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Relations franco-tchadiennes : quand l’obtention du visa devient un levier politique

Publié le lundi 4 aout 2025  |  Autre presse
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© aNiamey.com par DR
Avant sa tournée en Afrique centrale, Emmanuel Macron fixe le cap de sa politique africaine
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L’Ambassade de France au Tchad a récemment fait face à une vague de désinformation qui s’est largement propagée sur les réseaux sociaux et certains sites peu fiables. Des publications prétendaient, à tort, que la France aurait suspendu la délivrance de visas aux ressortissants tchadiens. Face à l’ampleur de ces rumeurs, l’ambassade a publié un démenti officiel le 1er août 2025, qualifiant ces informations de « fausses » et appelant les citoyens à se référer uniquement aux canaux officiels. Dans son communiqué, elle rappelle que la délivrance des visas se poursuit normalement, sans interruption, et que toutes les annonces importantes sont diffusées sur ses plateformes certifiées. Ce geste vise à rétablir la vérité et à contrer les effets néfastes de la désinformation dans un climat déjà tendu.Toutefois, cet épisode n’est pas isolé. En effet, une situation comparable s’est produite au début du mois de juin 2025, ou des dizaines de demandeurs de visa s’étaient rassemblés dès l’aube devant les locaux de l’ambassade, souvent sous la pluie, espérant accéder à leurs rendez-vous. Beaucoup d’entre eux avaient payé des frais auprès de la société intermédiaire ‘’SAMACO’’, chargée de la gestion des rendez-vous. Malgré cela, plusieurs candidats ont été refoulés ou ont découvert que leurs rendez-vous n’étaient pas reconnus. Des témoignages publiés sur les réseaux sociaux et relayés par les médias locaux faisaient état de frustration, de colère et d’un sentiment profond d’injustice, renforçant la méfiance générale à l’égard du système de délivrance des visas.Il est donc important de reconnaître que, même si les rumeurs sur la suspension des visas sont fausses, elles ne sortent pas de nulle part. Elles trouvent leur origine dans un contexte réel de difficultés persistantes et de frustration accumulée. Obtenir un visa français au Tchad est devenu, pour beaucoup, un parcours du combattant. Le processus est non seulement complexe et opaque, mais il est également entaché par des pratiques que plusieurs observateurs qualifient de douteuses. Depuis que la société privée ‘’SAMACO’’ a été mandatée pour gérer la prise de rendez-vous, les plaintes se sont multipliées. ‘’SAMACO’’ est accusée de désorganisation flagrante, d’absence de transparence, et même d’abus financiers. De nombreux demandeurs affirment avoir payé pour des créneaux qui ne sont jamais honorés, ou pire, qui sont ensuite revendus à d’autres bénéficiaires. Le plus inquiétant est que cette société ne dispose d’aucun siège visible ni de représentants identifiables, ce qui empêche tout recours ou réclamation.Cette situation crée un climat d’incertitude et d’impuissance chez les citoyens tchadiens. Beaucoup finissent par se tourner vers des réseaux parallèles ou informels pour espérer obtenir un visa, alimentant ainsi un marché noir où les pots-de-vin et les connexions personnelles deviennent parfois plus efficaces que les démarches légales. Dans un environnement marqué par le manque de transparence et la prolifération des passe-droits, les suspicions de corruption se multiplient. Ce dysfonctionnement est d’autant plus préoccupant qu’il ne semble susciter aucune réaction significative ni des autorités françaises ni des responsables tchadiens, donnant l’impression d’un abandon institutionnel face à une problématique qui touche directement des milliers de personnes.Mais ces difficultés administratives doivent également être analysées à la lumière d’un contexte géopolitique plus large. Les relations franco-tchadiennes se sont nettement détériorées ces derniers mois. Le 28 novembre 2024, le gouvernement tchadien a officiellement annoncé la fin de l’accord de coopération militaire avec la France, mettant ainsi un terme à plus de 125 ans de présence militaire française sur son sol. En janvier 2025, les dernières troupes françaises ont quitté le pays, marquant un tournant historique dans les relations bilatérales.Le président Mahamat Idriss Déby Itno a justifié cette rupture en soulignant que l’accord n’avait plus d’utilité stratégique pour le Tchad et qu’il était temps pour le pays de reprendre le contrôle total de sa souveraineté nationale. Ce retrait s’inscrit également dans une dynamique régionale plus vaste, où plusieurs pays d’Afrique francophone, notamment au Sahel, choisissent de réorienter leur politique étrangère.Dans ce contexte, le Tchad a commencé à renforcer ses partenariats avec d’autres acteurs internationaux, notamment la Hongrie, la Turquie et d'autres. Cette réorientation stratégique, qui marginalise peu à peu les partenaires traditionnels comme la France, alimente une tension croissante entre Paris et N’Djaména. Bien que les autorités tchadiennes affirment ne pas rompre les relations diplomatiques avec la France, il est évident que la confiance mutuelle est érodée. Certains analystes estiment que cette nouvelle posture politique pourrait indirectement influencer les politiques consulaires françaises à l’égard des ressortissants tchadiens. En d’autres termes, la complexité croissante des démarches pour obtenir un visa pourrait s’expliquer, en partie, par les tensions diplomatiques en cours.Ainsi, la question se pose ouvertement : la France durcit-elle volontairement les conditions d’accès aux visas pour les Tchadiens en réponse à la nouvelle orientation politique du régime Déby ? Si cela s’avère exact, cela reviendrait à instrumentaliser les procédures consulaires dans une logique de pression géopolitique, aux dépens des citoyens ordinaires. Ce serait non seulement injuste, mais contraire aux principes de coopération et de respect mutuel qui devraient guider les relations entre États souverains. Dans tous les cas, le sentiment général parmi la population tchadienne est celui d’un isolement croissant, d’un accès restreint à l’Europe, et d’un rejet administratif qui ne fait qu’attiser les frustrations et renforcer les récits de marginalisation.Face à une situation aussi dégradée, l’ambassade de France ne peut se dérober à ses responsabilités. L’ampleur des dysfonctionnements constatés dans le processus de délivrance des visas, notamment les abus imputés à son prestataire ‘’SAMACO’’, exige bien plus qu’un simple démenti formel. Le silence prolongé de l’ambassade, son absence de réaction face aux plaintes répétées, et son manque de transparence alimentent l’idée d’un désengagement délibéré vis-à-vis des préoccupations légitimes des citoyens tchadiens. En laissant prospérer un système opaque et injuste, elle contribue à fragiliser encore davantage une relation déjà éprouvée par les tensions diplomatiques. Ce traitement, perçu comme méprisant et discriminatoire, risque à terme de miner durablement la crédibilité de la France et de compromettre tout espoir d’un partenariat sincère et équitable entre les deux pays.
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