Le Palais des Congrès de Niamey a servi de cadre ce mercredi 13 novembre 2024, à la cérémonie officielle d’ouverture du forum national sur les décès maternels et périnatals, un événement stratégique destiné à intensifier les efforts de réduction de la mortalité maternelle et néonatale au Niger. Placée sous le thème « Plus jamais de décès maternels et périnatals évitables au Niger.
Agissons ensemble ! », cette rencontre nationale de trois jours vise à mobiliser l’ensemble des acteurs pour dresser un état des lieux précis de cette problématique de santé publique, en identifiant les réalisations, les lacunes et les actions nécessaires, tout en favorisant des engagements concrets pour inverser la tendance.
À terme, la Déclaration de Niamey, élaborée et signée en présence du Premier Ministre Ali Mahaman Lamine Zeine, concrétisera les engagements de chaque partie prenante et définira des actions claires et mesurables pour réduire la mortalité maternelle et périnatale.
Validée lors de la clôture du forum, cette déclaration visera à accélérer la réduction des décès évitables et à progresser vers la Couverture Sanitaire Universelle, en cohérence avec les Objectifs de Développement Durable à l’horizon 2030.
Ce forum organisé par le Ministère de la Santé Publique de la Population et des Affaires Sociales, en partenariat avec des parties prenantes essentielles telles que l’UNICEF, l’OMS, est l’aboutissement d’une série de rencontres régionales au cours desquelles chaque région du Niger a diagnostiqué ses besoins spécifiques et formulé des recommandations adaptées.
Présidée par le ministre de la Santé Publique, de la Population et des Affaires Sociales, Dr. Garba Hakimi, et en présence des membres du gouvernement ainsi que du Gouverneur de Niamey, la cérémonie d’ouverture du forum a réuni les représentants des agences de coopération multilatérale et bilatérale, des agences du Système des Nations Unies, ainsi que des chefs traditionnels et religieux. On notait également la présence des cadres centraux et régionaux du ministère de la Santé Publique, de la Population et des Affaires Sociales, des partenaires techniques et financiers du secteur de la santé, des ONG, des experts en santé et des acteurs de la société civile.
Un contexte alarmant pour la santé maternelle et périnatale au Niger
Le Niger enregistre l’un des taux les plus élevés de mortalité maternelle et néonatale en Afrique de l’Ouest et Centrale. Divers facteurs structurels, économiques et culturels contribuent à cette situation, malgré les efforts croissants du gouvernement pour améliorer l’accès aux soins de santé et sensibiliser la population aux services disponibles. Les nouvelles mesures de gratuité des soins, l’accompagnement pour les césariennes, et la baisse des coûts de santé témoignent de la volonté de l’État de transformer l’environnement sanitaire pour les mères et les enfants.
Malgré des progrès réalisés au fil des années, les données révèlent que la mortalité néonatale a augmenté de façon préoccupante, passant de 24 pour mille en 2015 à 43 pour mille en 2021, selon l’Enquête Nationale à Indicateurs Multiples pour les Femmes et les Enfants (ENAFEME 2021). Cette mortalité contribue à environ 75 % des décès infanto-juvéniles, plaçant le Niger parmi les pays ayant les taux les plus élevés de mortalité infanto-juvénile dans la région. Quant à la mortalité maternelle, bien qu’elle ait baissé de 652 décès pour 100 000 naissances vivantes en 1992 à 520 en 2015, elle reste encore bien au-dessus de l’objectif des ODD, qui vise un seuil de 70 pour 100 000 naissances vivantes d’ici 2030.
Des facteurs structurels et sociaux contribuent à cette situation : l’accès limité aux soins prénataux et d’urgence obstétricale, la faible couverture en personnel qualifié et la lenteur dans l’amélioration des infrastructures sanitaires continuent de menacer la santé des femmes et des nouveau-nés. L’enquête de 2020 sur l’Initiative Nationale de Renforcement de la lutte contre les hémorragies du post-partum a mis en lumière un taux de mortalité maternelle de 446 pour 100 000 naissances vivantes, rappelant l’urgence d’actions concertées.
