Madaoua est l’une des plus importantes zones de production d’oignon au Niger après Galmi, terre d’attache des bulbes violettes. Les vastes étendues exploitées qui bordent la route nationale N°1, la RN°1, en informent suffisamment les visiteurs. Tout comme à Galmi, le Violet est la principale spéculation cultivée en irrigation à Madaoua, Toufafi et environs. Seulement, les producteurs du violet ne tirent pas véritablement leur épingle de jeu.
Et même le comptoir, créé pour palier cette situation et valoriser la commercialisation de ce produit devenu presque stratégique dans cette zone, est loin de répondre à cet objectif.
La culture du ‘’violet de Galmi’’ nécessite un important investissement. Une situation qui amène les producteurs à s’endetter pour acquérir les engrais, les pesticides, les herbicides et bien d’autres intrants et équipements nécessaires à la production (motopompes, forages, etc.). De même, il demande beaucoup de soins sur une période relativement longue. Mais lorsque vient la récolte et le moment de commercialisation, le violet de Galmi acquiert un goût encore plus piquant pour les producteurs. En réalité, les producteurs ne gagnent pas grand-chose, puisque tout leur échappe. Ils ne maîtrisent ni le cours des prix, ni même les mesures. Tenez vous bien, les acheteurs viennent avec les contenants de leur choix.
Et puisque tout le monde veut vendre en même temps, les prix fluctuent au gré des humeurs des acheteurs et des intermédiaires. ‘’Chacun est pressé de vendre pour avoir de quoi satisfaire les besoins pressants de la famille. Cette situation est davantage favorisée par la difficulté de stockage de ce produit hautement périssable’’, explique M. Salissou Bawa, directeur départemental de l’Agriculture de Madaoua. En ont-ils vraiment le choix ? ‘’Il faut bien vendre le produit pour rembourser nos dettes, et pour les autres charges sociales comme les mariages de nos enfants’’, confie Ibrahim Baouchi Oumarou, 42 ans, un producteur rencontré à Tounfafi.
Mais la réalité des opérations de vente est cruelle. ‘’Certains paysans ne veulent même pas assister au remplissage des sacs’’, dit le directeur régional de l’Agriculture de Madaoua. En effet, ce sont les acheteurs qui viennent avec leurs propres sacs. ‘’Ils refusent les sacs neufs et optent pour de vieux sacs dont les fibres sont bien tendues et peuvent donc contenir le maximum d’oignon’’ témoigne Boubé Harouna, un jeune producteur de 29 ans. Mais le pire dans cette situation, c’est qu’il existe un comptoir construit à grand frais par l’Etat avec l’appui des partenaires, pour permettre aux producteurs de jouir véritablement du fruit de labeur.
Malheureusement, c’est la mort dans l’âme que le directeur dudit comptoir fait constater que les producteurs ne fréquentent pas cette structure. Pire, même les prix qui sont fixés par le comptoir sont vite cassés par les intermédiaires et souvent les producteurs eux-mêmes. ‘’On a beau sensibiliser les gens sur leur intérêt à venir ici, jusqu’ici ils refusent’’, dit M. Bouba Abdou Mahamadou directeur du comptoir.
Une très faible fréquentation du comptoir de Madaoua
Créé en 2009, le comptoir d’oignon de Madaoua a été effectivement mis en service en avril 2012. Il est destiné à commercialiser l’oignon produit dans cette zone. A ce titre, il est géré par les organisations paysannes. Malheureusement, en cette période pourtant de récolte, les bureaux et les hangars de ce comptoir sont déserts, preuve de l’absence de fréquentation.
Le comptoir est doté d’un bureau de douane qui permet aux acteurs d’effectuer les opérations douanières. De même, le passage des camions au comptoir permet à l’Etat et à la commune de rentrer dans leurs droits en termes de taxes, mais aussi de maîtriser les statistiques sur ce secteur. C’est dans cette optique que l’Etat avait pris l’arrêté interministériel N°120/MI/SP/D/AR/MC/PSP/MF/MAG du 18 février 2012 portant création d’un bon d’enlèvement et de commercialisation des produits agro-sylvo-pastoraux. Cet arrêté est complété par la circulaire N°00000062/DGD/DRRI du 10 août 2012.
