Elle a posé sur ses genoux un cahier sur lequel elle a noté ce qui lui tient à coeur de raconter.
Hua, prostituée chinoise à Belleville parle de la précarité, de la maladie, et de la peur qui la
tenaille, générée par la présence policière à l’approche des JO de Paris.
Hua (prénom modifié) a 55 ans. Divorcée, en grandes dificultés financières, elle explique
avoir quitté la Chine il y a un peu plus de sept ans pour venir en France, convaincue par des
amis lui assurant qu’elle pourrait gagner 2.000 euros par mois en tant que femme de ménage.
Son quotidien est aujourd’hui celui des "marcheuses de Belleville", ces femmes en grande
majorité quinquagénaires ou sexagénaires venues du nord-est de la Chine qui attendent le
client dans la rue en ne restant jamais statiques.
Chaque semaine, Hua trouve soutien et réconfort auprès des bénévoles du Lotus Bus, un
programme de Médecins du Monde de promotion de la santé et des droits des travailleuses
du sexe chinoises à Paris, créé en 2004.
Dans un local proche de leur lieu de travail, Hua et des dizaines d’autres femmes viennent
chercher une par une des préservatifs. Certaines demandent à se faire palper par une interne
bénévole pour détecter un éventuel cancer du sein.
- "Sous pression" -
Et une question les obnubile: "Que va-t-il-se passer pour nous avec les Jeux olympiques ?"
"Je me sens vraiment sous pression, j’ai peur constamment. Tous les jours, des policiers
contrôlent les identités. Il n’y en avait pas autant avant. Maintenant, c’est tout le temps, des policiers en uniforme, en civil, des voitures qui patrouillent. Alors je sors de moins en moins
pour travailler", raconte Hua, en situation irrégulière, comme 80% des prostituées chinoises,
selon l’association les Roses d’acier.
"J’ai tellement peur de me faire arrêter que je ne travaillerai pas dans la rue à Paris pendant
les Jeux olympiques. Si on m’arrête, on me renverra en Chine et on ne me soignera pas làbas", dit-elle avec tristesse, alors qu’elle a subi deux interventions chirurgicales et une
chimiothérapie pour soigner un cancer du sein.
"Je ne comprends pas. On ne fait de mal à personne. On n’embête pas les gens, on se tient
debout, juste là, pour travailler", soufle Hua, en larmes après avoir témoigné auprès de l’AFP.
Min (prénom modifié) indique avoir déjà été arrêtée trois fois en 11 ans passés en France.
Prostituée mais aussi bénévole pour le Lotus Bus, elle a été arrêtée récemment alors qu’elle
se rendait au local du programme.
"Cette fois, j’ai passé une journée dans un centre de rétention, ça m’a bouleversée. J’étais
morte de peur. Comme j’ai fait une demande de régularisation, la police m’a laissée sortir",
afirme Min.
"Maintenant quand je vois la police, je pars en courant chez moi et je n’en bouge plus
pendant longtemps. Ils n’arrêtent que nous, les Chinoises. Mais comment voulez-vous que je
m’en sorte ? Je dois continuer à travailler pour vivre, j’ai toujours mon loyer à payer,
l’électricité", soufle cette mère d’un enfant, suppliant qu’on ne la renvoie pas en Chine.
- "Pas d’argent" -
Ces femmes vivent le plus souvent dans des appartements dortoirs d’une dizaine de
personnes, "des cabanes faites de palettes telle une mezzanine avec un rideau, qu’elles
payent chacune 300 euros par mois" d’après une source policière.
Il est arrivé à Hua d’avoir des clients ne payant que 20 euros la prestation (contre 30
habituellement). "Ils ont l’air gentil, mais ils n’ont pas d’argent. Mais moi non plus, je n’ai pas
d’argent et j’en ai besoin pour vivre", déplore-t-elle.
Sarah-Marie Mafesoli, référente sur le travail du sexe chez Médecins du monde, alerte sur "un
nettoyage" et pointe des "répressions policières accrues dans un contexte de gentrification".
"Avec les actions policières dissuasives mises en place pour accueillir les Jeux, les Chinoises
de Belleville sont obligées de travailler plus en amont (des JO), ce qui les expose à davantage
de risques", avance-t-elle.
Interrogée par l’AFP, l’adjointe à la santé à la Mairie de Paris, Anne-Claire Boux réfute vouloir
essayer "d’invisibiliser les travailleurs du sexe". "Il n’est pas question de faire du nettoyage
social pendant les JOP", assure-t-elle.