Ces décès, indicateurs critiques d’iniquités sociales, traduisent des lacunes profondes dans l’accès aux soins de santé de qualité. Les principales causes directes des décès maternels sont les hémorragies graves, qui surviennent avant, pendant et après l’accouchement (34 %), l’hypertension liée à la grossesse (28 %) et les infections pendant la grossesse ou après l’accouchement (24 %).
Quant aux causes indirectes, elles incluent l’anémie, présente dans 71 % des décès maternels, suivie du paludisme, qui en est responsable dans 13 % des cas. Les causes des décès néonatals au Niger, telles que, les infections (32 %), l’asphyxie (29 %) et les complications liées à la prématurité (24 %) soulignent l’urgence d’assurer des soins adéquats avant et pendant la naissance.
Toutefois, pour que ces soins parviennent à sauver des vies, il est essentiel de comprendre les obstacles structurels et sociaux qui freinent leur efficacité. En effet, la crise de la mortalité maternelle et néonatale au Niger est exacerbée par les "trois retards" identifiés par les spécialistes. Ces retards, allant de la prise de décision des ménages à l’accès difficile aux soins et à la prise en charge dans les structures de santé, révèlent les défis multiples qui contribuent à l’aggravation de la situation.
Le Niger réaffirme son engagement à éliminer les décès maternels et périnatals évitables
Le ministère de la Santé Publique, de la Population et des Affaires Sociales, avec l’appui des PTFs, travaillera à renforcer la disponibilité des infrastructures, à accroître le personnel de santé qualifié et à assurer la disponibilité des médicaments essentiels. La société civile, quant à elle, jouera un rôle vital dans la sensibilisation aux soins prénatals et dans la promotion de la planification familiale. Les chefs traditionnels et religieux seront également sollicités pour encourager les communautés à adopter des pratiques plus sûres pour la maternité.
Les partenaires techniques et financiers seront déterminants pour financer et soutenir des projets d’amélioration des infrastructures et de formation de personnel. Ces efforts devraient également inclure des stratégies de communication pour éduquer les ménages sur les dangers d’un accouchement non assisté et les bienfaits des soins de santé qualifiés.
Dans son allocution, le ministre de la Santé Publique, de la Population et des Affaires Sociales, médecin Colonel major Garba Hakimi a souligné la détermination du Niger à enrayer la mortalité maternelle et néonatale évitable et à bâtir un avenir où chaque naissance représente la vie et l’espoir. Il a dressé un bilan des progrès réalisés tout en pointant du doigt les défis persistants et les mesures stratégiques à renforcer pour un avenir plus sûr pour les femmes et les nouveau-nés du pays.
Le ministre de la santé a rappelé les progrès accomplis au cours des deux dernières décennies, avec une réduction notable du ratio de mortalité maternelle, passé de 648 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2006 à 441 en 2023. Ces efforts ont permis au Niger de devenir un exemple dans la réduction de la mortalité infanto-juvénile, mais, comme il l’a souligné, « les défis restent nombreux », notamment les trois retards : la prise de décision au niveau des ménages, les difficultés d’accès aux infrastructures de santé, et les lenteurs dans la prise en charge au sein des structures.
Dans une analyse approfondie des causes de décès, le ministre a mis en lumière les principales menaces directes : hémorragies, hypertension pendant la grossesse, et infections, représentant ensemble près de 86 % des décès maternels. Concernant la mortalité néonatale, les infections, l’asphyxie, et les complications liées à la prématurité constituent les principales causes. Le ministre a également dénoncé les faiblesses du système de santé et les influences socio-culturelles qui entravent les efforts de prévention et de soins.
Pour le gouvernement, la lutte contre la mortalité maternelle et périnatale est bien plus qu’une priorité de santé publique : elle est une question d’équité sociale et de promotion des droits humains. « La santé de la mère et de l’enfant est une priorité nationale » a affirmé le ministre, saluant les efforts impulsés par le Président Abdourahmane Tiani et le Premier ministre Ali Mahaman Lamine Zeine pour inscrire cette cause dans le Programme de Résilience pour la Sauvegarde de la Patrie.
