« Les peines d’emprisonnement pour diffamation, injures et diffusion de données troublant l’ordre public ou portant atteinte à la dignité humaine par le biais d’un moyen de communication électronique », telles sont les modifications apportées à la loi n° 2019-33 du 3 juillet 2019 portant répression de la cybercriminalité au Niger. C’est à travers « une ordonnance » signée le 7 Juin 2024 par le Chef de l’État, le Général Abdourahamane Tiani, rapporte un communiqué du ministre de la justice et des droits de l’Homme.
Le communiqué émis le 12 Juin dernier, explique que la suppression des peines d’emprisonnement, remplacées par des simples peines d’amendes en 2022 a eu pour conséquences, « la prolifération, à travers les réseaux sociaux, de propos diffamatoires, injurieux et la diffusion des données de nature à troubler l’ordre publique ».
Les peines rétablies s’illustrent ainsi : « une peine d’emprisonnement d’un à trois ans et une amende d’un à cinq millions de francs CFA pour toute personne reconnue coupable de diffamation ou d’injures par un moyen de communication électronique. Il est également prévu une peine de prison de deux à cinq ans et une amende de deux à cinq millions de francs CFA en cas de diffusion de données troublant l’ordre public ou portant atteinte à la dignité humaine. »
Un recul de la liberté d’expression
Le mouvement Tournons La Page (TLP) se range aux côtés des structures de la société civile qui se sont battues pour la révision de cette loi depuis sa mise en œuvre. En apprenant cette modification, Maikoul Zodi, Coordonnateur national du TLP s’inquiète pour l’espace civique. Selon lui « l’espace civique, d’ici peu, sera hermétiquement fermé. » Ce qui représente « un recul de la liberté d’expression et des droits humains. » Une autre inquiétude soulignée par Maikoul Zodi est bien entendu « l’utilisation qui sera faite de cette loi, car elle peut être utilisée autrement au lieu d’encadrer les réseaux sociaux. »
Pour Kaka Touda, défenseur des droits humains qui a été emprisonné sous l’effet de cette loi, il affirme que « cette modification est une menace qui va peser sur les libertés. Et c’est une façon de dire si vous ne vous taisez pas, vous aller partir périr en prison. Et il arrivera un moment de l’histoire ou nous allons tirer le bilan » a-t-il ajouté.
Les peines prévues dans la loi modifiée sont plus lourdes que celles de la loi adoptée en 2019. En effet, cettedernière sanctionnait le coupable de la diffamation, injure et diffusion des données de nature à troubler l’ordre public, d’une peine d’emprisonnement de 6 mois à 3 ans. Alors que la loi modifiée le condamne d’une peine d’emprisonnement de 3 ans. pour la diffusion de données de nature à troubler l’ordre public, elle a prévu une peine allant de 2 à 5 ans d’emprisonnement. Si la motivation des autorités nigériennes est bien celle de contrer la diffamation, l’injure et la diffusion des données de nature à troubler l’ordre public, qu’en est-il des contenus numériques provenant d’autres pays ?