Le 28 juin 2024, le Gouvernement du Niger, en collaboration avec des partenaires techniques et financiers comme l’Union Européenne et l’UNICEF, a lancé une campagne nationale déterminante pour l’enregistrement de l’état civil. Cette opération ambitieuse vise à enregistrer les naissances de plus d’un million d’enfants de moins de cinq ans d’ici la fin de l’année. L'enregistrement des faits de l'état civil est essentiel pour la reconnaissance juridique des individus, leur documentation et la garantie de leurs droits. Il permet également de produire des statistiques démographiques fiables, cruciales pour une planification efficace des politiques publiques. Le Niger, engagé dans les Objectifs de Développement Durable 2030, s’efforce de renforcer le système d’état civil depuis 2019, avec l’appui de l’UNICEF à travers des initiatives telles que le programme Hakin Yara. Ce reportage se penche sur le fonctionnement des centres de délivrance des actes d’état civil, le rôle des chefs de village, et l'impact de la campagne Hakin Yara.
L'enregistrement des faits de l'état civil est fondamental pour la reconnaissance juridique, les liens familiaux, la nationalité et les droits des individus. Il joue également un rôle crucial dans la production de statistiques démographiques, essentielles pour la planification des politiques publiques.
Le Niger est engagé à atteindre l'indicateur 16.9 des Objectifs de Développement Durable, qui vise à garantir une identité juridique pour tous, en particulier grâce à l'enregistrement des naissances. Depuis 2019, des efforts importants ont été déployés pour améliorer le cadre juridique et politique de l'état civil, avec le soutien de partenaires techniques et financiers.
Dans ce cadre, l'initiative Hakin Yara a été mise en place pour améliorer le taux d'enregistrement des naissances et délivrer les actes de naissance dans les délais légaux. Pour sensibiliser la population à l'importance de ces démarches, des outils de communication visuels, audio et vidéo ont été conçus et traduits en six langues nationales. Parallèlement, la mise en œuvre du programme d'appui a permis l'opérationnalisation du registre national de l'état civil, facilitant son intégration avec d'autres systèmes d'identification.
Au cœur de cette transformation, le centre de délivrance des actes d’état civil joue un rôle central. Le centre de la commune II de Niamey, par exemple, fonctionne avec une équipe dédiée qui gère les demandes de déclaration de naissance. Le personnel est composé de secrétaires d’état civil, d’agents d’enregistrement, et de responsables de la délivrance des actes. Chaque jour, ils traitent les demandes, mettent à jour les registres, et délivrent les actes nécessaires aux familles.
Le centre est organisé pour optimiser le traitement des demandes. Les parents viennent déposer leurs documents, et les agents vérifient les informations avant de les inscrire dans le système informatique. Le centre est équipé de matériel moderne permettant une gestion efficace et sécurisée des données.
Au centre d’état civil de la commune II de Niamey, Mohamadou Siddikou, Chef service a détaillé les responsabilités quotidiennes de son travail. Il a souligné, entre autres, les processus de traitement et de délivrance des actes de l’état civil et leur importance cruciale. Selon lui, les données démographiques reposent sur les faits d’état civil. Les prévisions de l'État sont systématiquement basées sur ces faits. Pour obtenir des statistiques fiables, il est essentiel que chaque personne soit correctement identifiée. D’où l'importance de déclarer les faits d’état civil dans les délais impartis.
Le Chef de service a précisé que les déclarations sont gratuites au Niger jusqu'à la délivrance des actes. « Nous avons un délai de 60 jours pour la déclaration. Une fois l’enfant né à la maternité, les parents ont 60 jours pour le déclarer. Même si la naissance a lieu à domicile, les parents peuvent toujours procéder à la déclaration de l’enfant », a-t-il expliqué.
Il a également attiré l'attention des parents sur la nécessité de respecter ces délais. « Lorsque les délais sont dépassés, les services d’état civil ne sont plus compétents. Dans ce cas, les parents doivent se rendre au tribunal communal, accompagnés de témoins, pour faire la déclaration. Une fois la déclaration établie, ils doivent nous la transmettre pour que nous puissions la transcrire et délivrer les actes. L’état civil reste impliqué dans le processus. Il est préférable de déclarer dans les délais pour éviter des amendes, qui varient de 1000 à 10 000 F CFA. J’encourage donc vivement les parents à déclarer leurs enfants à temps », a-t-il ajouté.
Comme les centres secondaires, le service d’état civil de la commune II de Niamey fait face à des défis. « Certains parents vulnérables n’ont pas les moyens de payer les amendes au tribunal. Il y a également des parents qui ne déclarent pas les naissances, et lorsqu’ils viennent, il est difficile de leur faire comprendre l’importance de cette démarche. Jusqu’à présent, certains ignorent l’existence des services d’état civil et des centres de déclaration. Malgré les nombreuses améliorations, notamment l’informatisation du système, ces problèmes persistent. À partir de la déclaration, toutes les informations sont saisies dans le système informatique, ce qui est également le cas dans tous les centres d’état civil », a conclu M. Siddikou.
Les familles qui ont récemment obtenu des actes de naissance partagent leurs expériences. Fatoumata, une mère de trois enfants, se réjouit des améliorations apportées par la campagne. « C’est la première fois que je vois un tel niveau d’organisation. Avant, il était très compliqué d’obtenir les actes de naissance, mais maintenant, tout est plus simple et rapide. Nous avons reçu les documents de mes enfants sans difficulté », raconte-t-elle.
