C’est aujourd’hui, mardi 4 mars que s’ouvre à l’hémicycle, sis place de la concertation à Niamey, la session ordinaire du parlement nigérien. Une session très attendue par les nigériens au vu des différents enjeux politiques de l’heure.
Les regards convergent vers ce qu’il est devenu désormais convenu de qualifier de « cas Hama Amadou ». L’actuel président de l’Assemblée nationale dont le parti a dernièrement quitté la majorité parlementaire pour se rallier à l’opposition, est sous la menace d’une motion de défiance de la part de ses anciens alliés. Jusque-là, Hama Amadou qui a publiquement déclaré n’avoir pas peur d’une motion de ce genre, pouvait dormir sur ses lauriers puisqu’en dépit du ralliement de plusieurs députés de l’opposition à la majorité, cette dernière ne disposait pas des 2/3 des députés requis pour que la motion passe.
Cette fois, les dés sont peut-être jetés si l’on se fie à l’optimisme dont font preuve les membres de la mouvance présidentielle qui comptent sur le ralliement de nouveaux députés. A ce sujet, c’est le nom d’un député de la CDS Rahama de Mahamane Ousmane qui est fortement cité. Selon certaines sources proches de la MRN que nous avions contactés, ce n’est pas moins de 74 députés qui sont considérés comme acquis à la cause de la majorité parlementaire soit 4 députés de plus que le nombre de voix engrangés par le camp présidentiel lors de la motion de confiance que s’est fait valider le gouvernement à l’issue de la dernière motion de défiance soumise au Parlement par l’exécutif. A la veille de l’ouverture de cette session c’est donc 2 députés qui restent à la majorité pour faire débarrasser Hama Amadou de son perchoir, selon les calculs partisans au sein de la MRN.
Il est difficile à l’heure actuelle de confirmer cette hypothèse surtout que du coté de l’opposition on annonce aussi que d’autres députés acquis, secrètement à la cause de l’opposition ou de Hama amadou, vont faire défection pour le vote de cette motion. Là aussi, les déclarations sont difficiles à vérifier au vu du climat de suspicion généralisée qui règne au sein de la scène politique du pays.
Il convient de noter que c’est le ministre de l’intérieur Hassoumi Massaoudou, une des grandes figures du PNDS Tareyya et un proche parmi les proches du président Issoufou Mahamadou qui a annoncé les couleurs il y’a quelques semaines en déclarant sur RFI que « Hama Amadou ne méritait plus d’être le président de l’Assemblée nationale ».
Dès lors, il est apparu clair pour le commun des nigériens que la mouvance présidentielle (MRN) a décidé de mettre tout en œuvre pour mettre à exécution sa menace de faire tomber Hama Amadou de son poste de président de l’Assemblée nationale qui lui vaut d’être la deuxième personnalité de l’Etat alors même que son parti est désormais encarté à l’opposition. Mieux encore, le fait que Hama Amadou s’auto-érige en chef de file de cette dernière et donc en challenger sérieux de Mahamadou Issoufou pour les prochaines présidentielles, n’a fait qu’amplifier les tensions de parts et d’autres et justifie dans une large mesure la focalisation de l’opposition sur la personne de l’ancien premier ministre. Pour rappel, l’actuel ministre des Affaires étrangères Bazoum Mohamed et par ailleurs nouveau président du PNDS avait auparavant explicitement laissé entendre qu’au cas où Hama Amadou « dérangeait », ils n’hésiteront pas à envisager cette éventualité, c’est-à-dire le destituer ou « l’isoler » selon les mots de Massaoudou. Une déclaration qui vaut sa valeur venant du premier flic du pays et qui a été d’ailleurs perçue comme une véritable offense à leur encontre par les partis de l’opposition qui entendent saisir la justice sur cette indexation. Par la suite, c’est au tour d’un député du PNDS d’annoncer au parlement que la prochaine étape après la motion de défiance déposée par le gouvernement, c’est le débarquement de Hama Amadou de son perchoir.
Cette affaire, comme le laisse supposer ses diverses implications, risque fort de cristalliser les débats au cours de cette session consacrée normalement au vote des lois.
Des rumeurs font même état d’une probable démission de Hama Amadou dans le sens d’assumer son départ de la majorité et aussi et surtout pour ne pas donner satisfaction à cette dernière. Les craintes d’une manœuvre de l’opposition visant à obtenir la dissolution de parlement sont également évoquées, ce qui ne fait qu’amplifier les inquiétudes relatives à la détérioration du climat actuel.
Du coté de l’opposition, c’est l’alerte générale puisque ces derniers temps, le climat politique est devenu des plus délétères et en dépit d’argument face au rouleau compresseur mis en œuvre par le pouvoir, les partis de l’opposition font peser une sorte d’épée de Damoclès au pouvoir en menaçant ouvertement de recourir à la confrontation politique avec le pouvoir. La dernière sortie de Mahamane Ousmane et les messages véhiculés lors des différents meetings politiques tant de l’opposition que du pouvoir, en disent beaucoup sur le climat qui prévaut actuellement à Niamey.
C’est ce que craint d’ailleurs un observateur de la scène politique du pays pour qui cette affaire risque de conduire à une radicalisation de l’opposition avec en toile de fond l’embrasement du front politique. Cela d’autant plus que les partis de l’opposition n’ont pas encore digéré la situation qu’ils vivent en interne avec les procès en instance qu’ils subissent à la suite du départ de plusieurs de leurs militants qui ont rallié le camp présidentiel. Après la CDS, c’est le MNSD qui va devoir ouvrir une nouvelle page judiciaire de son histoire en attendant probablement le Lumana. Pour l’opposition il ne s’agit que des manœuvres de la majorité pour les affaiblir en vue des prochaines élections. Par ailleurs, il intéresse de relever que d’autres sujets au menu de cette session ne manqueront de cristalliser les attentions et de dégénérer en conflit d’intérêt politiques entre pouvoir et opposition. Il s’agit entre autres de la discussion pour la ratification parlementaire du fameux prêt d’Eximbank et celui contracté par l’Etat du Niger auprès de la République du Congo.
En somme tous les ingrédients sont réunis pour rendre explosif ce véritable cocktail politique alors que d’autres questions à caractère socioéconomique s’avèrent plus prioritaires pour le pays. C’est le cas de la menace de crise alimentaire qui plane dans la région, de la menace sécuritaire ainsi que du climat social avec la situation scolaire qui laisse encore à désirer.
Le gouvernement est par ailleurs attendu sur l’issue des négociations avec AREVA à la suite du prolongement des négociations entre l’Etat du Niger et la multinationale française.