En Conseil des ministres le lundi 24 juin 2024, le gouvernement de Transition a officialisé le retrait du permis pour grande exploitation d’uranium dénommé « IMOURAREN » attribué depuis 2009 à la Société IMOURAREN S.A, filiale du géant français du nucléaire ORANO (ex AREVA) au Niger. Cette décision, déjà actée depuis le 20 juin dernier après l’expiration de l’ultimatum du Ministère nigérien des Mines, intervient en pleines tensions diplomatiques entre Niamey et Paris, sur fond de « deal » passé entre l’ancienne puissance coloniale et les autorités de l’ancien régime de la « Renaissance ». Le retrait du permis s'inscrit dans une volonté des nouvelles autorités nigériennes d’assurer la « souveraineté du Niger » sur ses ressources minières.
C’est juste une formalité mais qui confirme davantage la perte par Orano (ex AREVA) de l’un de ses plus importants gisements d’uranium. Réuni en Conseil des ministres présidé par le Chef de l’Etat, le Général Abdourahamane TIANI, le gouvernement nigérien de Transition a officialisé, ce lundi 24 juin 2024, le retrait du permis pour grande exploitation d’uranium dénommé "Permis IMOURAREN" attribué à la Société IMOURAREN S.A, filiale locale du géant français du nucléaire civil.
Selon les explications du gouvernement nigérien, la Société IMOURAREN S.A, titulaire dudit permis depuis le 20 janvier 2009, devrait démarrer les travaux d’exploitation du gisement en janvier 2011 pour une première production prévue en 2012. « Nonobstant les reports accordés à IMOURAREN SA à sa demande, cette Société n’a jamais honoré ses engagements en dépit des mises en demeure à elle adressées par le Ministère en charge des Mines, le 11 février 2022 puis le 19 mars 2024 », a précise le communiqué du gouvernement publié à l’issue du Conseil. Ainsi, c’est face à tous ces manquements que « l’Etat du Niger a décidé du retrait du permis Imouraren en application des articles 59 et 61 de l’ordonnance n° 93-16 du 02 mars 1993, portant loi minière », explique le Gouvernement nigérien qui annonce que « le périmètre Imouraren fait désormais retour au domaine public de l’Etat ».
La décision était connue depuis la semaine dernière à l’expiration du délai accordé par les autorités nigériennes à la firme française pour la relance de ses activités sur le site, le 19 juin 2024. Dans un communiqué publié dès le 20 juin, l’entreprise française d’exploitation d’uranium Orano, a annoncé prendre acte de la décision des autorités du Niger de retirer à sa filiale Imouraren SA, son permis d’exploitation du gisement, et ce malgré la reprise des activités sur site conformément aux attentes qu’elles avaient exprimées. Dans le communiqué, Orano a saisi l’occasion pour une véritable de Com’ en rappelant qu’elle s’est « toujours inscrite dans une démarche responsable de partenariat et de transparence, agissant en concertation continue avec l’Etat du Niger et les parties prenantes locales, notamment dans le cadre de la feuille de route ambitieuse et de long terme définie dans l’accord global de partenariat signé en mai 2023 ». A cet effet, elle s’est inquiétée de « l’impact négatif qu’aura cette décision de retrait du permis d’exploitation du gisement sur le développement économique, social et sociétal de la région ». Aussi, la multinationale française s’est dit disposée « à maintenir ouverts tous les canaux de communication avec les autorités du Niger sur ce sujet, tout en se réservant le droit de contester la décision de retrait du permis d’exploitation devant les instances judiciaires compétentes, nationales ou internationales ».
Une décision sur fonds de tensions entre Niamey et Paris
Située dans le département d’Arlit, région d’Agadez, les travaux d’exploitation de cette mine géante, l’une des plus importantes du monde pour le métal jaune, étaient sensés démarrés en 2009. Cependant, le début de l’exploitation prévu en en 2022 ont été repoussés à plusieurs reprises d’abord en raison de la catastrophe de Fukushima, au Japon, en 2012, puis par la suite, en raison des prix assez bas du minerai sur les marchés internationaux. Depuis quelques mois, la tendance sur les marchés internationaux s’est inversé et les cours de l’uranium sont repartis à la hausse et conjugué à la menace des nouvelles autorités nigériennes, ORANO s’est mis en devoir de relancer les activités sur le site. « Les conditions actuelles du marché, avec une hausse favorable du cours de l’uranium, permettent d’envisager à nouveau une mise en exploitation d’Imouraren. Tenant compte du contexte, et en réponse à la sollicitation des autorités, Orano avait soumis à l’Etat du Niger une proposition technique concrète permettant cette mise en valeur le plus rapidement possible », a indiqué l’entreprise dans son communiqué de la semaine dernière. A cet effet, indique ORANO dans son communiqué, « les infrastructures ont d'ores et déjà été ré-ouvertes depuis le 4 juin 2024 pour accueillir les équipes de construction et faire avancer les travaux ». Des précautions qui n’ont pas visiblement convaincus les nouvelles autorités militaires de Niamey d’autant qu’elles interviennent en pleine tension diplomatique avec Paris depuis le coup d’état du 23 juillet 2023 qui a vu le renversement du régime de Bazoum Mohamed, allié stratégique de la France au Sahel, par les officiers militaires du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP).
