Le 8 mai 2013, Seini Oumarou, chef de file de l’opposition nigérienne, a rencontré la presse pour faire le bilan de la gestion des deux ans du pouvoir d’état du président de la République. A cette occasion, il a démenti tout ce que le président Issoufou a annoncé, lors de son message à la Nation le 6 avril 2013, comme réalisations de la 7ème République dans les domaines de la gouvernance politique et institutionnelle, de la gouvernance économique et financière, ainsi que sur le plan de la gouvernance sociale.
La réplique du Porte parole du gouvernement n’a pas tardé. Dès le lendemain de la sortie médiatique du chef de file de l’opposition, Marou Amadou, le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, lui a répondu du tic au tac en sa qualité de porte parole du Gouvernement. Selon les observateurs de la scène politique nigérienne, la réaction de Seini Oumarou, s’explique par le fait que l’opposition doit veiller à ce que les actes posés, au nom du peuple, reflètent non seulement, les aspirations légitimes de ce dernier, mais également et surtout, qu’ils respectent les normes de la bonne gouvernance, gage de tout développement économique et social. Que faut-il retenir de cette confrontation entre l’opposition et la majorité au pouvoir ?
D’où l’opposition tire-t-elle ses informations ?
Aux dires de Seini Oumarou, les chiffres qu’il donne émanent des militants des partis politiques membres de l’Alliance pour la Réconciliation Nationale (ARN) présents dans toutes les contrées du pays. A partir de ses sources, l’opposition procède à la vérification sur le terrain des actions dites réalisées et annoncées par les autorités de la 7ème République. Ainsi, l’opposition par la voix de Seini Oumarou a-t-elle comparé et passé au peigne fin les résultats énoncés par le Président Issoufou dans les secteurs de l’éducation, de la santé, de la lutte contre le chômage, de l’agriculture, de l’hydraulique, des infrastructures routières, de l’exploitation pétrolière et minière. Dans le même temps, afin de pouvoir disposer de compléments d’information sur les chiffres avancés par le Président de la République, Monsieur Seini Oumarou a personnellement adressé des correspondances, aux ministres en charge de l’Agriculture, de l’Education Nationale, de la Fonction publique, des Finances, de l’Hydraulique et de l’Environnement et adressé des requêtes au Haut Commissaire à l’Initiative 3N, au Directeur Général de l’Agence Nigérienne pour la Promotion de l’Emploi (ANPE) ainsi qu’à l’ensemble des huit (8) gouverneurs, et ce, conformément à l’esprit de l’Ordonnance du 23 février 2011, réglementant l’accès à l’information publique et aux documents administratifs.
Que pense le gouvernement de cette procédure ?
A propos des dispositions de l’Ordonnance de 2011, Marou Amadou, qui était président du Conseil Consultatif National lorsque le texte fut adopté, il estime que cette ordonnance a surtout pour objectif d’aider les journalistes à avoir des informations cachées par certaines administrations. Pour lui, dès lors que l’opposition dispose d’un document officiel qui contient toutes les informations sur les réalisations qui ont été faites pendant les deux ans du pouvoir de la 7ème République, que chercherait Seini Oumarou dans une requête adressée dans un ministère ou à un gouverneur ? Que ces personnes se dédisent ou donnent des informations contraires à ce qu’elles ont déjà données et qui sont déjà publiées ? Pour Marou Amadou, si le chef de file de l’opposition ne croit pas à ce que le président a dit, s’il reste dans la logique de tout vouloir nier en bloc et de traiter de mensongère la déclaration du Président de la République, alors que veut-il réellement ? Selon lui, cela relève tout simplement de la mauvaise foi.
Des chiffres erronés dans tous les domaines ?
