Devenu en moins de 40 ans le 4e producteur mondial d’uranium, le Niger attend toujours de s’enrichir grâce au combustible nucléaire, enjeu principal d’intenses négociations avec le français Areva.
Alors que l’ancienne colonie française reste l’une des nations les plus pauvres au monde - plus de 60% de ses 17 millions d’habitants vivent avec moins d’un dollar par jour -, le Niger a clairement affiché sa volonté d’augmenter la contribution du groupe nucléaire français à son budget.
Les deux parties ont engagé des discussions il y a plus d’un an mais ne sont pas parvenues à un accord avant la fin des précédentes conventions d’extraction de dix ans, survenue le 31 décembre.
Symbole des tensions qui ont marqué les négociations, les syndicats nigériens ont estimé qu’Areva, détenu par l’Etat français à près de 87%, cherchait à faire pression sur Niamey en arrêtant pendant un mois et demi pour maintenance la production de ses deux mines, proches de la ville d’Arlit.
Le ministre des Mines, Omar Hamidou Tchiana, a de son côté posé les bases des exigences du Niger en déclarant à l’automne dernier, lors d’une entretien accordé à Reuters, que la part de l’uranium dans le budget national devrait atteindre "un minimum" de 20% contre 5% en 2012.
Arlit illustre à elle seule le paradoxe du Niger. Alors que plus de 2.000 salariés y vivent dans des résidences confortables, le reste de la ville doit se contenter de chemins de terre et de maisons de fortune.
"Au lieu de montagnes de déchets, nous voulons à Arlit des immeubles, des maisons, des hôpitaux et de l’investissement", a dit Omar Hamidou Tchiana. "Après plus de 40 ans, Areva n’a toujours pas construit de quartier général au Niger."
LA ROUTE DE L’URANIUM
Niamey veut également que le groupe français rénove la "route de l’uranium" entre Tahoua et Arlit, à plus de 1.000 kilomètres au nord de la capitale, et respecte le calendrier de l’ouverture de la mine d’Imouraren, prévue pour 2015.
Areva, présent depuis 40 ans au Niger, exploite l’uranium du nord du pays via deux coentreprises avec l’Etat nigérien, Cominak et Somaïr, pour une production de 4.571 tonnes en 2012.
Premier employeur privé et plus gros exportateur du Niger, Areva a enregistré en 2012 un chiffre d’affaires total de 9,3 milliards d’euros, soit près du double du PIB du pays, mais a accusé des pertes nettes en 2011 et 2012 et affichait une dette de 4,5 milliards d’euros à fin juin 2013.
Selon une source diplomatique haut placée, à Paris, la France n’est pas prête à accorder une forte hausse de la contribution d’Areva au budget du Niger étant donnée la chute des prix de l’uranium, qui atteint près de 70% depuis le pic de 2007.
"Le Niger doit prendre en compte la situation de l’entreprise et la situation sur le marché mondial", estime cette source.
Le prix de l’uranium qui sert de base au calcul des redevances, des taxes et des bénéfices, constitue en effet l’un des points clés de la renégociation des contrats miniers.
Selon le compte-rendu d’une rencontre organisée en 2012, auquel Reuters a eu accès mais que le groupe ne confirme pas, Areva souhaite qu’une formule basée à la fois sur des prix de marché et sur ceux des contrats à long terme soit mise en place.
"NOUS NE POUVONS PAS TOUT FAIRE"
D’autant que le prix fixé au cours des deux dernières années, à 150 dollars le kilo, atteint près du double des prix de marché actuels.
Areva fait en outre valoir qu’il dépense près de six millions d’euros par an dans des projets sanitaires et économique au Niger, et qu’il y a construit ou rénové des écoles.
"Nous contribuons directement au budget à travers les emplois que nous créons et les impôts que nous générons. C’est notre contribution, mais nous ne pouvons pas tout faire", a déclaré à Reuters le président du directoire du groupe, Luc Oursel.
Les termes des précédents accords conclus entre le groupe et le Niger n’ont jamais été rendus publics, mais des documents consultés par Reuters indiquent que le groupe a bénéficié d’exemptions de taxes à l’exportation, ainsi que sur les matériels et équipements, et qu’il a payé une redevance limitée à 5,5% sur sa production d’uranium.
Le gouvernement nigérien du président Mahamadou Issoufou veut ainsi restreindre les exemptions de taxes et augmenter la redevance jusqu’à un taux de 12%.
Cela placerait la redevance appliquée par le pays au-dessus des 5% en vigueur dans la plupart des Etats australiens mais en ligne avec celle de la province canadienne de Saskatchewan (13%).
Le président du Niger connaît bien le dossier. Devenu ingénieur des mines en France, Mahamadou Issoufou a occupé les fonctions de directeur d’exploitation de la mine d’Arlit puis de secrétaire général de la Somaïr, de 1985 à 1991.
Et s’il a connu François Hollande au sein de l’Internationale socialiste, les négociations avec la France constituent pour lui un enjeu majeur avant la prochaine élection présidentielle nigérienne, en 2016.
(Avec Benjamin Mallet pour le service français, édité par Jean-Michel Bélot)