Grave insurrection populaire à Diffa, fronde des étudiants contre la France et le Groupe Areva, grève en vue des agents du secteur de la santé, retour en force de l’opposition politique, etc. Ce sont là les nouvelles menaces qui pèsent sur le régime de la 7ème République qui vient à peine de boucler ses deux années de gestion du pouvoir d’Etat, assorti d’un bilan élogieux présenté par le Chef de l’Etat. La situation est plus qu’alarmante pour le régime de Mahamadou Issoufou.
Le Guri a ainsi vécu, la semaine écoulée, une situation assez difficile avec le mouvement enclenché par les jeunes de la région de Diffa qui protestent contre le recrutement d’une importante main d’œuvre au profit de la China petroleum corporation (CNPC-Niger) et d’autres entreprises chinoises de sous-traitance basées dans la localité.
A ces remous sociaux sont venues se greffer des situations politiques assez difficiles pour le régime qui, non seulement doit faire face à l’opposition politique, regroupée au sein de l’Alliance pour la réconciliation nationale (ARN) mais aussi affronter certaines velléités au sein même de la mouvance au pouvoir qui torpillent la mise en œuvre du programme de la renaissance du Chef de l’Etat.
Des remous sociaux et politiques
Les manifestants de Diffa contestent contre l’arrivée d’une vague d’ouvriers recrutés ailleurs, alors même que le profil de la main d’œuvre recherchée existe bel et bien au niveau de la région. Mais derrière cette revendication tout à fait légitime des jeunes de Diffa, tout laisse croire que des mains invisibles se cachent derrière ce mouvement afin d’assouvir des intérêts égoïstes.
En effet, selon nos informations, la région vit depuis quelque temps au rythme des manœuvres politiciennes visant à endoctriner la population pour que celle-ci puisse répondre aux éventuels mots d’ordre d’une certaine race d’hommes politiques. Pour l’heure, on ignore les motivations de ces politiciens à entretenir une situation de non droit dans la région de Diffa, tout comme ils ont réussi à le faire dans certaines régions du pays comme à Zinder, Maradi et Niamey.
Mais au-delà de ces manœuvres politiciennes à Diffa, il a été constaté selon toujours nos sources, que des individus ont réussi à s’infiltrer dans les rangs des manifestants qui s’opposaient aux forces de l’ordre. Leur objectif, apprend-on, était de s’attaquer à la prison civile de Diffa pour libérer des éléments dangereux de la secte Boko Haram, détenus depuis des mois. cette situation devait interpeller les plus hautes autorités du pays, surtout quand on apprend que lors d’une réunion, un élu de la commune rurale de Kilakam avait déclaré que si « leurs problèmes ne sont pas réglés, ils n’hésiteront pas à recourir à l’assistance des éléments de Boko Haram ». Cette menace devait être prise au sérieux par le régime Issoufou, car Diffa qui partage ses frontières avec le Nigeria voisin pouvait bien abriter des éléments de cette secte qui continuent à semer la désolation dans ce pays frontalier avec le nôtre. Dire qu’il n’y a pas des velléités politiques ou autres derrière cette affaire et une certaine tentative de récupération du mouvement par des forces extérieures serait une erreur pour le « Guri », même si par ailleurs un communiqué de presse d’une structure de la société civile, rendu il y a de cela deux jours, dément toute implication politique dans les événements intervenus à Diffa.
Mais à cette situation de Diffa, il faut ajouter l’agitation permanente observée ces derniers temps sur le campus universitaire de Niamey où les étudiants ne font que multiplier des déclarations pour dénoncer le partenariat entre le Niger et Areva et les relations entre la France et le Niger. Après leur mouvement d’humeur de la semaine écoulée, les étudiants à l’Université de Niamey menacent de faire un sit-in devant l’ambassade de France pour dire des vives voix aux représentants de ce pays au Niger, leur désapprobation pour la façon dont les relations entre le Niger et la France se déroulent actuellement.
A ce niveau, il y a lieu de s’interroger sur les vraies motivations qui guident aujourd’hui les étudiants nigériens à s’intéresser aux questions politiques telles que les relations qu’entretient le Niger avec un autre Etat ?
Cette agitation des étudiants intervient malheureusement au moment où le Niger et la France discutent sur le prix de l’uranium nigérien, mais aussi sur le calendrier de mise en service du gisement d’Imouraren, prévu en 2015. Une situation qui amène à se demander pourquoi alors un tel tollé puisque les deux Etats ont ouvert des pourparlers pour négocier ledit contrat de l’uranium ? Quelles sont les réelles motivations des étudiants qui prévoient un sit-in devant l’ambassade de France au Niger dans un contexte d’insécurité ? Il y a lieu également à ce niveau de s’interroger si des esprits malins ne sont pas entrain de jouer leur partition dans cette agitation des étudiants ?
Seules des investigations poussées pourraient permettre au régime de démasquer les mains invisibles qui cherchent par ces basses manœuvres à enflammer ce dossier pour parvenir à leur fin.
