Mohamed Bazoum, président du Niger renversé lors d’un coup d’État en juillet 2023, fait l’objet d’une audience concernant la levée de son immunité. La Cour d’État doit décider si cette immunité sera levée, ce qui pourrait ouvrir la voie à des poursuites judiciaires contre lui.
La Cour d’État du Niger a reporté à plusieurs reprises l’audience sur la levée de l’immunité de l’ancien président Mohamed Bazoum, renversé par un coup d’État militaire le 26 juillet 2023. Initialement prévue pour le 10 mai 2024, l’audience a finalement été reportée au 7 juin à la demande des avocats de Bazoum, qui ont fait valoir que leur client n’avait pas été valablement notifié de la procédure et n’avait pas pu communiquer librement avec eux.
Les autorités militaires au pouvoir à Niamey accusent l’ancien président Mohamed Bazoum, renversé par un coup d’État le 26 juillet 2023, de « haute trahison » et d' »atteinte à la sûreté » du pays. Face à ces accusations, la défense de Bazoum a dénoncé des irrégularités dans la procédure et des atteintes aux droits de leur client. Lors de l’audience du 07 juin 2024, après deux suspensions de séance, les avocats se sont retirés en dénonçant une « parodie de justice ». Ils ont souligné des problèmes d’accès à Bazoum, détenu avec son épouse dans des conditions spartiates depuis le coup d’État, ainsi qu’un manque d’accès à l’intégralité du dossier.
Le délibéré au 14 juin 2024 a ensuite été annoncé par le président de la Cour d’État, Abdou Dan Galadima.
Initialement, le collectif international des avocats de Bazoum avait saisi la Cour de justice de la CEDEAO en février 2024 pour exiger la libération de leur client, ce que l’instance régionale avait ordonné dès décembre 2023. Ils demandent de faire cesser immédiatement la « séquestration illégale » de l’ancien président et de son épouse, de pouvoir le rencontrer sans restriction et d’avoir accès à l’ensemble des pièces du dossier.
L’histoire va t-elle se répéter ?
Le précédent de la levée d’immunité de l’ancien président Mamadou Tandja en 2010 offre un éclairage sur les enjeux et les conséquences potentielles d’une telle procédure au Niger. Après avoir été renversé par un coup d’État militaire, Tandja avait vu son immunité levée par la Cour d’État avec comme conséquences, des poursuites judiciaires à son encontre.
Cette décision faisait suite à des révélations de Tandja lui-même, qui avait affirmé lors d’une réunion avec des partisans avoir laissé derrière lui « environ 400 milliards de francs CFA » avant de quitter le pouvoir. Ce montant considérable pour un pays parmi les plus pauvres au monde a conduit le gouvernement nigérien à annoncer l’ouverture d’une enquête sur la potentielle disparition de ces fonds.
Tandja a par la suite précisé qu’environ 300 milliards de francs CFA, amassés par de « riches partenaires » du Niger pour la construction d’un barrage hydro-agricole, étaient encore stockés à la Banque islamique de développement en Arabie saoudite, tandis qu’une centaine d’autres milliards étaient destinés à l’achat de nourriture et d’équipements agricoles. L’ancien président a également réclamé un audit de la gestion du pays par la junte militaire avant son renversement.
Si la levée de l’immunité de Tandja a permis d’engager des investigations sur ces allégations de détournement de fonds publics, elle a aussi contribué à une période d’instabilité politique, avec des tensions entre les partisans de l’ancien président et les nouvelles autorités.