Le président de la République du Niger, démocratiquement élu le 7 avril 2011, a été un fervent partisan d'une intervention dans le nord du Mali. Quelque 600 soldats nigériens sont déjà engagés au sein de la Mission internationale de soutien au Mali (Misma). Confronté dans le passé à des rébellions touareg, frontalier du Mali, victime à plusieurs reprises de groupes proches d'AQMI, le Niger considère que la crise malienne lui pose un problème de sécurité intérieure. Interrogé dans le cadre de l'émission de TV5 Internationales, samedi 2 février, à Niamey, en partenariat avec RFI et Le Monde, Mahamadou Issoufou appelle, à moyen terme, à l'organisation d'élections démocratiques dans le nord du Mali.
L'intervention française dans le nord du Mali était-elle nécessaire et légitime ?
Absolument. Si la France n'était pas intervenue après l'offensive des djihadistes sur Konna, ces derniers seraient à Bamako. L'Etat malien serait devenu un Etat terroriste, menaçant les Etats des pays voisins dont le Niger. L'intervention de la France est légitime et courageuse. J'entends certains dénoncer un retour de la Françafrique. Je ne partage pas cette analyse. Si la Françafrique veut dire l'existence de ces réseaux d'Africains et de Français fonctionnant aux dépens des peuples d'Afrique, alors cette intervention ne relève pas de la Françafrique.
Sur le plan militaire, la Misma sera-t-elle prête à prendre le relais des forces françaises ? Ne faut-il pas rapidement mettre en place un encadrement par l'ONU ?
J'ai confiance en la Misma. Le contingent nigérien est prêt depuis longtemps et se trouve actuellement à Gao. Les autres pays africains sont en train de se préparer et de se mettre en place. Je signale que le Tchad est déjà présent.
Le plus important, c'est qu'il y ait une force capable de sécuriser le nord du Mali afin de créer les conditions pour l'organisation d'élections libres et démocratiques. Je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'il y ait des Casques bleus.
Vous écartez toute perspective d'indépendance du nord Mali, revendiquée par les touareg du MNLA. Une autonomie renforcée est-elle une solution ?
Le plus important est de promouvoir les valeurs démocratiques, de permettre au peuple de s'exprimer, quelle que soit son ethnie ou sa communauté. Une autre façon d'impliquer les populations à la base est la décentralisation. C'est ce que nous avons mis en œuvre au Niger : nos régions sont dirigées par des responsables désignées par les populations locales. Cela peut être une voie pour le Mali sur le plan politique.
Ce qui est important, c'est de noter que les touareg ne sont pas toujours représentés par ceux qui prétendent les représenter. Le MNLA n'est pas représentatif du peuple touareg au Mali. Il est très minoritaire.
On a eu l'impression que la France poussait à une négociation entre le MNLA et le pouvoir à Bamako. Est-ce une erreur d'appréciation de la part de Paris ?
Je ne pense pas que l'on puisse dire qu'il s'agit d'une erreur. Le MNLA était armé, c'est le premier responsable du déclenchement de la crise au Mali en janvier 2012. On ne peut pas ne pas tenir compte du MNLA mais je le répète : il n'est pas représentatif de la communauté touareg.
Les djihadistes du nord du Mali se revendiquent de l'islam. Est-ce une simple façade idéologique, très différente de l'islam pratiqué au Sahel traditionnellement ?
Ces djihadistes ne sont pas des musulmans. Ce sont des trafiquants de drogue et d'armes. L'islam est une religion qui prêche la modération. C'est pourquoi, au Niger, nous disons qu'aller faire la guerre contre ces gens-là n'est pas aller faire la guerre contre l'islam. C'est faire la guerre contre des terroristes, des extrémistes et des trafiquants de drogue.