En septembre 2023, c’est avec la gravité requise que le Premier ministre, Ali Mahaman Lamine Zeine, a annoncé le montant de la dette publique nigérienne : 5200 milliards de francs CFA, dont 2000 milliards de dette intérieure. Un tableau à la fois sombre et inquiétant, particulièrement au regard de la situation d’étouffement économique et financier du Niger entrepris par la France via les tentacules de la Françafrique. Même en temps ordinaire, 2000 milliards, c’est lourd à porter.
Cependant, de l’avis de sources financières fiables, ne pas le payer du tout, c’est créer les conditions d’une aggravation du marasme économique. Un marasme économique que les Nigériens vivent, pour ne pas dire qu’ils subissent. « L’argent ne circule pas », entend-on régulièrement ici et là.
Dans un pays où tout est pratiquement prioritaire et urgent, la gouvernance n’a jamais été une sinécure. C’est plutôt un sacerdoce et les défis exceptionnellement exacerbés (insécurité, sanctions iniques et illégales, pluies diluviennes et leurs corolaires, etc.) ont davantage rendu complexifié les choses. Dans un tel contexte, faire face aux dépenses de souveraineté relève en soi d’une prouesse. Mais, cela a beau être une prouesse, les citoyens, qui tirent le diable par la queue, se suffisent difficilement d’un tel état. Ils veulent voir la croissance tant chantée se refléter dans leurs quotidiens.
Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. Tout est si cher et les efforts du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (Cnsp) pour atténuer le coût de la vie, si appréciés soient-ils, n’ont pas suffi à desserrer l’étau sur les ménages nigériens. Au sein de l’opinion nationale, le souvenir des prouesses de Hama Amadou, en 1995, puis en 2000 en qualité de Premier ministre, affleurent. Il est vaguement rappelé que l’ancien Premier ministre a trouvé une situation nettement plus catastrophique lorsqu’il a été nommé à la tête du gouvernement à chacun de ces deux passages. En 2000, notamment, il a réussi l’exploit d’éponger les arriérés de salaire des agents de la Fonction publique et à réduire l’endettement public de 73% en 4 ans.
Les plaintes des Nigériens se sont accentuées depuis que l’État a perçu par anticipation quelques 400 milliards de francs CFA de revenus pétroliers sur ses parts de 2024. Une goutte d’eau dans l’océan au regard du colossal montant de la dette publique. Sur ces 400 milliards, perçus par le Niger hors circuit de la banque de France, l’État nigérien aurait presque tout destiné à apurer des échéances de la dette extérieure. Si Niamey peut s’en expliquer en avançant qu’elle s’ouvre ainsi la reprise de la coopération avec le Fonds monétaire international (Fmi) et la Banque mondiale, elle a toutefois déçu à l’intérieur du pays où nombre de ses partenaires financiers et économiques s’attendaient à avoir une bouffée d’oxygène à travers le paiement de certaines de leurs factures en souffrance depuis des mois.
Selon des sources financières crédibles, des 400 milliards, presque rien n’a été réservé à l’apurement de la dette intérieure
Officiellement, le gouvernement ne reproche rien à la dette intérieure pour s’excuser de ne pas payer.
Il n’a ni parlé de surfacturations qui mériteraient d’être remises en cause, ni avancé une volonté de procéder à des vérifications sur le bien-fondé des factures. Ce qui serait de bonne guerre, l’audit des fonds de l’armée, en 2020, ayant révélé des fausses commandes auprès d’entreprises tout autant fausses. Selon des sources financières crédibles, des 400 milliards, presque rien n’a été réservé à l’apurement de la dette intérieure. D’où la grogne silencieuse des opérateurs économiques qui confient ne pas comprendre la priorisation de la dette extérieure au détriment de la dette intérieure.
Interrogé sur le choix du gouvernement, une source ayant requis l’anonymat a indiqué que le non-paiement de la dette intérieure est de nature à accroître le malaise économique. Il faut éviter, a-t-elle ajouté, que le mal se propage aux banques intérieures, aux fonds de pension, aux ménages et à d'autres segments de l'économie intérieure. Or, si la situation ne s’y prête pas tout à fait, des signes inquiétants alertent sur le risque d’une embolie financière, c’est-à-dire l’asphyxie de l’économie nationale. « L’argent doit nécessairement circuler et, pour que ça circule, il faut que la dette intérieure soit progressivement apurée », a-t-elle souligné.
Des efforts importants ayant été consentis pour le paiement des créances arrivées à échéance, le gouvernement envisagerait de s’atteler à un plan d’apurement de la dette intérieure.
Selon toujours les spécialistes, parmi les stratégies d’apurement de la dette intérieure, le dialogue avec les créanciers, est fondamental. Or, à ce jour, l’opinion publique nigérienne n’a pas connaissance de discussions pareilles entre le gouvernement et ses créanciers, ne serait-ce que pour décider d’un moratoire de paiement. Notre source indique, toutefois, que des efforts importants ayant été consentis pour le paiement des créances arrivées à échéance, le gouvernement envisagerait de s’atteler à un plan d’apurement de la dette intérieure. Une excellente perspective qui pourrait permettre une relance vigoureuse des activités économiques et un coup de fouet à la croissance envisagée à deux chiffres pour 2025. Ajouté à la réduction des prix de l’essence, puis du ciment, l’apurement de la dette intérieure améliorera sensiblement la santé financière de l’État.Comme l’a si bien formulé un spécialiste : « L’économie nationale doit respirer d’abord de l’intérieur, pas de l’extérieur ».