, une administration de mission a même été mise en place au sein du Ministère en charge de l'Intérieur sous la forme d'une Unité de Coordination Nationale des Programmes de Stabilisation et de prise en charge de la Reddition des ex-Combattants des GANE (CNPSR). « Malgré tous ces résultats obtenus dans sa mise en œuvre, le Programme National de Prise en Charge de la Reddition (PNPCR) a montré des limites. C'est du reste ce qui ressort des conclusions de l'atelier bilan réalisé à Niamey en mars 2024 », a reconnu le SGA, qui a toutefois précisé que ce bilan a permis de faire le point sur la mise en œuvre des deux générations du PNPCR. « Il est notamment ressorti du diagnostic un manque de vision stratégique claire pour la prise en charge des membres des groupes armés non étatiques, de leurs familles et des communautés d'accueil, une insuffisance dans le leadership de l'État dans la prise en charge de cette question ultrasensible, un manque de suivi des repentis réintégrés dans les communautés, une faible capacité des acteurs à gérer le DDR et enfin une faible mobilisation des ressources pour assurer une meilleure efficacité du processus de DDR », a-t-il mentionné avant d’ajouter que sur la base des recommandations de l'atelier bilan, le Ministère de l’Intérieur s'est engagé dans l'élaboration d'une Stratégie de Démobilisation, Déradicalisation et Réintégration (DDR) afin « de permettre une meilleure planification stratégique et une harmonisation dans la durée ». C’est ainsi que, pour conduire efficacement le processus d'élaboration de cette stratégie nationale, un Comité Technique a été créé par arrêté n° 000516/MISP/AT/SG en date du 14 mai 2024. « Ce comité technique sera principalement chargé, avec l'appui de nos partenaires, de la revue de la littérature, de la collecte des informations et des données, de l'analyse et de l'élaboration d'une Stratégie Nationale de DDR. Il aura pour tâche de conduire le processus d'élaboration de tous les plans opérationnels tels que le plan de mobilisation des ressources, le plan de communication stratégique, le plan de renforcement des capacités, le plan de suivi et d'évaluation, ainsi que les budgets détaillés », a adressé le SGA du Ministère de l’Intérieur aux membres. « Vous mesurez l'immensité de la tâche qui nous attend, au regard des engagements des plus Hautes autorités du Niger, au premier rang desquelles Son Excellence le Général de Brigade Abdourahamane TIANI, Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie, Chef de l'État, dans la construction d'un Niger nouveau, sécurisé et souverain », leur a-t-il fait savoir avant de les convier à « se mettre à la tâche avec ardeur afin que les résultats des travaux soient à la hauteur de l'espérance de ceux qui nous ont mandatés ». En clôturant ses propos, le commissaire général de police Abdourahamane Ayouba a tenu à réitérer ses sincères remerciements à l'endroit de tous les partenaires, en particulier le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), qui œuvrent sans cesse aux côtés du gouvernement pour l'avènement d'une paix durable au Niger.
