La problématique de l’assainissement des eaux usées se pose avec acuité à Niamey. Tous les déchets solides et liquides de la ville sont rejetés directement ou indirectement dans le fleuve Niger, au mépris du danger que cela représente pour la santé des riverains, des écosystèmes et de l’environnement en général. Ces eaux introduisent toute une série de polluants dont l’impact est alarmant. Elles conduisent à des mortalités massives des espèces, mais elles ont aussi des effets moins visibles. Au Niger tout comme dans de nombreux pays, le rejet de ces eaux demeure une préoccupation.
Une étude réalisée par le laboratoire de chimie et de l’eau de la faculté des sciences techniques de l’Université Abdou Moumouni de Niamey en 2011, souligne qu’environ 15.119 m3 d’eau usée domestique des établissements industriels et des activités commerciales sont drainées chaque jour dans le fleuve Niger sans aucun traitement. Une autre étude du PROSEHA a permis de savoir que la consommation moyenne en eau potable par jour et par personne est de 25L en plus des eaux usées issues des industries et des activités agricoles. Sur cette base, la production des eaux usées à l’échelle du pays peut être estimée à environ 570 430 000 l/j, soit 570 430 m3/j en 2024.
Pire, à l’échelle mondiale, on estime que 80% des eaux usées qui comprennent les eaux usées humaines sont déversées dans l’environnement, sans traitement, libérant toute une série de contaminants nocifs et causant des dommages directs aux personnes. En effet, lorsque les eaux usées non traitées sont drainées directement dans le fleuve Niger, cela nuit à la ressource la plus vitale: l’eau propre.
Selon la Directrice Générale de l’Assainissement et du Cadre de Vie au ministère en charge de l’hydraulique, Mme Saidou Fatimata, les eaux usées sont un terrain fertile pour des bactéries et des virus nocifs. Elles présentent, d’après la spécialiste en assainissement, un risque sanitaire énorme direct de par la présence d’organismes pathogènes, comme des bactéries (choléra, salmonella, shigella), des virus (virus de l’hépatite, poliovirus) et des parasites.
« Elles peuvent polluer les eaux de surface et les nappes phréatiques, entraînant de graves risques sanitaires pour les humains comme pour les animaux, ou provoquer des maladies, des déficiences physiologiques ou encore affecter la reproduction », a expliqué la directrice.
Les germes et les parasites contenus dans les eaux usées peuvent aussi provoquer des maladies car, certains polluants ne sont pas biodégradables et s’accumulent tout au long de la chaîne alimentaire. Ces deniers (germes et parasites) peuvent ainsi provoquer des maladies de l’estomac, des intestins ou du foie, des diarrhées, de la fièvre, des crampes, des nausées, des vomissements, des maux de tête, une faiblesse ou une perte d’appétit.
Aux risques pour la santé humaine, s’ajoutent ceux pour l’environnement. La pollution engendrée par les eaux usées cause plusieurs impacts sur l’écosystème, les conséquences sont réelles et urgentes. Contenant des polluants tels que des bactéries, des métaux lourds et d’autres toxines qui peuvent polluer les cours d’eau, contaminer le sol, la pollution engendrées par les eaux usées cause plusieurs impacts sur l’écosystème.
Toujours, selon les explications de la directrice de l’assainissement, Les polluants contenus dans les eaux usées peuvent perturber les processus naturels tel que le flux d’énergie. « Si elles sont déversées sans traitement dans un plan d’eau de surface, elles peuvent réduire les niveaux d’oxygène dans l’eau. Ce qui peut entraîner la mort des poissons ou la prolifération d’algues» a explicité Mme Saidou Fatimata.
Des projets pour réduire de moitié la proportion d’eaux usées
Pour pallier à la problématique de rejet des eaux usées dans la nature, des pratiques de gestion appropriées doivent être mises en place pour garantir que les eaux usées soient correctement traitées avant d’être déversées dans un environnement naturel.
A ce sujet, la Directrice de l’Assainissement a évoqué la question d’orientations stratégiques qui a pour objectif, à travers le sous-programme « Assainissement» du PROSEHA, de réduire de moitié la proportion d’eaux usées non traitées à l’horizon 2030.
Aussi, l’État dans sa politique du secteur de l’eau, de l’hygiène et de l’assainissement, à travers le PROSEHA a prévu la réalisation de stations de traitement de boue de vidange dans les huit capitales régionales du pays. Ces stations de traitement de boue de vidange sont des ouvrages d’assainissement adaptés pour la gestion des eaux usées en milieu urbain. Niamey en dispose déjà de deux, dont une opérationnelle et l’autre en finalisation par le projet de la Plateforme Intégrée pour la Sécurité de l’Eau au Niger (PISEN). Il faut ajouter que deux autres sont également en projet de construction pour la ville de Niamey (une qui sera réalisée par le PISEN, et l’autre par la BID). « Les études sont en cours pour la réalisation de ces stations dans les 7 capitales régionales restantes sous ressources propres de l’État et de ses partenaires. Les stations des villes de Maradi et Zinder seront respectivement réalisées par la plateforme PISEN et la BAD », a annoncé la directrice.
Nécessité de renforcer le cadre règlementaire
Comme pratique de gestion des eaux usées, il y a aussi le renforcement du cadre règlementaire de gestion des eaux usées. En effet, plusieurs textes sont élaborés et adoptés relativement à la gestion des eaux usées, qu’elles soient domestiques, industrielles ou agricoles. Des normes de rejet sont définies par l’État selon les types d’activités. Les textes sont vulgarisés mais l’application n’est toujours pas effective.
Toujours dans le même sens, on note l’élaboration des schémas directeurs d’assainissement et de drainage des eaux pluviales. À ce niveau, il faut préciser que pour le moment seule la ville de Niamey dispose d’un schéma directeur actualisé.
Enfin, il y a la perspective de création de stations d’épuration des eaux usées. Dans le cadre de la recherche des solutions durables à la gestion des eaux usées, l’État veille à la mise en place des ouvrages de gestion adaptés pour la sauvegarde de l’environnement et de la santé.
Toutefois, malgré ces projets et ces textes, la situation demeure préoccupante. Dans certaines industries et établissements, les recherches menées indiquent que beaucoup d’entre eux ne disposent pas à leur sein d’usine de traitement des eaux usées. Ces eaux issues de leurs activités sont directement rejetées dans le fleuve Niger. Il est temps d’agir. Dans de nombreux pays, le déversement des eaux usées non traitées dans l’environnement est illégal en raison de son impact négatif sur les ressources en air, en terre et en eau. Il est nécessaire que l’Etat prenne des décisions idoines pour contrer le déversement des eaux usées dans le fleuve pour une meilleure préservation de l’écosystème aquatique, de l’environnement et de la santé humaine et animale.
D’après des recherches menées par le programme pour l’environnement de l’Organisation des Nations Unies (ONU), à l’échelle mondiale, une eau sale présente des risques importants de diarrhée et d’infections opportunistes et de malnutrition, causant 1,7 millions de décès par an, dont plus de 90% dans des pays en développement, la moitié étant des enfants. Ces décès sont principalement dus à l’ingestion de pathogènes fécaux d’origines humaines ou animales. Un traitement efficace des eaux usées est essentiel à une bonne santé publique et à la protection de l’environnement.