Le front social semble se corser pour le régime Issoufou qui fera également face à une grève de 48 heures avec service minimum, le 9 et 10 mai prochain dans le secteur de la santé. Dans leurs préavis de grève, le syndicat unique de la santé et de l’action sociale (SUSASA) et le Syndicat des pharmaciens, chirurgiens dentistes (SYMPHAMED) exigent du gouvernement « la régularisation sans délai du taux des ristournes accordées aux agents de la santé à 35% avec un effet rétroactif ».
Ce mouvement de grève des agents de santé fait suite à la vague d’arrestations opérée dans leur rang après qu’une inspection d’Etat ait conclu que les ristournes perçues par les agents de la santé étaient sans aucune base légale. Au cours de cette grève, seuls les hôpitaux nationaux, régionaux, ceux des districts et les maternités de référence assureront un service minimum. Les Centres de santé intégrée, les maternités de quartier et les services spécialisés seront fermés. Si cette grève vient à être observée, elle aura des conséquences lourdes sur la santé des populations surtout en cette période où des foyers de maladies sont découverts dans plusieurs localités du pays.
A priori, ce mouvement de grève des syndicats de la santé ne pose pas de revendication politique, mais il n’est pas exclu qu’en amont, certaines personnes qui ne veulent pas de stabilité sociale pour ce régime aient beaucoup œuvré en souterrain pour pousser ces syndicats à une situation qui ne peut que déboucher à une cessation de travail, préjudiciable aux couches les plus vulnérables de la population qui fréquentent le plus les centres publics de santé au Niger.
Ce mouvement de grève que projettent d’observer les agents de santé était pourtant prévisible surtout quand on sait qu’en 2001, la même question de ristournes avait défrayé la chronique avec des grèves perlées dans ce secteur. Alors, pourquoi dès lors que ce problème est connu par qui de droit, des mesures n’ont pas été prises pour prévenir cette situation ? La question mérite toutefois d’être posée.
au vu donc de cette montée du front social, notamment la situation qui a prévalu la semaine écoulée à Diffa, l’opposition politique a fait elle aussi son entrée sur la scène à travers cette déclaration rendue publique hier, et dans laquelle elle « condamne sévèrement le réflexe de la gâchette facile et la propension à la violence aveugle émanant de ceux qui ont pourtant le devoir régalien de protéger les citoyens et leurs biens ».
Selon l’ARN, « s’il est admis que la récurrence des manifestations publiques est le signe d’une vitalité démocratique, la forme et le contenu anachronique des réponses à elles apportées par les autorités de la 7ème République dénotent encore une fois de plus leur amateurisme et leur propension à tout vouloir régler par le mensonge, la dictature et la violence ». Aussi, pour l’ARN, l’ordre public et républicain est d’abord et avant tout celui qui protège les citoyens et leurs biens et non celui qui installe un régime de prédation au profit de clans.
C’est pourquoi, elle exige du gouvernement, entre autres, le strict respect des dispositions de l’article 152 de la Constitution qui stipule que « les recettes réalisées sur les ressources naturelles et du sous sol sont réparties entre le budget de l’Etat et les budgets des Collectivités Territoriales conformément à la loi, le reversement intégral des 15% des redevances aux collectivités territoriales hôtes des sociétés extractives; la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire pour faire la lumière sur toutes les crises de mal gouvernance, identifier et châtier les auteurs, coauteurs et complices des différentes violation criardes des droits de l’homme et autres barbaries commises au nom de l’Etat, etc. Ces exigences de l’opposition qui peuvent être considérées comme étant également des menaces contre le régime pourraient bien déboucher sur des interpellations à l’Assemblée nationale des ministres en charge de ces questions.
Et pour ne rien arranger à cette situation de menaces latentes contre le « Guri », l’atmosphère de franche collaboration au sein de la majorité au pouvoir n’est également guère reluisante, avec toutes ces crises de positionnement qui l’assaillent. Ces crises ne sont tout de même pas de nature à créer un climat politique assez favorable pour le Chef de l’Etat dans le cadre de l’exécution de son programme de gouvernance sur la base duquel le peuple nigérien l’a élu.
Ainsi, il est apparu dans le cadre de l’exécution du programme de renaissance que certains alliés du Chef de l’Etat dans la gestion du pouvoir d’Etat ne jouent pas franc jeu. Certaines menaces contre le régime seraient créées ou entretenues à leur sein. Alors, dans ces conditions, comment le Président de la République pourra-t-il tenir toutes les promesses faites au peuple nigérien ? Cette absence de cohésion au sein de la mouvance n’est-elle pas l’épicentre de toutes ces menaces qui pèsent sur le régime Issoufou ? Ces interrogations méritent d’être soulevées, car si chacun des acteurs, assume pleinement ses responsabilités, toutes ces tensions ne vont pas s’abattre de la sorte sur le régime.
En tout état de cause, la solution à toutes ces questions ne peut que venir du Président de la République qui doit au plus vite redéfinir sa stratégie de gouvernance et au-delà les rapports qu’il entretient avec certains de ses alliés.