La défense de James McCormick s'est finalement révélée aussi vide que ses détecteurs d'explosifs. Après trois ans et demi d'enquête de la police du comté de Somerset, le mensonge de ce Britannique de 57 ans a fini par être dévoilé. Jeudi 2 mai, il a été condamné à dix années de prison pour fraude. Mais combien de morts a-t-il sur la conscience ?
Comme tous les bons mensonges, celui de James McCormick était suffisamment énorme pour être crédible. L'homme d'affaires déclarait avoir inventé une technologie révolutionnaire qui permettait de détecter des explosifs dans un rayon d'un kilomètre. Un véritable rêve pour les services de sécurité du monde entier. Il suffisait de tenir dans ses mains un boîtier semblable à un gros allume-gaz, et sa longue antenne, similaire à celle d'un poste de radio, se dirigeait irrésistiblement là où se trouvait la bombe. Mieux encore, l'Advanced Detecting Equipment (ADE), un nom suffisamment abscons pour paraître réaliste, pouvait aussi détecter de la drogue, de l'ivoire, des billets de banque ou toute autre substance, voire des êtres humains.
Le tout avec une simplicité d'utilisation désarçonnante. Il suffisait de mettre un petit morceau du type d'explosif ou du matériau à détecter dans une jarre en verre ; placer un petit autocollant dedans, pour qu'il en absorbe les vapeurs ; coller l'autocollant sur une carte en plastique à glisser dans l'appareil ; et voilà, c'était prêt ! Ne restait plus qu'aux agents de sécurité à se promener, boîtier en main, pour déjouer aisément toute tentative d'assassinat ou de contrebande.
RADIESTHÉSIE
La science derrière ce boîtier révolutionnaire ? "C'est assez similaire à [celle] de la radiesthésie", affirmait sans rire M. McCormick dans un rare entretien qu'il a donné à la BBC en 2009. La radiesthésie ? En clair, le même principe qui se trouve derrière la baguette de sourcier, une croyance sans fondement qui pense pouvoir détecter les radiations. Mais, à 5 000 dollars pièce pour les moins chers, et 40 000 dollars pour les plus sophistiqués, l'ADE en imposait : il n'était pas question de mettre en doute le sérieux de la trouvaille.
Résultat, des services de sécurité du monde entier se sont arraché l'invention. L'Irak, traumatisé par des attentats quotidiens, a été le principal client, suivi par l'Afghanistan, en proie aux attentats-suicides. Le Niger, l'Arabie saoudite, la Géorgie, l'Algérie, la police et l'armée thaïlandaises ont aussi sorti leurs chéquiers, tout comme la Libye de Kadhafi ou les rangers kenyans. Même les Nations unies au Liban se sont équipées, à l'instar de Michel Aoun, dont les gardes du corps usaient de l'ADE avec le plus grand sérieux en 2006. De quoi permettre à M. McCormick de vendre au moins 7 000 appareils, dégageant des bénéfices de plus de 50 millions d'euros.... suite de l'article sur LeMonde.fr