Le régime de Mahamadou Issoufou veut-il s’aliéner sa presse ? En tout cas, tout porte à le croire au regard des arrestations répétitives d’hommes de médias dont certains ont été placés en garde à vue pendant plusieurs jours avant d’être libérés. Pendant que l’on libère certains, d’autres sont interpelés. Et pas plus tard que le 12 février dernier, deux journalistes et un syndicaliste ont été placés en garde-à-vue dans les locaux de la police nationale.
Ces journalistes avaient été arrêtés en violation de la loi fondamentale du pays
Les chefs d’inculpation retenus contre eux, sont complot contre la sûreté de l’Etat et outrage au président de la République. Or, selon des dispositions de la Constitution nigérienne en matière de délit de presse, la détention préventive est interdite. En d’autres termes, « le juge ne peut décerner ni mandat de dépôt ni mandat d’arrêt », contre un journaliste.
On peut donc dire sans risque de se tromper que ces journalistes ont été arrêtés en violation de la loi fondamentale du pays. Ce qui est déplorable pour l’image du Niger, ce petit pays qui, il n’y a pas longtemps, s’était illustré positivement en matière de respect des valeurs démocratiques. On se rappelle que la présidente de la Cour constitutionnelle avait, à l’époque, refusé d’obéir aux injonctions de l’ancien président Mamadou Tandja, dans son projet de patrimonialisation du pouvoir. On se rappelle aussi que le président Mahamadou Issoufou avait été accueilli par bon nombre de Nigériens à la tête de l’Etat comme un bon démocrate.
Pourquoi donc cette subite répression contre des hommes de la presse ? Le président Issoufou veut-il marcher sur les traces de Tandja qui, lui aussi, n’avait trouvé mieux à faire que d’envoyer Moussa Kaka dernière les barreaux ? De toute évidence, en prenant une solution aussi extrême contre des journalistes, le Niger risque de se voir classer parmi les pays prédateurs des droits de l’Homme et donc de la liberté d’expression, à l’instar de la Gambie de Yaya Jammeh. Certes, ces journalistes ont peut-être franchi le Rubicon. En effet, la dépénalisation de délits de presse ainsi que la liberté de la presse, peuvent pousser certains à de graves dérives.
Il vaut mieux avoir une presse à parfaire que de ne pas en avoir du tout
C’est pourquoi, pour pratiquer le métier de journaliste avec responsabilité, l’éthique et la déontologie doivent être la boussole de chaque journaliste. Car, comme on le dit, la presse est une arme redoutable, capable de construire comme de détruire. Le cas de la radio mille collines au Rwanda pendant le génocide de 1994, en est l’illustration parfaite. Napoléon n’a-t-il d’ailleurs pas dit qu’une plume fait plus mal que mille baïonnettes ? Le régime de Issoufou doit comprendre qu’il vaut mieux avoir une presse à parfaire que de ne pas en avoir du tout.
A-t-il imaginé un seul instant ce que deviendrait la démocratie au Niger, en Afrique et dans le monde sans la presse ? La démocratie se nourrit de la presse et vice-versa. L’une sans l’autre c’est comme un voyageur qui dispose d’une voiture sans essence ou qui dispose d’essence sans voiture. En tous les cas, les deux choses sont interdépendantes. C’est tant mieux que les autorités nigériennes se soient vite ravisées en libérant tous les journalistes qui avaient été mis aux arrêts car la place d’un journaliste n’est pas en prison. Loin s’en faut.