En attendant le dessous des cartes sur un deal entre Niamey et Partis du temps de la « Renaissance » avec la méthode ‘Guri Système »
La décision des autorités nigériennes en pleine tension entre le Niger et la France. Après le départ obtenu des soldats français du Niger, celui des multinationales françaises présentes sur le sol nigérien est certainement dans le collimateur des nouvelles autorités militaires de Niamey malgré leur tentative de s’expliquer. « Engagé depuis plus de 50 ans au Niger, la multinationale française du nucléaire Orano, anciennement Areva, participe avec ses partenaires au travers de ses filiales à la valorisation du potentiel uranifère du pays et au développement des régions du Nord Niger », avait indiqué l’entreprise dans son communiqué. Ce qui n’pas été certainement pas du goût d’une large frange de l’opinion nigérienne comme en atteste l’accueil favorable de cette décision des nouvelles autorités militaires nigériennes qui, à l’instar du ministre des mines, le Commissaire-colonel Abarchi Ousmane (Membre du CNSP), après une visite le mois dernier sur les sites miniers du nord du pays surfe sur la vague de « souveraineté retrouvée » du Niger sur l’exploitation de ses ressources naturelles. « Enfin, la multinationale Orano privée de ce fameux permis pour lequel elle s’est battue, avec toute énergie, depuis 2009. Ce permis sera bientôt sur le marché ; et espérons qu’il sera attribué à une société offrant des meilleures conditions », a par exemple tweeté l’activiste et Secrétaire général d’Alternatives Espaces Citoyens (AEC Niger) ; Moussa Tchangari, pourtant pas tendre avec les militaires au pouvoir. « Orano perd le permis d'Imouraren au Niger par refus d'exploitation alors qu'il le détenait depuis 2012. Ainsi, le Niger a mis en exécution sa menace. Nous espérons que le permis sera remis sur le marché international et octroyé au plus offrant. Il y a aussi la société Goviex qui détient un permis d'exploitation qui date de janvier 2016. Vivement l'application de loi minière et pétrolière. C'est le Niger qui gagne !!! », a aussi commenté sur les réseaux sociaux, Ali Idrissa Nani, DG du groupe privé de presse Labari, acteur de la société civile, et membre du Réseau pour la Transparence Budgétaire au Niger (ROTAB) ainsi que du Collectif Tournons la Page (#TLP).
Une décision sur fonds de rupture diplomatique entre Niamey et Paris
Après la fermeture de la COMINAK en 2021, l’entreprise française dispose encore et certes d’une mine d’uranium dans le nord du pays, la SOMAIR, mais cette décision des autorités nigériennes est certainement à scruter sous l’angle des relations tendues entre Niamey et Paris, depuis les évènements du 26 juillet 2023. Bien que le groupe détenu à 90% par l’Etat français minimise l’impact de la perte de cette mine pour ses approvisionnements, le projet Imouraren c’est, en effet, un énorme gisement de 200.000 tonnes de réserves du métal jaune dont le Niger est l’un des plus importants producteurs mondiaux et fournit près d’un quart de l'approvisionnement en uranium naturel des centrales nucléaires européennes.
Depuis l’annonce de la décision des autorités de Transition, les révélations sur les dessous de cette affaire ne cessent de pulluler dans les médias français. Des révélations sur comment l’ex Areva et ses dirigeants ont pu s’accorder sur des « arrangements » avec l’ancien régime de la « Renaissance » du Président Issoufou Mahamadou, prédécesseur et mentor de Bazoum Mohamed, sur comment le « deal » a été conclu et arrangé durant des années et qui n’a visiblement pas fini de livrer tous ses secrets. Comme le cas de l’achat du Mont Greboun, l’affaire du Jet présidentiel acheté en 2014 sur les fonds versés par l’ex AREVA devenue ORANO, en compensation des pertes fiscales pour le Niger, et qui fait encore et actuellement du bruit dans la presse hexagonale. Comme quoi, les fantômes se réveillent pour le grand bien du peuple nigérien qui pourrait se faire une idée de ce que ses ressources ont servit tout en restant pendant ces années de bonnet d’âne de la planète en matière d’indice mondial de développement humain!