M. Habi Mahamadou Salissou, ministre de l’Urbanisme et du Logement : "La meilleure façon de réduire les coûts des loyers est d’augmenter considérablement l’offre en logement "
Monsieur le ministre, les Nigériens vivant dans les centres urbains sont confrontés aux problèmes de logements. Quelles solutions votre département ministériel préconise pour remédier à ce problème?
En effet, aujourd’hui, le logement est la principale préoccupation des citadins. C’est pour répondre à cette préoccupation des Nigériens en général, surtout ceux vivant dans les centres urbains, qu’il a été prévu dans le Programme de la Renaissance de Son Excellence Monsieur le Président de la République, la construction de 1000 logements sociaux par an, soit cinq mille logements pour ce quinquennat. C’est vrai que c’est même peu par rapport à la demande, pourquoi pas 40.000 logements? C’est difficile, mais nous sommes en train de tout mettre en œuvre pour que d’ici la fin de ce mandat, ce challenge là soit relevé. Mon département ministériel est à pied d’œuvre pour la concrétisation de cet ambitieux programme. Plusieurs conventions de partenariat public-privé sont signées, ou en cours de signature, pour la construction de près de 10 000 logements à Niamey et dans les autres chefs-lieux de région, et nous gardons bon espoir quant à l’aboutissement de ces dossiers, surtout après l’adoption, par l’Assemblée Nationale, de la loi fixant le régime financier, fiscal et comptable applicable aux contrats de partenariat public-privé. Très bientôt, nous allons tout mettre en chantier.
Et qu’en est-il, Monsieur le ministre, des conditions et modalités d’accès à ces logements sociaux?
Nous avons organisé dernièrement un atelier d’information par rapport à ces logements sociaux, et nous sommes déjà en train de recueillir plusieurs centaines de demandes, tant à Niamey qu’à l’intérieur du pays. Ce qui montre tout l’engouement que suscite cette opération. Le degré d’engagement du Chef de l’Etat nous permet d’aller résolument vers la construction des logements sociaux, des logements économiques, et même des logements administratifs, pour abriter la plupart des cadres et des services de l’Etat. Vous n’êtes pas sans savoir qu’aujourd’hui, la plupart des ministères, des directions centrales et régionales sont en train de louer, parce qu’il y a un manque de bâtiments. Une politique est engagée, et nous sommes sûrs que nous allons la réussir. Maintenant, par rapport à un certain nombre de questions que les gens se posent, nous sommes ouverts et à travers nos services techniques, on pourra certainement leur répondre.
Pour le moment, Monsieur le ministre, le plus grand problème pour les candidats au logement, c’est surtout la cherté des loyers dont les frais grimpent sans cesse. Que peuvent faire les autorités pour tous ces locataires désemparés face au diktat des bailleurs ?
S’agissant de la question des loyers, il faut déjà rappeler l’adoption, en 1996, de l’ordonnance portant code des baux à loyers qui a pour objectif de codifier les rapports entre bailleurs et locataires. Même si cette loi n’a pas eu pour vocation de fixer de façon unilatérale les coûts des loyers, elle donne certaines garanties aux locataires. De notre point de vue, la meilleure façon de réduire les coûts des loyers est d’augmenter considérablement l’offre en logements aussi bien locatifs qu’en pleine propriété. Car la cherté des loyers est liée au manque justement de logements. Si, aujourd’hui, l’offre des logements est supérieure à la demande, certainement les loyers vont baisser. Mais aujourd’hui, quand vous demandez une maison à Niamey, ce n’est pas dans tous les quartiers que vous pouvez l’avoir, et les gens mettent les prix qu’ils veulent. Pour nous, chaque Nigérien a le droit d’avoir un toit. C’est une obligation constitutionnelle que nous sommes obligés de remplir. Par rapport à cette situation, la meilleure façon de réduire les coûts des loyers, c’est d’augmenter considérablement l’offre. Par conséquence, la mise en œuvre du programme indiqué ci-dessus contribuera incontestablement à la baisse des loyers. Il s’agit, en fait, d’une loi du marché basée sur l’offre et la demande. C’est vrai qu’il y a le libéralisme, mais ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir sont quand même des socialistes, et je pense que le fait de faire déjà la promotion des logements sociaux, prouve que l’Etat intervient dans une grande proportion dans la recherche d’une solution à la question. L’Etat n’a pas croisé les bras, mais il fait tout pour amener le grand nombre de citoyens nigériens à avoir un toit, pour mieux vivre, car c’est de cela qu’il s’agit.
Est-ce que l’exemple du Sénégal, où le Gouvernement a décidé de réduire les prix du loyer, peut inspirer les autorités nigériennes ?
