L'ONG « Ensemble Main dans la Main Niger-Russie » (EMMNR) a organisé samedi 31 Août 2024 à l'hôtel Radisson Blu de Niamey, une table ronde axée sur le thème crucial de l'« Indépendance énergétique des pays du Sahel ». Bien que ces nations célèbrent plus de soixante ans d’indépendance, elles continuent de dépendre largement de sources énergétiques externes, malgré leurs vastes potentiels inexploités tels que l'eau, le vent, le soleil et l'uranium. Cet événement visait à explorer en profondeur cette problématique et à proposer des solutions concrètes pour permettre aux pays sahéliens d'atteindre une autonomie énergétique durable.
Les objectifs spécifiques de cette rencontre, qui a réuni près de 300 participants, dont un représentant du ministère de l'Énergie, un représentant de la Haute Autorité de l'Énergie, ainsi que des étudiants, des cadres et des acteurs de la société civile de tous âges, étaient de sensibiliser les décideurs politiques à l'importance de l'indépendance énergétique pour leurs pays. La rencontre visait également à rassembler scientifiques, intellectuels et hommes politiques pour élaborer des stratégies communes en vue d'atteindre cette souveraineté énergétique, développer des solutions pour coordonner les efforts des pays sahéliens face à leur dépendance énergétique, et rédiger un rapport général avec des résolutions pour aider les États sahéliens à surmonter les conséquences néfastes de cette dépendance sur leur économie.
Il est inconcevable que, malgré leur richesse en ressources énergétiques, les pays du Sahel restent en retard dans le secteur stratégique. En effet, les pays du Sahel disposent de nombreux potentiels énergétiques inexploités, notamment l'eau, le vent, le soleil et même l'uranium. Ces ressources pourraient être des leviers majeurs pour produire de l’énergie de qualité et en quantité suffisante, mais leur utilisation reste encore sous-développée.
La table ronde internationale sur l’indépendance énergétique des pays du Sahel a démarré par le mot de bienvenue de M. Adamou Garba Daouda, Secrétaire national et chargé des relations extérieures de l'ONG "Main dans la Main, Ensemble Niger Russie" (EMMNR). Dans son allocution, il a exprimé sa joie et son honneur d’accueillir les participants à cet événement crucial. « C'est avec plaisir et honneur que je prends la parole au nom des organisateurs de la table ronde internationale dont le thème général est : l’indépendance énergétique des pays du Sahel, pour vous souhaiter la plus cordiale des bienvenues », a-t-il déclaré.
Il a chaleureusement remercié le comité d'organisation pour le travail remarquable accompli, tout en saluant la participation des éminents panélistes qui ont accepté de partager leur expertise sur la délicate problématique de l'indépendance énergétique des pays de l'AES. Selon lui, ces échanges visent à dégager des pistes de solutions pour atteindre cette autonomie énergétique, indispensable pour le développement de ces nations sahéliennes.
M. Adamou Garba Daouda a également présenté les objectifs de l'ONG EMMNR, une association récemment créée en mai 2024, qui œuvre pour le rapprochement entre les peuples nigérien et russe à travers divers domaines tels que la culture, la science, l'éducation, et le développement. Il a souligné les premières réalisations de l'ONG, notamment des actions humanitaires, des formations, et l'organisation de plusieurs événements internationaux. Il a conclu en réaffirmant l'engagement de l'ONG à œuvrer pour le développement mutuel et le renforcement des liens d'amitié entre le Niger et la Russie.
Prenant la parole en premier, Dr Bationo Bazongbié Hassane, invité du Burkina Faso et Porte-parole de la Coalition Nationale Pour le FASO, a captivé l’audience avec une présentation poignante sur les ressources et les défis énergétiques de la région. Il a commencé en évoquant la richesse du sol africain, qui a historiquement contribué à l’humanité et à diverses initiatives. Selon lui, ce sol est la clé pour relancer l’Afrique et vaincre les maux qui la frappent, y compris le terrorisme, soulignant l'engagement résolu du Niger, du Burkina Faso, du Mali et de l’ensemble de l'AES dans cette lutte. Il a également rendu hommage aux victimes du terrorisme et des récentes inondations, exprimant ses vœux de rétablissement aux blessés et de protection divine pour ceux qui cherchent un abri.
Abordant la question centrale de l'indépendance énergétique, Dr Hassane a affirmé que le Burkina Faso possède les ressources nécessaires pour atteindre cette autonomie. Il a décrit de manière frappante la manière dont le soleil, bien que source d'énergie inexploitée, a causé des pertes de vies humaines et des difficultés économiques majeures dans son pays. Le manque d'infrastructures pour exploiter cette énergie a forcé la population à se tourner vers des solutions coûteuses, telles que l'achat et la location de groupes électrogènes, un fardeau financier pour un État qui n’a pas suffisamment investi dans le secteur énergétique.