En outre, c’est le comptoir qui fixe les prix de vente de l’oignon. Malheureusement, malgré cet arsenal, le comptoir est désespérément vide. ‘’En cinq (5) jour, je n’ai enregistré qu’un seul camion’’, confie un agent des douanes trouvé sur place. Une fréquentation quasi nulle que confirme le directeur du Comptoir. ‘’Au moment où le comptoir enregistre le passage de seulement cinq (5) camions, 40 camions quittent Madaoua. Ils ne passent ici que pour prendre le bon d’enlèvement’’, indique M. Bouba Abdou Mahamadou. Ainsi, d’avril à septembre, le comptoir aura enregistré le passage de seulement 300 camions.
Pour ne pas perdre ses droits, la commune a dû prendre des dispositions. ‘’Nous avons placé une sentinelle à chaque sortie de la ville pour percevoir nos droits. Si le comptoir marchait bien, on n’aurait pas besoin de procéder ainsi’’, déplore M. Amadou Salah, secrétaire général de la commune. A noter que la mairie perçoit 250 francs par sac. Mais cette procédure n’est pas exempte de tout reproche, en ce sens que les camionneurs peuvent tricher. ‘’Un camion peut prendre jusqu’à 250 sacs, mais lors de la déclaration pour payer les droits de la mairie, certains déclarent seulement 150 sacs. Ce qui aurait pu être évité si tous les camions passaient par le comptoir’’, indique-t-on du côté de la mairie.
Mais, le plus flagrant dans cette situation, c’est que même les prix fixés par le comptoir, à travers un comité, ne sont pas respectés. En mars, où nous nous sommes rendus à Madaoua, les prix fixés par le comptoir étaient de 30.000 pour le grand sac et 25.000 F pour le petit sac. ‘’Malheureusement certains acteurs, dont même les producteurs, les ont cassés. Et le grand sac se vendait à 16.000 F, alors que le petit sac coutait lui 12.000 F’’, dit le directeur du Comptoir. L’effondrement des cours du violet ne fera que se poursuivre de l’avis des personnes avisées. ‘’Dans un mois, quand vous reviendrez ici, le sac sera à moins de 10.000 F’’, confie le directeur départemental de l’Agriculture. Pourtant, une fois sortie du Niger, le sac du violet atteint, à certaines périodes, jusqu’à 100.000 F.
Plusieurs raisons expliquent le dysfonctionnement ou plutôt la très faible fréquentation du comptoir. Il y a d’abord le fait que plusieurs communes produisent le violet, à savoir Sabon Guidan, Madaoua, Malbaza, Azarori, Ourno, Doguéraoua, Galma, etc. Vu que le comptoir génère des recettes, aucune de ces communes ne voudra amener sa production ailleurs et perdre en recettes. Mais, il y a aussi et surtout le refus des producteurs. ‘’Certains pensent qu’ils vont perdre les 7.000 F que gagne le comptoir sur chaque sac. Or il n’en est rien’’, affirme le directeur du comptoir. Par ailleurs, les problèmes de personnes, donc de confiance entre les différents acteurs, ne sont pas à exclure. ‘’C’est une affaire de coopératives paysannes, l’Etat ne veut pas s’y ingérer’’, indique M. Amadou Salah, secrétaire général de la commune de Madaoua.
Vers une diversification des cultures
Quoiqu’il en soit, cette situation n’arrange personne, surtout pas les producteurs. Du côté des pouvoirs publics, l’on envisage d’impulser un changement de mentalité et surtout une diversification des cultures. ‘’Nous sensibilisons les populations à produire d’autres spéculations que l’oignon’’, dit M. Sorka Mounkaïla, préfet de Madaoua. Cette volonté de changement a commencé à être traduite en actes. En effet, l’Etat a mis à la disposition des producteurs des semences rapides de maïs, de blé, de sorgho et de niébé, ainsi que des kits de matériels, des motopompes et des engrais.
Certains ont déjà commencé à diversifier leurs cultures. ‘’J’ai divisé mon exploitation en deux. J’ai semé du maïs et du sorgho sur une partie, et de l’oignon sur l’autre. Je vais d’ailleurs ajouter du niébé’’, confie M. Alio Elhadji Sani, un producteur de Tounfafi. ‘’Notre objectif est d’aménager, chaque année, 100 ha cultures autres que l’oignon’’, renchérit M. Salissou Bawa, directeur départemental de l’Agriculture. Cette diversification des cultures permettra, d’une part, aux producteurs de Madaoua de mieux tirer profit de leur labeur, vu que notre pays importe encore des céréales. D’autre part, elle contribuera à atténuer la pollution que génère la culture d’oignon par l’utilisation, en très grande quantité, de l’engrais, des pesticides et des herbicides. En attendant cette transition, tous les acteurs doivent joindre leurs efforts pour rendre le comptoir opérationnel.