Lancée le 28 juin 2024 à Niamey, la campagne nationale en faveur de l’enregistrement des naissances dénommée « Hakin Yara » (Droit des enfants) se déploie progressivement à travers tout le pays. Au-delà de l’objectif de faire enregistrer un (1) million d’enfants d’ici la fin de l’année, l’initiative mise en œuvre par l’État à travers le ministère de l’Intérieur et en collaboration avec l’UNICEF et l’appui financier de l’UE, vise surtout à mobiliser les communautés et à susciter une véritable prise de conscience pour une déclaration systématique des faits de l'état civil, dont l'enregistrement des enfants dans les délais légaux. Ainsi, en facilitant l'accès aux services d’état civil et en engageant les populations, le gouvernement et ses partenaires s'engagent à bâtir un avenir où chaque enfant est reconnu et protégé dès sa naissance.
« L’acte de naissance, c’est bien plus qu'un simple papier, c'est la preuve de l'identité pour chaque enfant, et aujourd’hui, sans acte de naissance, on ne peut pratiquement rien faire au quotidien ! » Illiassou M., la soixantaine bien entamée et père de huit (08) enfants, est catégorique : tous ses enfants ont été déclarés dès leur naissance, ce qui leur a permis de disposer des autres papiers comme la nationalité. « C’est une nécessité de déclarer son enfant dès sa naissance puisqu’après, comme c’est le cas pour ceux de notre génération, il faut tout un parcours du combattant pour pouvoir se procurer le fameux sésame quand on en a besoin et on finira tôt ou tard par en avoir besoin », poursuit-il, tout en rappelant que du fait qu’il était né et avait grandi au village, c’est bien après qu’il a pu se faire établir un jugement supplétif pour son inscription à l’école.
Assis à ses côtés, Mahadi S., son ami de Fada du quartier Yantala de Niamey, s’étonne même qu’on puisse à l’époque actuelle discuter de la nécessité de déclarer son enfant après sa naissance, surtout dans les centres urbains. « L’acte de naissance, c’est la base puisque c’est avec ça qu’on peut établir par la suite tous les autres papiers nécessaires comme la nationalité et surtout la carte d’identité sans laquelle aujourd’hui on ne peut même pas voyager », explique-t-il. « Sauf peut-être dans les villages ou dans le cas des enfants nés dans des familles très pauvres, je suis convaincu que chaque parent sait l’utilité de l’acte de naissance pour son enfant et donc son devoir de lui établir son acte de naissance dès son entrée dans la vie », affirme Mahadi qui se préparait à siroter le thé qu’il a préparé et qu’il s’apprête à distribuer aux amis de la Fada.
Si Illiassou et son ami Mahadi sont aujourd’hui plus que convaincus de l’importance de la déclaration de naissance dans les délais, un droit pour chaque enfant, cela n’a toujours pas été le cas au Niger. À une certaine époque, pour diverses raisons notamment l’absence de services d’état civil ou de centres de santé dans le pays, il fallait se trouver dans le besoin pour chercher à établir le fameux sésame. Illiassou s’en souvient d’ailleurs. « C’était un véritable parcours du combattant pour obtenir un jugement supplétif tenant lieu d’acte de naissance. Il fallait attendre les audiences foraines qui n’étaient pas régulières et surtout faire plusieurs allers-retours au Tribunal avec tout le temps perdu et surtout l’argent dépensé car il fallait se déplacer à chaque fois du village au chef-lieu du département pour voir le juge », se rappelle-t-il.
La déclaration des naissances, un droit pour chaque enfant que l’État et les communautés doivent garantir
Au Niger, en 2009, deux enfants sur trois (2/3) n'étaient pas enregistrés à leur naissance. Conscient des enjeux pour chaque État, le gouvernement s’est engagé dans un vaste et ambitieux programme d’amélioration de son système d’état civil à travers plusieurs réformes juridiques et diverses initiatives pour faciliter l’accès aux services d’état civil dans tout le pays. Avec l’appui de partenaires notamment l’UNICEF et l’Union européenne (UE), cette stratégie a permis en une décennie d’enregistrer des résultats significatifs notamment pour ce qui est de l’enregistrement des naissances.
Depuis 2017, en effet, sous la direction du Ministère de l’Intérieur et avec le soutien financier de l’UE, un Programme d’Appui à la Réforme de l’État Civil (PAREC) a été mis en œuvre pour soutenir la modernisation du système d’enregistrement d’état civil au Niger, pour un montant de 9,8 millions d’euros. La stratégie du PAREC se concentre principalement sur trois éléments : la révision des textes, politiques et lois sur l’état civil au Niger ; l’informatisation et la numérisation du système d’état civil ; et enfin, la communication pour la mobilisation sociale et l’engagement communautaire en faveur de l’enregistrement des faits d’état civil. « Afin de permettre aux populations d’enregistrer leurs faits d’état civil, les délais d’enregistrement des naissances, mariages, décès, divorces et répudiations ont été rehaussés à 60 jours grâce à une réforme, quel que soit le centre de déclaration ou la nature de l’événement. De plus, tous les centres de santé publics et privés, ainsi que les villages, quartiers et tribus, deviennent désormais des centres de déclaration des faits d’état civil, afin de rapprocher suffisamment les services des populations », explique-t-on à la Direction de l’État civil, des Migrations et des Réfugiés (DGEC/M/R), du Ministère de l’Intérieur, qui assure le suivi régulier des indicateurs de déclaration et d'enregistrement des faits de l'état civil au Niger.