Dr Hassane a également souligné le potentiel inexploité des barrages hydroélectriques au Burkina Faso. Il a rappelé l’héritage de Thomas Sankara, qui avait creusé 32 barrages à mains nues, malgré le refus de financement de la Banque mondiale, un projet qui aurait pu permettre au Burkina Faso d'atteindre l’autosuffisance énergétique. Cependant, il a noté que les trois barrages hydroélectriques existants sont sous-exploités et insuffisants pour répondre aux besoins énergétiques du pays, malgré une capacité théorique de 3 à 10 MW.
Concluant son intervention, Dr Hassane a insisté sur le fait que le Burkina Faso et l’ensemble des pays du Sahel ont été généreusement bénis par Dieu en termes de ressources naturelles. Cependant, il a déploré l'incapacité des dirigeants à reconnaître l’existence d’un problème énergétique et à prendre les mesures politiques nécessaires pour le résoudre.
Dr. Attoumane Kosso, Enseignant chercheur à l’Ecole des Mines, de l’Industrie et de la Géologie (EMIG) a pris la parole pour détailler les immenses potentiels énergétiques du Niger, répartis en trois groupes : énergies fossiles, fissiles et renouvelables.
Concernant les énergies fossiles, Dr Kosso a souligné que le Niger possède des ressources significatives en énergies fossiles, notamment plus de 90 millions de tonnes de charbon récemment découvertes entre Sakadama et Tchirozerine. Il a également mentionné que l'exploitation du pétrole, commencée en 2011, n'en est qu'à ses débuts, tout comme le gaz naturel. Il a insisté sur le fait que ces ressources, bien que précieuses, sont encore largement inexploitées.
En ce qui concerne les énergies fissiles, Dr Kosso a rappelé que le Niger est l'un des principaux producteurs mondiaux d'uranium, avec des gisements importants comme ceux de la Somaïr et d'Imouraren. Il a ajouté que le Niger pourrait potentiellement développer une centrale nucléaire grâce à ses riches réserves d'uranium.
Dr Kosso a ensuite abordé les énergies renouvelables, en soulignant quatre sources principales : l'hydraulique, la biomasse, le vent, et le solaire. Il a mentionné le barrage de Kandadji comme un exemple d'infrastructure hydraulique capable de produire de l'électricité, tout en notant que d'autres barrages et retenues d'eau pourraient être développés pour exploiter le potentiel hydrique du Niger.
Il a également discuté de la biomasse, utilisée principalement comme bois de chauffe et combustible dans certaines régions, mais qui pourrait être convertie en électricité. Concernant l'énergie éolienne, il a noté que certaines zones du Niger bénéficient de vents assez forts pour produire de l'électricité, bien que cela reste à une échelle modeste.
Enfin, Dr Kosso a évoqué le potentiel énorme de l'énergie solaire au Niger, décrivant le soleil comme une "bénédiction" pour le pays. Il a fait référence au solaire thermique, utilisé pour la cuisson et le chauffage, ainsi qu'au photovoltaïque, qui commence à se développer. Il a également souligné que le Niger possède la silice nécessaire à la fabrication de panneaux solaires, renforçant l'idée que le pays pourrait non seulement exploiter l'énergie solaire, mais aussi produire ses propres équipements.
Pr Boureima Seibou, Enseignant-Chercheur à l’EMIG a approfondi le sujet en expliquant que l'uranium est un élément clé pour les pays du Sahel, notamment le Niger, le Burkina Faso et le Mali. Il a rappelé que des recherches ont confirmé l'existence de réserves significatives d'uranium dans ces trois pays, ouvrant ainsi la possibilité de produire de l'électricité à partir de l'énergie nucléaire. Il a insisté sur le fait que l'uranium seul pourrait suffire à assurer l'indépendance énergétique des États du Sahel, en permettant de produire une quantité d'énergie suffisante pour répondre aux besoins croissants de la région.
Pr Seibou a également évoqué le potentiel de l'hydroélectricité, souvent sous-estimé dans les pays du Sahel en raison des faibles précipitations. Cependant, il a affirmé que des études ont montré que, même en dehors du barrage de Kandadji, des sites comme la zone de Namargou pourraient permettre de produire jusqu'à 600 MW d'électricité. Il a exhorté les dirigeants et les jeunes à se mobiliser pour exploiter pleinement ce potentiel.