Le ministre a réitéré les ambitions du Niger d’atteindre les Objectifs de Développement Durable, fixant pour horizon des ratios de mortalité de 70 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes, et de 12 décès néonatals pour 1 000 naissances vivantes. Afin de concrétiser ces objectifs, il a insisté sur l’importance de renforcer les audits de décès maternels et périnatals pour une meilleure réponse, ainsi que sur l’accès universel à des soins de qualité, tout en exhortant la communauté et les professionnels de santé à s’unir autour de cet enjeu national.
En clôturant son discours, le médecin Colonel major Garba Hakimi a exhorté les participants à formuler des recommandations concrètes et engageantes. « Il est temps de prendre des mesures concrètes pour sauver des vies et atteindre la couverture sanitaire universelle », a-t-il déclaré avec conviction, avant de déclarer officiellement l’ouverture du forum.
Engagement renforcé des Partenaires Techniques et Financiers (PTF) du secteur de la santé pour réduire la mortalité maternelle et périnatale au Niger
Auparavant, le Dr Casimir Tshikolasoni Manengu, Représentant de l’OMS au Niger, Chef de file des Partenaires Techniques et Financiers a délivré un message fort, appelant à une action collective immédiate. « Nous ne pouvons plus accepter que toutes les deux minutes, une femme perde la vie des suites d’une grossesse ou d’un accouchement », a-t-il déclaré, rappelant l’urgence et la gravité de la situation. Les chiffres montrent que la majorité de ces décès surviennent en Afrique subsaharienne, une réalité qui, pour lui, souligne l’importance d’une action ciblée et concertée.
Dr Manengu a insisté sur le fait que « la communauté internationale dispose des connaissances et des ressources pour prévenir la plupart des décès maternels et néonatals ». Pour y parvenir, il est crucial de garantir l’accès aux soins de santé essentiels pour chaque femme, avant, pendant et après l’accouchement. Selon lui, il est fondamental que tous les accouchements soient supervisés par des professionnels qualifiés : « La qualité des soins prodigués lors de l’accouchement est un facteur déterminant de survie pour les mères et les nouveau-nés ».
Le Représentant de l’OMS a également salué les efforts du gouvernement nigérien, qui, à travers ce forum, mobilise tous les secteurs pour une réponse intégrée. « La lutte contre la mortalité maternelle et néonatale nécessite une approche multisectorielle, impliquant le gouvernement, les ONG, les communautés et les partenaires internationaux », a-t-il souligné. Il a rappelé que des foras régionaux ont permis d’adapter les recommandations aux réalités locales, et que ce forum national permettra de consolider ces solutions.
Dr Manengu a tenu à rassurer sur l’engagement des partenaires financiers et techniques pour accompagner le Niger dans ses objectifs. « Les Partenaires Techniques et Financiers se tiendront toujours aux côtés du Niger pour garantir un accès équitable à des services de santé de qualité, notamment en santé reproductive, maternelle et néonatale ».
En terminant son allocution, Dr Manengu a exprimé sa confiance dans les engagements qui seront pris lors de ce forum, qui, selon lui, constitueront une avancée majeure vers la réalisation des Objectifs de Développement Durable d’ici 2030. « Chaque vie sauvée aujourd’hui contribue à bâtir un avenir où chaque femme et chaque enfant aura la possibilité de vivre pleinement et sainement », a-t-il affirmé, renouvelant ainsi son engagement et celui des partenaires à soutenir le Niger dans ce combat crucial.
Mobilisation nationale pour la santé maternelle et néonatale : vers une action multisectorielle et durable au Niger
Au Niger, la lutte contre la mortalité maternelle et périnatale est non seulement un défi de santé publique, mais aussi un impératif d’équité sociale et de droits humains. La mortalité maternelle et néonatale affecte de manière disproportionnée les femmes et les enfants, et les autorités nigériennes ont inscrit cette problématique dans le Programme de Résilience pour la Sauvegarde de la Patrie. En renforçant l’accès aux soins de santé et en stabilisant la croissance démographique, le gouvernement espère atteindre les objectifs fixés et améliorer de manière significative les conditions de vie des populations.
