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Point de presse de Marou Amadou Juge et partie ?
Publié le mercredi 5 fevrier 2014   |  Le Canard Déchaîné


M.
© AFP
M. Marou Amadou, Ministre de la justice, garde des sceaux, Porte-parole du Gouvernement


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La bouche qui a tété ne doit pas oublier la saveur du lait ; déformation forcée d’un adage qui ne sied nullement à la situation de l’heure. Les Nigériens ne sont pas dupes ; ils ont encore en mémoire les subterfuges et autres fuyants que Tandja et ses sbires ont mis en oeuvre pour déstabiliser l’ordre constitutionnel et républicain dans le sombre dessein de légitimer son cramponnage au pouvoir.

A cette époque, l’un des arguments mis en avant était de faire de Zinder et de ses environs la plaque tournante des affaires du pays ; facile à faire du moment où avec les activités pétrolières qui seraient cantonnées dans cette région, les affaires allaient évoluer de façon exponentielle. En réalité, cet argument n’était que fallacieux, juste un de plus pour se faire attacher le service de certaines régions de l’Est du pays au projet du Tazartché. Voilà si vous voulez, le point de départ du grand malaise qui allait faire beaucoup de grabuges sur un sujet très sensible : la question ethnocentriste et régionaliste.

En effet, ayant compris la farce qui se jouait sur ce point et conscient de l’adhésion d’une large majorité de la population à ces idéaux mesquins, des patriotes sincères et soucieux de la sauvegarde de la cohésion nationale avaient décidé de dénoncer ce projet afin de le faire échouer. C’était ainsi qu’à travers des écrits et des débats radiotélévisés, des Nigériens courageux ont défié la machine à broyer la conscience pour appeler les citoyens à tourner le dos à ces idées divisionnistes. L’un des acteurs de cette lutte a été très certainement l’actuel ministre de la justice Marou Amadou, qui fut l’un des premiers à être interpellés et incarcérés pour dit-on avoir tenu des propos ethnocentristes. L’on se rappelle cet épisode qui a contribué à asseoir définitivement la popularité de l’homme, faisant de lui l’un des acteurs les plus crédibles de la société civile nigérienne. Une mobilisation tant nationale que régionale et internationale avait suivi l’incarcération de Marou Amadou à Koutoukalé, victime de son engagement à défendre vaille que vaille les idéaux démocratiques. Et, au nom de la liberté d’expression pour laquelle il avait été incarcéré, les associations et autres forces démocratiques avaient fait front commun pour exiger la libération de l’homme. Le combat finit par porter ses fruits.

Aujourd’hui, il est loisible à nos yeux de constater que bien des ardeurs se sont ou émoussées ou ont même carrément disparu dans la conduite de l’homme. Coopté dans le gouvernement au nom de la Société Civile qu’il avait représenté à la CFDR, l’homme devait de ce fait garder intactes sa hargne et sa conviction à défendre les valeurs citoyennes comme la liberté d’expression, lui qui fut victime des entorses portées à elle. Que l’homme oublie ou s’éloigne de ses amis de la Société Civile, passe encore. Mais qu’il relègue aux oubliettes des valeurs comme l’expression des opinions libres à travers des débats citoyens, cela relève d’un recul sans précédent par rapport au cours de l’Histoire ; une histoire encore très récente pour être oubliée. Personne ne cautionnerait que par des propos ou des agissements la cohésion du pays soit mise à l’épreuve. Personne ne tolérerait que la quiétude des citoyens et la sécurité même du pays soient des jouets dans la bouche des citoyens. Cependant il faut rester lucide et reconnaître que de tout temps, les débats citoyens ont glissé souvent sur des propos provocateurs ; rien que cela. Qui oserait étaler sur les ondes un plan de déstabilisation du pays ? Qui oserait se sacrifier d’une telle façon ?

En vérité, vouloir sévir contre la liberté d’opinion et d’expression relève d’un malaise profond qui secoue l’appareil étatique. Quel en est ce malaise ? Personne ne saurait le dire avec exactitude. Cependant, cette façon de faire est vieille au monde et elle dénote toujours des prémices et des signes manifestes d’une dégringolade inéluctable. Gageons que très vite les uns et les autres s’aperçoivent de leurs erreurs et qu’ils évitent d’empoisonner le pouvoir du Président de la République dont ils en ont fait leur otage. C’est vrai que le pouvoir donne des ailes ; c’est vrai aussi qu’il rend aveugle au point où il vous empêche même de voir très clairement d’où vous venez.

BIZO

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