Ce que je dis, est que tout cela peut être abordé à travers une loi. L’Etat peut initier une loi, qu’il doit amener à l’Assemblée Nationale ; les députés peuvent aussi faire une proposition de loi pour réduire les coûts des loyers. Ce qui est sûr, c’est que nous sommes obligés, par les textes fondamentaux du Niger, d’assurer le bien-être de la population nigérienne. Tout est possible, mais on ne doit pas forcément prendre l’exemple d’un autre pays. Les exemples au Niger sont assez édifiants dans tous les cas. Mais aujourd’hui, nous allons poser cette problématique, et le gouvernement peut certainement prendre des dispositions pour améliorer les rapports entre les bailleurs et les locataires. Je ne pense pas qu’une décision gouvernementale pour réduire les coûts des loyers serait efficace. Encore une fois, je pense que l’Etat pourra jouer sur le niveau des loyers, en prenant toutes les mesures idoines pour augmenter l’offre en logements; ce qui engendrera inévitablement une réduction du prix du loyer.
D’aucuns considèrent l’immobilier comme le secteur d’investissement le plus sûr. Quelles retombées tire l’Etat en termes de taxes et impôts de cet important business, Monsieur le ministre ?
L’Etat et les collectivités locales tirent en effet des retombées financières allant des droits de douanes sur l’importation des matériaux de construction, à l’impôt foncier, en passant par les frais d’enregistrement et les taxes sur les transactions immobilières. Toutefois, ce sont les services compétents du Ministère des Finances qui pourront vous donner les chiffres précis liés à ces retombées financières.
Monsieur le ministre, c’est un constat, nos villes s’agrandissent à un rythme rapide. En même temps, on constate que les dispositions ne sont pas prises pour viabiliser les nouveaux quartiers où les habitants se retrouvent face aux problèmes d’approvisionnement en eau, en énergie électrique et en assainissement, et aussi au manque d’infrastructures sociaux de base. Que prévoit votre département ministériel face à cette situation?
Ce constat est malheureusement très pertinent puisque les différents lotissements, qu’ils soient initiés par les municipalités ou par les promoteurs privés, ne sont pas viabilisés d’avance, quelques rares exceptions mises à part. Par ailleurs, la faiblesse des ressources des municipalités ne permet pas de procéder à cette viabilisation dans des délais relativement courts après l’installation des populations. Mais aussi, il faut dire que les lotissements viabilisés coûtent cher, et les gens n’ont pas toujours les moyens de les acquérir. Et, ces personnes qui cherchent à en finir avec la location, acceptent d’acheter les parcelles n’importe où, pourvu qu’elles arrivent à construire leurs maisons. Cette situation nous contraint à ce qu’il convient d’appeler »l’urbanisme de rattrapage » pour doter les différents quartiers d’infrastructures minimales indispensables pour l’amélioration des conditions de vie des populations. Pour ce faire, outre les efforts propres de l’Etat et des collectivités locales, nous bénéficions aussi de l’appui de nos partenaires techniques et financiers qui interviennent dans le secteur des infrastructures. Mais, il faut vraiment souligner, une fois encore, la pertinence du problème que vous posez, en matière de lotissement. Pour cela, nous entendons veiller à ce que tous ceux qui font les lotissements, qu’il s’agisse des collectivités ou des promoteurs privés, prennent les dispositions nécessaires afin que tout soit fait dans les règles de l’art. Notre ministère entend jouer tout son rôle. Et, au-delà des logements, nous nous occupons aussi de tout ce qui est bâtiment administratif, des normes en matière de construction, et aussi, dans le cadre de nos missions, les services et les particuliers peuvent recourir au service des techniciens.
Le Gouvernement a annoncé, tout récemment, sa décision de réhabiliter les villages urbains de Saga et Gamkallé, à Niamey. Comment sera menée cette opération ?
Ce programme concerne Saga et Gamakalé, qui sont aujourd’hui des quartiers de la ville de Niamey. L’objectif de cette opération est d’aboutir, à terme, à la réhabilitation de ces villages urbains à travers la réalisation des infrastructures (voiries, eau, électricité, assainissement), l’élévation du niveau des équipements socio-collectifs, le décongestionnement des concessions surpeuplées, la régularisation foncière, etc. Ces actions engendreront inévitablement le déplacement de certains habitants de ces quartiers et leur recasement sur un autre site à aménager avec toutes les commodités nécessaires. Cette opération sera mise en œuvre à travers plusieurs phases successives dont celle dite »phase test » prévue de mai 2014 à septembre 2015.