Niamey a accueilli, le mercredi 10 décembre 2025, une réunion ministérielle d’une portée stratégique majeure pour l’Alliance des États du Sahel (AES). Présidée par le Premier ministre nigérien, Ali Mahamane Lamine Zeine, cette rencontre regroupait les ministres en charge des mines, de l’énergie et du pétrole des pays membres, élargie aux représentants du Tchad et du Togo, partenaires désormais pleinement associés aux réflexions régionales.
L’ouverture solennelle, marquée par l’hymne national du Niger puis celui de la Confédération AES, a donné le ton : Niamey entend consolider son rôle de capitale politique, diplomatique et désormais énergétique de l’espace sahélien.
Au cœur des débats, un objectif politique central : poser les bases d’une souveraineté énergétique régionale et d’une transformation locale des ressources minières, condition essentielle pour sortir du modèle extractiviste hérité de l’ordre ancien.
Une feuille de route pour l’autonomie : l’AES structure son pilier “Développement”
La rencontre de Niamey s’inscrit dans l’opérationnalisation du pilier « Développement » de la Confédération AES, aux côtés de la défense/sécurité et de la diplomatie. Durant 48 heures, les experts des États sahéliens, rejoints par ceux du Togo et du Tchad, ont produit des travaux qualifiés de « laborieux, pertinents et approfondis », destinés à fournir aux ministres des outils d’aide à la décision.
Cette phase marque une étape décisive dans la construction d’une gouvernance commune, capable d’harmoniser les stratégies minières, pétrolières et énergétiques dans un espace géopolitique où la pression extérieure demeure forte.
Le ministre malien de l’Énergie et de l’Eau, Boubacar Diane, chef de la délégation invitée, a salué l’engagement du Niger et exprimé la gratitude du président Assimi Goïta envers le général Abdourahamane Tiani. Il a rappelé le soutien déterminant de Niamey au Mali face à la crise énergétique déclenchée par des attaques terroristes visant les convois d’hydrocarbures.
Faire face aux convoitises : ressources naturelles et bataille géostratégique
Les échanges ont mis en lumière les enjeux géopolitiques qui entourent les richesses sahéliennes. Les ministres ont souligné que les attaques récentes contre les transports d’hydrocarbures, les pressions autour des contrats aurifères au Mali et au Burkina Faso, les perturbations ciblant la production pétrolière au Niger ou encore les « agitations » d’Orano au sujet de l’uranium nigérien ne sont pas des événements isolés : ils révèlent une bataille pour la maîtrise des ressources stratégiques de la région.
Les représentants de l’AES l’ont rappelé sans détour : la violence terroriste et la déstabilisation économique qui frappent le Sahel ont pour toile de fond la compétition pour ses minerais, son pétrole, son soleil et son potentiel énergétique. Face à ces pressions, les pays sahéliens entendent reprendre la main.
« Nous sommes assis sur des richesses inestimables, mais nos populations restent parmi les plus pauvres. Cela n’est plus acceptable », a insisté Ali Mahamane Lamine Zeine.
Transformer localement, mutualiser les forces : l’ambition industrielle de l’AES
La réunion a mis en avant trois priorités structurantes.
D'abord, bâtir une indépendance énergétique régionale fondée sur les atouts propres à l’espace sahélien – uranium, soleil, charbon, pétrole, gaz et potentiel hydraulique.
Ensuite, favoriser la transformation locale des minerais afin de mettre fin à un modèle où la valeur ajoutée échappe systématiquement aux pays producteurs.
Enfin, faire des secteurs miniers et énergétiques une source d’emplois et de prospérité pour une jeunesse nombreuse, qualifiée et désireuse de participer à l’industrialisation de la région.
Le Premier ministre a appelé à ne « compter que sur nos propres forces », en privilégiant la coopération Sud-Sud et les logiques de mutualisation rendues possibles par l’AES. Il a réaffirmé l’ouverture de la Confédération, dans le respect du principe gagnant-gagnant, pour toute coopération internationale équitable.
Modernisation et numérique : le Niger dévoile son e-cadastre minier
Moment fort de la rencontre : la présentation de la plateforme nigérienne e-cadastre minier, pilotée par le ministre des Mines, le commissaire-colonel Abarchi Ousmane. Cet outil, qui numérise la gestion des titres miniers, marque une avancée significative dans la transparence, le contrôle des opérations, l’attractivité des investissements et la gouvernance moderne des ressources.
Cette innovation, mise en avant lors d’une session dédiée, symbolise l’ambition du Niger de faire du numérique un pilier de la refondation de son secteur extractif, comme régulièrement souligné par Nigerdiaspora dans ses analyses sur les transformations institutionnelles du pays.
Une rencontre conclue sous le signe de la cohésion et de l’efficacité
En soirée, les ministres ont été reçus par le Premier ministre Ali Mahamane Lamine Zeine, qui a salué « la qualité des conclusions issues de travaux d’une grande profondeur ». La délégation, conduite par le ministre malien de l’Énergie, a exprimé sa satisfaction quant à la rigueur des experts et à la capacité collective d’aboutir à des décisions concrètes.
La souveraineté énergétique, minière et pétrolière reste plus que jamais au cœur du projet politique de la Confédération AES. Niamey, par cette rencontre élargie au Tchad et au Togo, confirme sa volonté d’incarner le moteur stratégique d’un espace en quête d’autonomie, de sécurité et de développement durable.
Un Sahel qui se redéfinit par ses ressources et sa volonté politique
La réunion de Niamey marque un tournant : celui d’un Sahel qui refuse désormais d’être défini par ses fragilités pour se projeter à travers ses potentialités. Dans un contexte mondial de compétition accrue pour les ressources stratégiques, l’AES construit une architecture institutionnelle solide et assume sa trajectoire souverainiste.
Le chemin reste exigeant, mais la dynamique est lancée : une union politique, énergétique et minière fondée sur la coopération régionale, la transformation locale et la défense commune des intérêts sahéliens.
Aïssa Altiné (Nigerdiaspora)