Des initiatives pour contribuer à renforcer la sécurité et à promouvoir la stabilité durable au Niger
Auparavant, la Représentante Résidente du PNUD au Niger, Dr Nicole Kouassi, a pris la parole pour féliciter le gouvernement du Niger et l'ensemble des partenaires financiers et techniques pour l'excellent travail réalisé dans le cadre de la mise en œuvre du Programme National de Prise en Charge de la Reddition (PNPCR) à travers la Coordination Nationale des Programmes de Stabilisation et de prise en charge de la Reddition des ex-combattants des Groupes Armés non étatiques au Niger (CNPS/R). « C'est la consolidation des acquis et des leçons apprises de la mise en œuvre de ce programme qui facilitera l'élaboration de la stratégie nationale de DDRR », a-t-elle déclaré tout en soulignant qu’en plus de la capitalisation et la consolidation des acquis du Programme National de Prise en Charge de la Reddition (PNPCR), « la stratégie nationale de DDRR se justifie fondamentalement non seulement par l'insuffisance constatée dans la coordination du processus DDRR, mais aussi par la faible capacité technique et financière pour la prise en charge du processus de DDRR au Niger ». C’est pourquoi, Dr KOUASSI a tenu à saluer cette vision stratégique visant à doter le Niger d'une stratégie nationale de DDRR. « Cette démarche, à laquelle les Nations Unies adhèrent, témoigne d'une volonté forte du gouvernement du Niger à consolider la paix et la stabilité au Niger en y intégrant les principes de désarmement, démobilisation et réintégration dans un cadre global et bien coordonné », a poursuivi la Représentante Résidente qui a tenu à remercier les autorités nigériennes pour la confiance portée à l'endroit du PNUD ainsi qu’aux autres agences des Nations Unies dont l’ONUDC, l’OIM et le HCDH pour leur implication active dans le DDR au Niger. Pour Dr Nicole Kouassi, en effet, « la réussite de cette stratégie contribuera sans doute à renforcer la sécurité et à promouvoir une stabilité durable au Niger ». Elle permettra ainsi de définir le cadre légal et opérationnel de prise en charge, sans distinction, de tous les membres des groupes armés non étatiques éligibles ainsi que les modalités d'accélération et assurera la cohérence dans le processus de réintégration communautaire des ex-combattants, qui constitue un grand défi. « Cette stratégie permettra de mobiliser davantage les ressources techniques et financières pour la mise en œuvre des programmes et projets qui seront développés en vue de renforcer la sécurité, la consolidation de la paix et la cohésion sociale », a-t-elle indiqué.
Depuis le début du processus de prise en charge de la reddition au Niger en 2019, a souligné la Représentante Résidente, les Agences du Système des Nations Unies telles que le PNUD, l'OIM, l'ONUDC, le HCDH et les ONG internationales (HD, Search for Common Ground) avec l'appui financier du Fonds des Nations Unies pour la Consolidation de la Paix (PBF), les États-Unis, et l'Union Européenne ont contribué à plus de 20 % du budget du Programme National de Prise en Charge de la Reddition (PNPCR). Ce soutien précieux a permis d’enregistrer plusieurs réalisations comme la construction et l’équipement du Centre de Déradicalisation et de Réhabilitation de Goudoumaria (Région de Diffa) et un autre en cours à Hamdallaye (Région de Tillabéri); la déradicalisation et la réintégration, dans les villages de la région de Diffa, de 2019 à 2021, d'un total de 307 ex-combattants dont 48 femmes et 15 ex-combattants de nationalité nigériane ainsi que l’assistance à plus de 100 combattants repentis dans la région de Tillabéri, depuis 2022.
Avant de conclure son allocution, Dr KOUASSI a beaucoup insisté sur l'importance d'aligner la stratégie nationale DDRR aux conventions internationales relatives aux droits de l'homme, au droit international humanitaire ainsi qu’au droit international des réfugiés et au droit pénal international, pour ne citer que ceux-là. Plus spécifiquement, elle a évoqué la Résolution 2349 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, avant de réaffirmer que dans cette optique, « le PNUD en tant que chef de file des PTF s'engage avec l'ensemble des Agences du Système des Nations Unies selon le mandat de chacune à accompagner le processus d'élaboration de la stratégie nationale de DDRR dans ses différentes composantes ». Et d’assurer que le PNUD et l'ensemble des Agences du Système des Nations Unies engagées dans le DDRR (OIM, ONUDC et HCDH) réitèrent leur soutien durant tout le processus d'élaboration de la stratégie nationale de DDRR, et s'engagent à mobiliser d'autres partenaires internes et externes afin de pouvoir doter le Niger d'une stratégie nationale conforme aux standards internationaux et prenant en compte les réalités du pays.
Après les discours officiels, la cérémonie s’est poursuivie avec la présentation officielle des membres du Comité, qui est présidé par le Secrétaire Général Adjoint du Ministère de l'Intérieur de la Sécurité Publique et de l'Administration du Territoire, avec comme 1er Vice-président le Secrétaire Général de la HACP et comme 2e Vice-présidente la Représentante Résidente du PNUD au Niger. Après la présentation de la mission, les membres du Comité ont pris connaissance de la note conceptuelle et du chronogramme de la stratégie nationale DDR et des échanges ainsi que des discussions sur plusieurs aspects de la stratégie, du processus d’élaboration et de la mission du Comité ont ponctué les travaux, lesquels ont été immortalisés par une photo de famille.