Ce forum est donc une initiative ambitieuse pour impulser une dynamique nationale de changement, plaçant le Niger sur la voie de la réduction durable des décès maternels et périnatals et honorant ses engagements en faveur des Objectifs de Développement Durable.
Le Général de Brigade Assoumane Abdou Harouna, Gouverneur de la Région de Niamey a dans son mot de bienvenue salué les efforts du Niger pour atteindre les Objectifs de Développement Durable (ODD), en particulier l’ODD 3 sur la santé. Il a souligné que la réalisation de cet objectif nécessite une approche multisectorielle intégrée aux autres objectifs mondiaux pour garantir une meilleure santé aux populations.
Le Gouverneur a mis en avant les progrès réalisés depuis le forum de 2018, avec 75% des recommandations déjà mises en œuvre dans la région de Niamey. Cependant, il a aussi pointé les défis persistants, notamment le besoin de renforcer la disponibilité et la qualité des ressources humaines, et l’importance d’une prise de conscience citoyenne et d’un engagement sincère des professionnels de santé. Assoumane Abdou Harouna a déploré le manque de dévouement de certains acteurs du corps médical, qui partagent leur temps entre les services publics et des cliniques privées, au détriment de leurs patients dans le secteur public.
Avec des mots forts, il a appelé à un changement radical de comportement et à une prise de conscience collective pour honorer les valeurs du corps médical nigérien. Il a exhorté à un "sursaut patriotique", incitant les participants à rejeter toute forme de négligence et à préserver la vie des mères et des nouveau-nés.
Enfin, le Gouverneur a souligné la nécessité d’un engagement collectif pour sauver les vies des mères et des enfants, rappelant que "la vie n’a pas de couleur, ni religion, ni ethnie".
Des engagements concrets pour un avenir sans décès maternels ni néonatals évitables
Le forum national vise à élaborer une réponse collective et coordonnée pour améliorer la santé des mères et des nouveau-nés, en s’appuyant sur les enseignements des mini-forums régionaux. Au programme de ces trois jours de travaux, des ateliers techniques aborderont les différentes causes de la mortalité maternelle et néonatale, ainsi que les pistes d’interventions prioritaires. La Session 1 se concentrera sur une évaluation multisectorielle des défis, tandis que la Session 2 portera sur l’élaboration d’actions concrètes à court, moyen et long terme, incluant des mécanismes pour renforcer l’accessibilité et la qualité des soins.
La Déclaration de Niamey, à laquelle adhèreront toutes les parties prenantes, symbolisera un engagement ferme pour réduire la mortalité maternelle et néonatale et traduira les décisions du forum en actions concrètes. Le Premier ministre, lors de la cérémonie de clôture, officialisera cette déclaration qui constituera une feuille de route pour le gouvernement, les organisations de santé et les partenaires.
À travers ce forum, le Niger espère tracer une voie vers un avenir où chaque naissance peut avoir lieu dans des conditions de sécurité et de dignité. Les engagements qui seront pris visent à bâtir un système de santé plus résilient, inclusif et adapté aux besoins des populations rurales, souvent les plus touchées par la crise de mortalité maternelle et périnatale.
Ce forum national sur les décès maternels et périnatals marque une étape cruciale dans la lutte pour réduire ces tragédies évitables au Niger. Si les défis sont grands, ils sont loin d’être insurmontables.
En consolidant les efforts de toutes les parties prenantes et en intensifiant les campagnes de sensibilisation pour encourager les comportements favorables à la santé des mères et des enfants, les autorités peuvent non seulement sauver des vies, mais aussi renforcer le bien-être de ses communautés. Avec une approche axée sur l’amélioration des infrastructures, l’accès équitable aux soins de santé et l’autonomie des femmes dans leurs décisions de santé, le pays est bien positionné pour accomplir des progrès significatifs vers un avenir où chaque naissance est synonyme de vie et d’espoir.