En marge de la Conférence des ministres des Affaires étrangères du Forum Russie – Afrique à laquelle il a pris part à Sochi, en Russie, le ministre des Mines, le Commissaire – Colonel Abarchi Ousmane, a accordé une interview aux confrère russes RT. Dans cet entretien, il fait un état de la coopération attendue de la Russie par le Niger, notamment en matière de mine et d’énergie. Ci-dessous l’intégralité de ses réponses.
Votre Excellence, bonjour et merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation. Nous nous rencontrons en marge du sommet des ministres des Affaires étrangères des pays africains. Quelle est l'importance de cet événement ?
Merci monsieur, je vous remercie de l'opportunité que vous m'offrez de m'exprimer sur votre média. Cet événement, la Conférence ministérielle Russie-Afrique qui se tient présentement à Sochi, a une importance pour nous autres, pays africains.
C'est de pouvoir d'abord nous rencontrer entre nous, pays africains, et également d'interagir avec la Fédération de Russie sur des domaines qui concernent notamment le développement mutuel de notre continent, l'Afrique et de la Fédération de Russie. Ça nous a permis de nous retrouver, parce que pour vous dire, quand je prenais l'avion pour venir ici, je me suis retrouvé dans l'avion à côté d'un ministre d’un autre pays africain. Ce qui nous a permis de discuter pendant tout le vol entre Moscou et Sochi par exemple.
Donc votre délégation comprend aussi le ministre des Affaires étrangères ?
Absolument, il est présent.
Donc ça témoigne de l'importance des relations bilatérales ?
Ça témoigne de l'importance que nous portons aux relations bilatérales entre la Fédération de Russie et le Niger.
Quels sont les objectifs de la participation de votre délégation ce sommet ?
Les objectifs sont multiples. C'est d'abord de renforcer la coopération entre nos deux pays, entre le Niger et la Fédération de Russie, et de la diversifier et de l'approfondir.
Vous avez participé aux sessions thématiques, est-ce que vous pouvez nous en parler un tout petit peu plus ?
J'ai effectivement participé au panel sur l'exploration géologique, à côté du ministre russe des Ressources naturelles. Nous avons échangé sur notre vision de la coopération entre nos pays et la Fédération de Russie dans le domaine de l'exploration minière et géologique.
Et en quoi consiste la vision de votre pays ?
Notre vision s'inscrit dans une croissance et un développement partagé et équitable entre la Fédération de Russie, qui pourrait apporter une expertise technique, et le développement de l'énorme potentiel minier dont dispose notre pays, le Niger.
Est-ce que vous pouvez nous en parler un tout petit peu plus de ce potentiel dont dispose votre pays ?
Le Niger a un grand potentiel dans le domaine minier. Nous avons des ressources très diversifiées. Pour la plupart, elles ne sont pas totalement connues à cause de l'insuffisance de l'exploration justement dans le domaine géologique et minier. La cartographie minière du Niger est connue à peu près à 20 %, ce qui laisse une large capacité, possibilité d'approfondir les recherches pour pouvoir déterminer d'autres ressources en dehors de celles qui sont connues et pour lesquelles le Niger est très reconnu, notamment l'uranium, l'or, le lithium. Nous avons du fer, nous avons de l'étain, nous avons beaucoup d'autres ressources comme le cuivre, tout ce qui rentre dans la transition énergétique et les terres rares également.
On est déjà en deuxième journée du Forum. Pouvez-vous nous dresser un court bilan de cet événement ? Est-ce que déjà vous avez atteint vos objectifs ?
Nous pouvons nous estimer satisfaits de notre participation à cette conférence ministérielle de Sochi parce qu'effectivement nous avons rencontré, et des acteurs étatiques, et des acteurs privés dans le domaine minier. Nous avons rencontré des sociétés publiques russes et des sociétés privées également. Également, nous avons rencontré le ministre des Ressources Naturelles qui nous a reçu en audience hier.
Une petite question personnelle, comment vous trouvez personnellement Sochi et l'ambiance qui règne ici ?
Une très belle ville, une petite ville très jolie avec un climat très doux, quasiment un climat méditerranéen pour ainsi le dire parce que comparé à Moscou où on a fait escale, les températures sont beaucoup plus douces, le climat est plus doux. J'ai eu à faire un petit tour vers un site touristique où il y a des pistes de ski. Il y a encore de la neige, mais le climat est encore assez agréable.