En ce qui concerne l'énergie issue du charbon, Pr Seibou a rappelé que le Niger avait déjà commencé à exploiter cette ressource avec la centrale de Sonichar, mais que le développement de l'énergie charbonnière n'a pas encore atteint son plein potentiel. Les réserves de charbon à Sakadamna, estimées à 90 millions de tonnes, pourraient permettre de produire jusqu'à 600 MW d'électricité, répondant ainsi aux besoins énergétiques croissants du pays.
Il a conclu son intervention en soulignant que le Sahel, bien que souvent considéré comme une région défavorisée, possède un potentiel énergétique immense qui doit être exploité. Il a lancé un appel aux jeunes pour qu'ils jouent un rôle actif dans la mise en œuvre de solutions énergétiques durables pour l'avenir.
Dr. Soumeila Seydou, Enseignant -Chercheur à l'UAM (École Normale Supérieure) a décrit les bassins de Taoudéni, du Tchad, et du massif de l'Aïr, en soulignant l'héritage colonial et les tensions liées à l'exploitation des ressources minérales. Dr. Seydou a pointé du doigt le manque d'initiative des pays sahéliens dans les découvertes minérales, avec une dépendance historique vis-à-vis des puissances coloniales. Il a aussi critiqué l'investissement insuffisant des États par rapport aux multinationales, mettant en lumière les défis de l'exploitation effective des ressources.
Dr Soumeila Seydou a fourni une analyse géopolitique en explorant les bassins minéralogiques du Sahel, en se concentrant sur les différentes provinces minéralogiques qui traversent cette région. Il a détaillé la géographie de ces bassins, allant du bassin de Taoudéni au nord-ouest du Mali jusqu'au sud-est de la Mauritanie, et se prolongeant jusqu'au nord-ouest du Niger, puis plus à l'est avec le bassin tchadien qui couvre l'est du Niger et le nord du Tchad. Il a également mentionné le bassin de TimMersoi dans le massif de l'Aïr qui s'étend jusqu'au sud de l'Algérie.
En tant qu’historien, Dr Seydou a jugé nécessaire de faire une analyse géopolitique de cet espace, qui a suscité l'intérêt de plusieurs puissances, notamment l'ancienne puissance coloniale française, depuis les années 1950. Il a expliqué que cette dernière avait érigé cette région en "Sahara français" par décret le 10 janvier 1957, dans le but de s'assurer le contrôle exclusif des ressources minérales de la région, ce qui a marqué le début de la descente aux enfers pour les pays concernés.
Les recherches menées dans ces provinces minéralogiques ont permis de quantifier le potentiel énorme en ressources naturelles, notamment plus d'une centaine de milliards de barils de pétrole, plus de 200 milliards de mètres cubes de gaz, et des centaines de millions de tonnes d'uranium. Dr Seydou a rappelé que ces découvertes n'ont pas été initiées par les pays de la région eux-mêmes, mais par les puissances extérieures qui contrôlaient les recherches et l'exploitation de ces ressources.
Il a souligné que les recherches sur l'uranium au Niger, par exemple, ont débuté dès les années 1930 dans les régions de l'Aïr et du Liptako, sans que la population locale n'en soit informée. De 1960 à nos jours, plus de 200 milliards de francs CFA ont été investis dans ces recherches, dont seulement 5 milliards par l'État du Niger, le reste étant financé par des multinationales telles qu'Areva (aujourd'hui Orano) et d'autres entreprises étrangères.
Dr Seydou a conclu en soulignant que, malgré les efforts de dirigeants comme le président Diori, qui espérait voir l'exploitation de l'uranium contribuer au développement du pays, la réalité est que les décisions stratégiques concernant ces ressources ont toujours été prises ailleurs, par les puissances étrangères.
Cette table ronde a constitué une occasion précieuse pour explorer les potentiels énergétiques de la région et discuter des stratégies nécessaires pour les exploiter pleinement. L’objectif est de garantir un avenir énergétique durable et autonome pour les pays du Sahel. Le constat est clair : malgré un potentiel naturel impressionnant – soleil, vent, eau, uranium – les pays du Sahel sont encore loin d'atteindre une autonomie énergétique. Cette dépendance aux importations d'énergie constitue un frein majeur à leur développement. Sans une énergie à la fois disponible et abordable, les ambitions de développement industriel, agricole et d'amélioration des conditions de vie demeurent inaccessibles.
La table ronde s’est conclue sur une note positive, marquant un premier pas vers la souveraineté énergétique du Sahel. Les résolutions adoptées portent l'espoir que des actions concrètes suivront, permettant à la région de se libérer de sa dépendance énergétique et de s’ouvrir à un développement durable et inclusif.