Le Niger fait face à des inondations dévastatrices avec plus 270 décès et quelque 700.000 sinistrés, conséquence des pluies torrentielles enregistrées depuis juin dans ce pas sahélien.
Sur les rives du fleuve Niger, les inondations sont aggravées par la crue fluviale entrainant des pertes humaines et agricoles.
Signe de cette désolation, à quelques encablures de Niamey, non loin du village de Ndounga, chef-lieu de la commune rurale du même nom, une localité de la rive gauche du Niger, Boubacar Anawar et sa famille ont trouvé refuge dans un camp de fortune.
Une quarantaine de ménages ressortissants d’autres villages environnants sont impactés ayant perdu leurs maisons et leurs champs de cultures.
Dans ce ‘’hameau spontané’’, la majeure partie des personnes a presque tout perdu.
« Je me suis refugié ici avec mes trois (3) épouses, mes enfants, mes huit (8) belles-filles et mes petits-enfants. Cela fait moins d’un mois que nous sommes ici. Le fleuve a débordé et a atteint nos maisons, qui sont presque toutes détruites et nos champs sont inondés », a déclaré le paysan, les cinquante ans (50) révolus.
A première vue, le camp semble être construit dans la précipitation et l’urgence. Les tentes sont faites en pailles et bois récoltés aux-alentours, le toit couvert de plastiques pour minimiser l’infiltration des eaux en cas de pluie.
Presque toutes ces cases de fortune sont groupées, des ruelles se confondent aux petites cours réservées devant les cases.
Des cris des animaux attachés non loin des tentes associées aux pleurnichements des enfants affamés et aux brouhahas et lamentations des femmes en pleines causeries perturbent le calme.
« Le camp est exigu, car nous ne sommes pas un domaine public. Nous sommes bien dans le champ d’une bonne volonté, une personne qui nous permet chaque année de nous installer. Et je vous garantis que cet homme a un autre champ outre que celui-ci. C’est vraiment un bienfaiteur », a glissé Anawar.
«Nous sommes coupés de notre monde habituel. Pour l’instant, nous ne sommes pas à mesure de travailler. Nous ne vivons que de la générosité des personnes qui viennent nous donner et visiter. Certaines nous apportent à manger, et d’autres un peu d’argent », a ajouté le sinistré.
L’éloignement du camp des sources d’eau potables rend l’assainissement délicat : des enfants crasseux, des tas des tasses utilisées non encore lavées…les flaques trouvées çà et là favorisent la multiplication des moustiques dans cet environnement insalubre envahi d’herbes folles.
Ces insectes sont vecteurs du paludisme, une maladie responsable du plus grand nombre de décès chaque année au Niger.
C’est justement de cette maladie que souffre Ali (pseudonyme), un enfant âgé d’une dizaine d’années que nous avons trouvé couché.
« Il souffre du paludisme depuis environ une (1) semaine. Il a des maux de tête et il vomit. Ce matin, nous sommes partis au centre de santé, on nous a fait savoir qu’il manque de sang », a indiqué la mère de l’enfant.
« Nous manquons vraiment de moyens pour le faire soigner », a-t-elle regretté.
« Le cas de Ndounga est très sérieux », a déploré la secrétaire générale de la mairie de la commune, Mme Zeinabou Amadou Abdoulaye.
« Nous avons effectué une visite dans plusieurs villages, même si nous ne les avons pas tous visités, nous avons néanmoins obtenu les renseignements nécessaires. La situation est vraiment déplorable, notamment pour les sinistrés, avec de nombreuses maisons effondrées. Environ 1 339 personnes sont concernées, ce qui constitue une situation provisoire des sinistrés.
« Concernant les pertes humaines, nous déplorons deux décès. Les services de la protection civile se sont également rendus sur place pour constater la situation et recenser les sinistrés », a-t-elle précisé.
« Ils continuent aujourd'hui d'intervenir dans des villages tels que Moli, où la situation reste désastreuse, avec des maisons effondrées. Les personnes ont dû quitter leurs habitations en abandonnant leurs biens. Le plus préoccupant est la situation des personnes vulnérables, notamment les femmes et les enfants », a ajouté l’administratrice communale.
Oumarou Adamou, du village de Ndounga Tarey, 43 ans, marié à 2 femmes et père de 8 enfants, fait partie des personnes en situation de vulnérabilité.
« Nos maisons se sont effondrées. Nous étions plus de quarante (40) familles qui vivions ensemble dans quinze maisons. Toutes ces quinze se sont écroulées », a rapporté M. Oumarou.