Quelles sont les collaborations actuelles entre le Niger et la Russie dans le secteur minier ?
En fait, en termes de coopération, nous sommes en train de reprendre la coopération parce qu'à un certain moment, cette coopération a été malmenée du fait des anciens dirigeants de notre pays qui ont fait un autre choix. Actuellement, nous sommes en train de reprendre cette coopération, de la renforcer et de la diversifier.
Vous avez dit un autre choix, est-ce que vous pouvez développer un peu plus ? Il s'agit de quoi plus précisément ?
Nous ne voulons pas ressasser ce qui s'est passé dans le passé, nous voulons plus voir ce qu'on peut faire pour notre pays dans le futur. Ce qui s'est passé précédemment, c'est que quasiment le secteur minier a été laissé pour compte à la solde des multinationales occidentales qui en ont fait leur chasse gardée.
En quoi la coopération avec la Russie est différente à cet égard ?
Pour ce qui concerne la coopération présente qu'on veut avec la Russie et les autres pays du monde, nous avons nous-mêmes défini le cadre en révisant la loi minière, en faisant en sorte que l'État soit plus présent dans l'exploitation minière de notre pays, et qu'on puisse diversifier également les différents minéraux à exploiter et s'ouvrir à d'autres pays pour qu'on ait une coopération beaucoup plus équitable et durable dans le temps et au profit des populations nigériennes.
Est-ce qu'on peut citer les projets concrets entre la Russie et le Niger ou encore ils sont en train d'être négociés et précisés ?
Pour l'instant, nous sommes en train de les négocier.
Quel domaine vous semble le plus prometteur en ce qui concerne la coopération entre la Russie et le Niger dans le secteur minier ?
Le domaine le plus prometteur c'est celui dans lequel la Russie a la plus grande expertise, c'est l'uranium pour lequel la Russie est quasiment le premier producteur mondial. C'est dans ce domaine-là que nous espérons pouvoir approfondir nos relations avec la Russie.
Quels sont les défis qui se posent actuellement devant le gouvernement dans le secteur minier ?
Le premier défi, c'est celui dont je vous avais parlé, c'est de pouvoir finaliser la cartographie géologique du pays pour savoir le potentiel et l'ampleur de ce potentiel pour le pays et pouvoir implémenter une gestion vertueuse des entreprises et des sociétés minières d'exploitation.
Et quelles sont les grandes lignes du gouvernement pour développer ce secteur ? Il s'agit-il d'attirer les investissements ?
Les grandes lignes, oui, ça concerne cet aspect de pouvoir attirer les investisseurs internationaux, mais la priorité est quand même à l'exploitation par nous-mêmes, par les Nigériens de leurs ressources naturelles. Cela nous donne beaucoup plus de valeurs ajoutées sur les minéraux qui seront exploités, et c'est à ce titre que l'État du Niger, sous la gouvernance du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie et de son chef d'État, le Président Aboudrahamane Tiani, a créé deux sociétés d'État pour l'exploitation minière dans notre pays. Il s'agit de la société Timersoy National Uranium Company et de la société Mazumawa National Gold Company, qui seront dédiées, comme leurs noms l'indiquent, l'une à la richesse et à l'exploitation de l'uranium, et l'autre à la richesse et à l'exploitation de l'or dans notre pays.
Est-ce que vous pouvez nous donner un tout petit peu plus de détails sur l'arrêt des activités de la société Orano ?
Plutôt, Orano a annoncé la suspension de la production d'uranium par la Somaïr. Alors, ce qui s'est passé, c'est qu'Orano a publié un communiqué qui annonce la suspension de la production d'uranium par la société Somaïr, la société de mine de l'Aïr. La Somaïr est une société avec deux actionnaires. Un, c'est la Sopamine, qui représente la société du patrimoine des mines du Niger, qui représente l'État du Niger, et l'autre, c'est Orano, qui est détenu, comme vous le savez, par l'État français. Et donc, suite à ce communiqué unilatéral de l'un des actionnaires de la Somaïr, l'autre actionnaire a fait un autre communiqué pour dire qu'il ne reconnaît pas, qu'il ne se reconnaît pas dans cette décision de suspension de la production. C'est-à-dire que la Sopamine a communiqué pour dire qu'elle ne se reconnaît pas dans cette décision.