Cependant, certains parents expriment des préoccupations. Moussa, un père de famille, indique : « Bien que le processus soit amélioré, il y a encore des défis, surtout pour ceux qui vivent loin des centres. Le temps et les coûts liés aux déplacements restent un obstacle pour beaucoup d’entre nous. »
À Tondikoirey, un village rattaché au 1er arrondissement de Niamey, la campagne nationale est en pleine effervescence ce mois de juillet. Le chef de village et son assistante collaborent activement pour garantir le succès de l'opération.
Madame Oumoulker Soumana Diori, secrétaire d’état civil de Tondikoirey, explique qu'elle reçoit les parents venus déclarer les naissances de leurs enfants. Selon elle, ce sont principalement les femmes qui se rendent au centre secondaire d’enregistrement, situé à l’avant de la résidence du chef du village. Cette forte présence féminine est le fruit des campagnes de sensibilisation menées dans le cadre de cette initiative nationale, précise l'agent.
Cependant, Madame Diori exprime sa préoccupation face à la réticence de certaines mères à enregistrer les naissances de leurs bébés. « Je ne comprends pas pourquoi certaines femmes ne viennent pas malgré les appels lancés par le chef du village ». Pourtant déplore-t-elle, « c’est le chef de village qui apporte les extraits de naissance, et les femmes se contentent de venir les récupérer ».
Sur place, le chef de village de Tondikoirey, Hamani Abdou Djibo, a souligné le rôle crucial des autorités coutumières dans le succès de la campagne nationale sur l’état civil. « Après l’installation du centre, nous avons rassemblé la population pour expliquer l'importance de la déclaration de naissance. Nous leur avons précisé qu’ils ont un délai allant du jour de la naissance jusqu’au 40ème jour pour effectuer cette déclaration auprès du chef de village, où un commis est chargé de recueillir les informations nécessaires. »
L'autorité coutumière a également ajouté : « La sensibilisation que nous avons menée facilitera l'inscription des enfants à l'école lors de la prochaine rentrée scolaire, avec leurs pièces d’état civil en règle. Auparavant, il fallait souvent attendre 3 à 4 ans pour que l'élève puisse obtenir son extrait de naissance au moment des examens. Désormais, dès l'inscription à l'école coranique ou à l’école occidentale, l'enfant reçoit déjà son extrait de naissance. »
Le chef du village a également évoqué les défis auxquels ils sont confrontés en tant qu'auxiliaires de l’administration publique. Le Chef de village a noté que les déplacements vers Niamey sont compliqués en raison des distances et des coûts associés, et que les délais dans la délivrance des actes peuvent engendrer des frustrations parmi les familles. Il a appelé le gouvernement à fournir un soutien supplémentaire pour améliorer ces aspects. « Nous faisons face à plusieurs défis. Chaque semaine, j’achemine des documents au centre, et l'agent de l’état civil établit tous les extraits de naissance dans les délais impartis, ce pour quoi je le salue. Cependant, les agents des centres secondaires de déclaration des naissances travaillent souvent sur une base bénévole. Je lance un appel au gouvernement pour qu’il apporte son soutien. Le trajet entre notre village et Niamey est de 13 kilomètres, nécessitant un véhicule pour se rendre au centre de la commune I. Nous avons besoin de matériel informatique pour notre centre secondaire. Par ailleurs, nous avons reçu un terrain pour la construction d’une maternité, mais les travaux n’ont pas encore commencé. Nous attendons également la création d’un centre de santé de type 2. Nous sommes en difficulté sur ce plan », a conclu Hamani Abdou Djibo.
La campagne Hakin Yara vise principalement à déclarer et enregistrer au moins un million d’enfants en 2024. Pour atteindre cet objectif, elle se concentre sur plusieurs objectifs spécifiques : susciter une prise de conscience quant à l'importance de déclarer les naissances dans les 60 jours suivant l’accouchement, enregistrer et délivrer un million d’actes de naissance, et atteindre un taux d’enregistrement de 87%.
Depuis 2023, 100 communes ont été informatisées grâce à ce projet, et plus de 3 633 117 enfants ont été enregistrés depuis 2017. La campagne a sensibilisé 8 500 villages et 1 249 500 personnes, et 13 913 centres de déclaration sont désormais opérationnels. La formation a bénéficié à 9 500 agents de l'état civil et à 688 officiers de l'état civil, magistrats et greffiers. La déclaration et l'enregistrement des naissances dans les délais de 60 jours sont gratuits, et le délai est prolongé à 6 mois en situation d'urgence.
Pour renforcer encore le système d’enregistrement des naissances, plusieurs initiatives sont en cours. La mise en place de nouveaux outils technologiques, l’amélioration des centres de déclaration, et la poursuite des campagnes de sensibilisation sont au programme. L’UNICEF et la DGECMR continuent de travailler sur des plans pour étendre l’accès aux services d’état civil et améliorer leur efficacité.
Pour maximiser l'impact de la campagne, 20 communes réparties sur quatre régions ont été ciblées : dans la région de Dosso, les communes de Boboye, Sambera, Dogondoutchi, Tounouga, et Loga ; dans la région de Maradi, les communes de Tchadoua, Adjékoria, Dan Issa Mayahi, et Tessaoua ; dans la région de Tahoua, les communes de Kalfou, Sabon Guida, Keita, Badaguichiri, et Bouza ; et dans la région de Zinder, les communes de Gouré, Dungass, Matameye, Wacha, et Mirriah.
Bien que des défis persistent, les efforts coordonnés des autorités locales, des partenaires techniques et financiers, et des campagnes de sensibilisation, promettent une avancée significative dans la révolution de l’état civil au Niger. Avec un objectif ambitieux d’enregistrer un million d’enfants cette année, le Niger s'engage à garantir que chaque citoyen bénéficie de ses droits essentiels dès la naissance.