À l’ombre d’un arbre, Aichatou Sidi et quelques autres personnes qu’elle a connues ici regardent avec attention les fruits de leur récolte. En ce mois de mai, la mousson apporte un peu d’humidité dans ce pays sahélien. Ils exploitent un site maraîcher de 8 hectares, doté de 4 forages, mis en place par le Programme Alimentaire Mondial (PAM) pour faciliter la réinsertion socioéconomique des réfugiés, des déplacés internes et des communautés locales à Ouallam. Elle a fui les conflits à Ménaka il y a 7 ans pour rejoindre Ouallam avec ses enfants. Intégrée dans cette communauté qui l’a aidée, elle travaille désormais dans un jardin maraîcher.
« Nous sommes arrivés ici avec mon mari et mes enfants fuyant les conflits chez nous à Ménaka au Mali, mais mon mari est décédé il y a deux ans. Je dois maintenant subvenir seule aux besoins de mes 7 enfants.” Dit-elle.
Cette histoire est celle de nombreux réfugiés et déplacés qui ont tout perdu, laissant derrière eux biens et parfois proches. Depuis plus de dix ans, la région de Tillabéri accueille des milliers de réfugiés et de déplacés internes, aggravant une situation humanitaire déjà critique. La commune de Ouallam a accueilli de nombreux réfugiés maliens et déplacés internes, rejoignant une communauté déjà touchée par l’insécurité alimentaire due à la dégradation des sols et les conflits.
« Avec l’arrivée des réfugiés et des déplacés internes, nos terres sont devenues insuffisantes et les besoins se sont accrus”, déclare Issa Boureima, un habitant de Ouallam.
Restaurer les terres et renforcer les liens entre les communautés
C’est pour répondre à cette situation que le PAM, en soutien aux efforts du gouvernement nigérien, a mis en œuvre au profit des réfugiés, déplacés internes, retournés et communautés hôtes un projet financé par l’Union Européenne afin de renforcer le vivre ensemble et la capacité des communautés à faire face aux chocs par le biais d’une assistance multidimensionnelle.
La vulnérabilité de ces communautés est en grande partie liée à la dégradation de l’environnement et à la pauvreté. Le renforcement des moyens de subsistance passe donc par la restauration des terres dégradées. Grâce à l’aide alimentaire du PAM, les communautés ont été mobilisés pour la création de biens communautaires. Elles ont ainsi appris à se rencontrer de manière régulière sur des espaces offerts par la mairie pour travailler ensemble à la restauration des terres et la mise en valeur de celles-ci. Issa Boureima, un habitant de Ouallam, témoigne : « L’État et ses partenaires ont intensifié leurs actions pour renforcer nos moyens d’existence. En plus de la restauration des terres, nous avons fait du maraîchage. Nous sommes en pleine récolte et nous sommes devenus comme une famille. »
Ce rapprochement entre les communautaires a accéléré l’intégration des différentes communautés dans la commune de Ouallam. « Grâce au travail des demi-lunes et au jardin maraicher, nous travaillons ensemble avec les autres. Des liens forts se sont créés entre nous. Tout comme mes enfants, actuellement e parle Zarma, c’est la preuve que je suis intégrée », déclare fièrement Aichatou.
Les séances de sensibilisation de la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix ont joué un rôle clé dans l’instauration d’une paix durable entre les communautés de Tillabéri. À travers des tribunes citoyennes, des forums de cousinage à plaisanterie et des espaces de dialogue, le projet a aidé à gérer les conflits liés aux ressources partagées. En mettant l’accent sur la fraternité et la solidarité, ces initiatives ont renforcé les liens entre réfugiés, déplacés internes et populations locales, améliorant ainsi les interactions sociales et la confiance mutuelle.
Des formations sur différents outils, des forums sur la libération des champs ont renforcé les liens sociaux entre les communautés et les autorités locales et reçu l’adhésion des autorités locales : “J’ai trouvé très intéressant et très utiles cet outil d’analyse participative des risques de sensibilité aux conflits. Il nous montre comment éviter tout ce qui est susceptible de créer des problèmes et à anticiper sur les solutions.” a déclaré Hamza Abdoul Aziz lors de l’atelier du 5 juin 2024 à Niamey.
Répondre aux besoins réels des communautés
Le PAM et ses partenaires ont lancé des initiatives pour combattre la malnutrition à Ouallam, en mettant en œuvre l’approche de nutrition à base communautaire. Les femmes et les enfants de toutes les communautés participent à des séances de dépistage, de sensibilisation, et à des démonstrations culinaires axées sur l’utilisation de produits locaux. Les « mamans lumières » formées par le programme jouent un rôle clé. Salmou Hamadou, une réfugiée devenue « maman lumière, » partage son expérience : « Je suis maintenant formatrice et j’aide les mères à comprendre l’importance de la nutrition pour leurs enfants. »
Sous l’ombre d’un arbre, les femmes rangent les récoltes de légumes comme les choux et les tomates. Une partie de ces produits est utilisée pour nourrir les familles. Le surplus sera écoulé sur le marché. Les revenus générés sont souvent investis dans d’autres activités et dans l’éducation des enfants. Grâce aux cantines d’urgence, les enfants des réfugiés, des déplacés internes et des habitants locaux peuvent aller à l’école.
Certains réfugiés commencent à s’établir de manière plus durable à Ouallam et envisage même d’y reconstruire leurs vies avec plus de confiance.