Et actuellement, au moment où je vous parle, la production à la Somaïr continue.
Quelles sont les perspectives de la coopération entre la Russie et l'Uniger, notamment dans le secteur minier ?
En fait, ces perspectives, elles peuvent être énormes. Elles sont diversifiées. Nous avons eu à discuter avec plusieurs partenaires, comme je vous l'ai dit. Ça va de l'exploration, que ce soit par la géophysique aéroportée ou par la géochimie, les sondages et autres dans le domaine de la recherche minière, à l'exploitation des ressources qui sont connues conjointement avec le Niger ou à d'autres activités dans le domaine minier.
Quels sont d'autres acteurs étrangers que le Niger souhaite inviter à la coopération, notamment dans le secteur minier ?
Nous sommes ouverts à toute coopération pour que nous soyons respectés et que notre législation soit respectée. Nous sommes en rapport avec les entreprises turques, avec l'État de Turquie. Nous avons des entreprises chinoises qui sont également présentes chez nous, ainsi de suite.
Quelle est votre vision par rapport à ce processus du mouvement vers le monde multipolaire ?
On est obligé d'aller vers ce mouvement, on est obligé de s'y mettre parce qu'aujourd'hui, ce qui s'est passé par les temps qui sont révolus ne peut plus continuer à se faire dans un monde globalisé. L'exploitation des ressources minières de l'Afrique de façon abusive et inéquitable ne peut plus continuer. On est obligé de s'ouvrir. Les ressources minières du Niger n'appartiennent pas à un pays, elles appartiennent au peuple nigérien.
Pourquoi vous le considérez comme abusif ?
Abusif parce que pendant plus de 50 ans d'exploitation, par exemple de l'uranium au Niger, on était quasiment en monoproduction, aucun développement n'a été constaté, ni dans la zone d'exploitation, ni pour le pays en lui-même qui détient ses réserves minérales.
Et quel est votre regard par rapport à l'organisation des BRICS ? Est-ce que votre pays envisage d'intensifier la coopération avec les BRICS ?
C'est une possibilité, mais cela relève du domaine des Affaires étrangères.
Est-ce que cela peut aider notamment à développer le secteur minier, par exemple ? Absolument. Toute initiative visant à apporter beaucoup plus de partenaires dans le domaine peut bénéficier au domaine minier.
Monsieur le Ministre, comme le citoyen nigérien, quelle est l'image de la Russie dans votre pays ?
C'est l'image d'un pays d'abord vaste, glacial et très résilient, un peu dans le même sens que les États du Sahel. Nous sommes forgés dans le dur et nous sommes résilients à ce titre, parce que la nature ne nous est pas très favorable par le climat et autres. Par contre, cette même nature nous a donnés des ressources énormes, notamment des ressources minières, et qui nous permettent à ce titre de pouvoir envisager notre développement. Voilà ce que je peux dire par rapport à cette question, par rapport à l'image de la Russie au Niger.
Revenons dans la région du Sahel. Est-ce que la création de l'Alliance des États du Sahel pourrait contribuer au développement du secteur minier, notamment ?
Tout à fait, parce que ces trois États qui se sont unis dans une confédération, qui est l'Alliance des États du Sahel (AES), ont quasiment les mêmes ressources minières. Notamment, elles partagent une zone géographique qui est très riche, qui est le Liptakogourma, qui est partagé entre ces trois États, et c'est une zone qui est effectivement très riche en minéraux, et qui fait que ces pays-là peuvent mutualiser leurs efforts pour développer les ressources minières
Est-ce qu'on peut dire que les défis qui se posent devant les gouvernements sont presque les mêmes ?
Absolument, ils sont tout à fait les mêmes.
Ma toute dernière question, est-ce que vous regardez RT en français, et puis est-ce qu'il y a le besoin de la part de la population d'avoir une source d'information alternative ?
Tout à fait, à ce niveau également. Je regarde ces médias-là, et il y a ce besoin-là effectivement d'avoir des sources d'informations alternatives, pour ne pas être également là dans la domination des mêmes médias occidentaux, qui ressassent à longueur des journées les mêmes contre-vérités. Donc, effectivement, aujourd'hui, nos populations sahéliennes ont besoin d'informations, et elles vont elles-mêmes à la quête de l'information par les différents médias, par les réseaux sociaux, et donc il y a ce besoin-là qui est présent.