« Nous avons été inondés. Nos maisons et nos champs sont détruits, nous n’avons plus rien, et cela fait plus de 15 jours que nous vivons au bord de la route goudronnée. Chaque saison des pluies, nous sommes inondés et obligés de quitter notre village pour n’y revenir qu’après la saison. Nos conditions de vie sont très difficiles, car nous devons parcourir plusieurs kilomètres pour trouver de l’eau. Malgré nos demandes pour qu'on nous reloge ailleurs, rien n’a été fait. Cela fait plus de cinq ans que nous vivons ce problème. Nous implorons les autorités de nous venir en aide. », plaide M. Kimba Bello, 68 ans, un habitant du village de Karma Dan Bello Koira.
« Actuellement, l'État a lancé une procédure, et les villages environnants ont déjà reçu de l'aide. Toutefois, un appel est lancé aux partenaires pour qu'ils apportent également leur soutien, surtout pour les personnes les plus vulnérables, comme les femmes et les enfants qui vivent dans des conditions difficiles », fait savoir la secrétaire générale de la commune de Ndounga.
A une dizaine de kilomètres de cette entité, la commune urbaine de Kollo est également touchée par les inondations.
Ici, aucune perte en vie humaine n’est enregistrée. Par contre, la colère des eaux s’est abattue sur les cultures.
Dans les exploitations de riz, les digues de protection des périmètres irrigués a cédé, causant l’inondation de plus de 65 hectares.
Les périmètres hydrauliques et agricoles de Sayberi, celui du bas-fond du village de Dagari et celui de Widin Korkoy, les plus importants de la commune, ont été également engloutis.
« Le périmètre de Sayberi, a été créé en 1980. Il couvre une superficie de 3 386 hectares, dont 350 hectares sont exploitables. Il comprend une digue de protection de 4 kilomètres et accueille environ 1200 producteurs, dont 100 femmes. Mais les dernières pluies ont dévasté 65 hectares, causant des pertes estimées à 86,5 millions de francs CFA. Heureusement, des engins étaient déjà sur place et ont permis d’éviter le pire. Toutefois, l'ensemble de la digue nécessite une réhabilitation urgente », a expliqué Boubacar Yacouba idrissa directeur dudit périmètre.
« Cela fait 40 ans que je pratique la riziculture et cette année, nous avons tout perdu. Il ne nous reste rien à cause de la montée des eaux. Nous allons essayer de drainer l’eau pour sauver la saison, car nous ne vivons que de cela. Chaque année, je récolte 25 sacs de 100 kg de riz par parcelle, mais cette année, tout est perdu», a indiqué Alpha Issoufou, un des exploitants du périmètre.
Face à ce désastre, la mairie de Kollo promet d’apporter de réponses.
« J’ai visité les périmètres touchés. J'ai parcouru toutes les parcelles inondées, où nous avons constaté que 58 hectares étaient irrécupérables, causant la perte totale des récoltes de riz. Les producteurs ont perdu ces parcelles, et la situation est grave pour eux », a indiqué l’administrateur délégué du département Kollo, le Capitaine Moussa Barmou.
« Aujourd'hui le plus urgent pour nous, c'est de protéger ces populations des inondations qui continuent. Les barrages peuvent rompre à tout moment, raison pour laquelle nous avons préconisé un certain nombre de mesures. Les digues ont été balayées par les eaux, donc il faut faire vraiment de grands travaux qui dépassent les capacités de la commune, en cela nous lançons un appel aux autorités pour que des mesures urgentes soient prises, ce périmètre est d'une importance capitale pour la population, pour le pays surtout avec la politique du gouvernement du chef de l'État par rapport à la grande irrigation », a ajouté le Capitaine Moussa.
Dans la commune de Say, à 65 kilomètres de Niamey (capitale nigérienne), sur la rive droite du fleuve, on dénombre 2975 personnes affectées par les intempéries réparties dans 2895 ménages. Côté matériels, 34 maisons et 62 cases détruites ont été recensées. Au plan environnemental, 911 hectares d’exploitation rizicole, 32 jardins et 226 champs sont ravagés. Ce bilan est fourni par le Préfet du département, le Capitaine Boubacar Abdou.
Selon le Chef de Canton de Say l’honorable Alfayzé Saidou, ces dégâts auraient été pires sans l’intervention de la population et des partenaires.
« Quand le fleuve a débordé, nous avons mobilisé la population pour renforcer la digue de protection avec des sacs remplis de sable et de latérite », a informé l’autorité coutumière.
Côté partenaires, « cela fait deux (2) ans que le projet PIDUREM nous assiste en cas d’inondations en intervenant dans la construction et la réhabilitation de la digue de protection. Pour cette année, le projet compte revenir après la saison des pluies pour la réparation de la digue et la construction d’une station de drainage d’eau ».
Le Niger connait, cette année, une situation inédite d’inondations. Selon la direction générale de la protection civile, le pays enregistre à la date du 4 septembre 2024 : 273 décès, dont 121 personnes sont mortes par noyade et les 152 autres mortes suite aux effondrements.
Le bilan fait également état de 710.767 personnes sinistrées réparties dans 94.783 ménages.