Dans le domaine de l'enregistrement des déclarations de naissance, la mise en œuvre du PAREC a permis de réaliser des progrès notables. À titre illustratif, depuis 2023, 100 communes des 8 Régions du pays ont été informatisées et plus de 3,5 millions d’enfants ont été enregistrés dans le délai depuis 2017. Aussi, 8500 villages ont été couverts par les actions de communication de proximité avec 500 personnes sensibilisées sur l'importance des actes de l'état civil, plus de 14 000 centres de déclaration des villages et formations sanitaires sont opérationnels et enregistrent les déclarations des actes de naissance grâce à la formation de 9 500 agents et 688 officiers de l'état civil ainsi que 98 magistrats et greffiers qui ont été formés sur les nouveaux textes de l'état civil.
En 2023 et grâce à ces efforts de l’État et de ses partenaires, 64 % des enfants ont leurs actes de naissance. Mais malgré ces avancées significatives, les efforts se poursuivront pour garantir que chaque enfant ait son acte de naissance. Ils sont nombreux à ne pas en disposer même dans la capitale. C’est le cas d'Aminou, 14 ans, qui n’a jamais mis pied à l’école. « Suite à la mort de mon père au village, j’ai été envoyé ici à Niamey chez ma grand-mère chez qui je vis actuellement. Je n’ai pas été à l’école donc je ne sais pas si j’ai un papier comme ça. Je connais mon nom comme tout le monde et celui de mes parents mais on m’a jusque-là rien demandé comme papier pour prouver mon identité », raconte-t-il alors qu’il rejoignait ses potes à la place publique du rond-point Gadafawa où il a ses habitudes. Cependant, il sait qu’il doit faire une carte d’identité mais il ne sait pas encore comment. « Il y a la patrouille des policiers qui chaque fois vous interpelle si vous n’avez pas votre carte d’identité et bientôt je ne serai plus un enfant donc je risque de me retrouver en prison. La carte j’en ai aussi besoin car c’est avec ça qu’on fait le retrait d’argent », ajoute notre jeune interlocuteur. Lorsque nous lui demandons s’il a un acte de naissance sans lequel il ne peut pas obtenir de carte d’identité, il écarquille les yeux et à l’évidence, il ignore ce que c’est.
Campagne nationale « Hakin Yara », une lueur d’espoir pour l’enregistrement systématique des enfants au Niger
En 2024, selon les estimations, il est attendu 1.254.000 naissances au Niger. Dans le cadre des actions qui sont désormais menées chaque année pour un enregistrement exhaustif des naissances, le gouvernement et l'UNICEF envisagent d'atteindre un taux d'enregistrement de 87% des naissances à travers une vaste campagne nationale qui s’étalera jusqu'à la fin de l’année. La campagne nationale d’enregistrement des naissances « Hakin Yara » (droit des enfants) a été lancée le 28 juin dernier à Niamey et se déploie progressivement dans le pays. L’objectif est de déclarer et d’enregistrer au moins un (1) million d'enfants à l'état civil en 2024 et de délivrer également au moins un (1) million d'actes de naissance des enfants pour la même période.
Au-delà de ces objectifs à court terme, la campagne « Hakin Yara » vise à susciter une prise de conscience pour une déclaration systématique des faits de l'état civil dont l'enregistrement des enfants dans un délai de 60 jours à partir de la naissance. « À l’UNICEF, notre objectif est d'assister le gouvernement du Niger à réaliser l'enregistrement universel des naissances pour tous les enfants de moins de 5 ans d'ici 2030, conformément aux Objectifs de développement durable des Nations Unies », a déclaré, lors du lancement de la Campagne nationale, Madame Djanabou Mahonde, Représentante de l’UNICEF au Niger, qui n’a pas manqué, à l’occasion, d'exprimer sa profonde gratitude au Gouvernement du Niger pour avoir placé l’intérêt de la réforme de l’état civil et, en particulier, l’enregistrement des naissances, comme une priorité de l’agenda politique et social. En effet, a-t-elle rappelé, « C’est en enregistrant sa naissance que la société reconnaît pour la première fois l’existence et l’identité d’un enfant. Le droit d’être reconnu comme une personne par la loi est crucial pour bénéficier d’une protection tout au long de la vie, et constitue une condition préalable à l’exercice de tous les autres droits, tels que l'éducation, les soins de santé et les opportunités économiques. L’acte de naissance est la preuve de cette identité juridique ».
Des initiatives pour susciter une prise de conscience des populations sur l’importance de l’enregistrement des naissances
Ainsi, dans le cadre de cette campagne, et tout au long de l’année, plusieurs activités seront mises en œuvre dans les huit régions du pays. Il s’agit notamment des dialogues communautaires, des audiences foraines, des débats et diffusions de messages de sensibilisation sur les médias publics et privés, des campagnes digitales et bien d’autres activités innovantes. Pour créer une masse critique d'effet, par exemple, des zones d'intervention ont été ciblées afin de réaliser des actions spécifiques de mobilisation sociale pour un changement de comportement. Il s'agit de 20 communes dans quatre (04) régions du pays qui enregistrent le plus faible taux en matière d’enregistrement des naissances des enfants (Dosso, Maradi, Tahoua et Zinder).
L’initiative, en plus de la mobilisation sociale pour la déclaration des faits de l'état civil dont les naissances en particulier, mettra également l'accent sur la délivrance des actes de naissance aux enfants.
À travers cette initiative de mobilisation sociale, il s’agit de susciter une véritable prise de conscience pour une déclaration systématique des faits de l'état civil dont l'enregistrement des enfants dans les délais légaux. Cela va permettre au Niger, avec l’appui de ses partenaires, d’atteindre ses Objectifs de Développement Durable (ODD 2030), notamment l'indicateur 16.9 : « garantir à tous une identité juridique, notamment grâce à l'enregistrement des naissances ».
Être enregistré dès sa naissance, c’est un droit fondamental pour chaque enfant !