Dans le domaine de l’éducation,
Seini Oumarou annonce que selon leurs propres investigations, il ressort clairement que les chiffres avancés par le Président de la République sont erronés. Pour preuve, les vérifications sur le terrain indiquent un total de 2.833 salles de classes dont bon nombre sont toujours en cours de réalisation, au lieu des 3.207 classes annoncées, soit une différence de 374 salles de classes. A titre illustratif, l’opposition dit avoir découvert dans la commune rurale de Karma, que sur les 22 classes comptabilisées dans les réalisations de 2011, seules 4 classes sont officiellement réceptionnées, et ce, en 2013. Cet exemple est assez illustratif pour l’ensemble des communes du Niger. Seini Oumarou de rappeler qu’à la date du 7 avril 2013, ce sont 5.000 salles de classes qui devraient être construites, réceptionnées et opérationnelles en deux ans d’exercice, au lieu de 3207 annoncées par le Président de la République dans son message à la nation. A ce niveau la réplique du Porte parole du gouvernement est claire. D’abord pour Karma, il s’agit de 21 classes au lieu de 22 comme annoncé par le chef de file de l’opposition. Il lui fait comprendre que, aussi bien pour les classes que pour les routes, on ne les commence pas aujourd’hui pour les finir le lendemain et que les chiffres annoncés par le président ne font pas l’ombre d’un doute. Et ça, Seini Oumarou le sait bien, c’est encore une fois de plus de la mauvaise foi.
Dans le domaine de la santé, là encore Seini Oumarou dit que
le Président de la République ne s’est pas hasardé à avancer des chiffres. Il s’est contenté par contre d’énoncer des réalisations abstraites, telles que la mise à niveau des équipements, le recrutement d’un nombre important de médecins et d’infirmiers, la poursuite de la gratuité des soins et la construction d’infrastructures. Peut - on dire que le recrutement de médecins et la construction d’infrastructures sont des actions abstraites ? Pourtant, s’agissant du recrutement d’un nombre important de médecins et d’infirmiers ce sont 1.530 agents de santé qui ont été recrutés l’année passée, parmi lesquels des médecins, des infirmiers et des sages femmes. Le rapport sur le bilan du gouvernement évoque un chiffre de 2.912 agents permanents recrutés dans le secteur de la santé au cours des deux ans. En faisant la différence entre ces deux chiffres, il apparaît clairement que le nombre de recrutés dans ce secteur au titre de l’année 2012 est de 1.382. Or, selon ses investigations, l’opposition aurait trouvé que ce sot 647 qui ont été recrutés au titre de l’année 2012. Pour donc Seini Oumarou, Il s’agit essentiellement des contractuels de la santé, recrutés à la fonction publique, soit une différence de 735 par rapport aux chiffres annoncés dans le bilan de l’AN 2 de la Renaissance. Le gouvernement se pose la question de savoir de quels moyens dispose l’opposition pour avoir ces chiffes des médecins et infirmiers qui ont été recrutés sur l’ensemble du territoire national ? Encore un tissu de contre vérités dira le porte parole du Gouvernement.
Dans le domaine de l’Agriculture,
le chef de file de l’opposition émet des doutes sur ce que le Président de la République a annoncé en ce qui concerne l’investissement de plus de 155 milliards de FCFA dans ce secteur notamment en matière de réhabilitation d’environ 1.500 ha d’aménagements hydro agricoles, à l’aménagement de 2.000 ha environ pour la grande irrigation et à l’aménagement de plus de 12.000 ha de nouvelles superficies pour la petite irrigation. Seini Oumarou estime qu’il s’agit là de l’amateurisme et du mensonge d’État, qui sont en passe de devenir une catastrophe nationale. Ici, le porte parole du gouvernement a fait comprendre au chef de file de l’opposition que ces superficies sont destinées aux paysans qui vont les mettre en valeur et non le président de la République ou les membres du gouvernement.
Dans le domaine de l’emploi,
comme dans les autres secteurs, Seini Oumarou estime que les résultats obtenus sont en deçà des promesses faites par le Président de la République à la jeunesse nigérienne. C’est pourquoi il pense que la ministre de la fonction publique et l’actuel Directeur Général de l’ANPE n’ont pas daigné répondre à sa requête, malgré l’existence de l’Ordonnance du 23 février 2011, réglementant l’accès à l’information publique et aux documents administratifs.
En parlant du fonds pour les générations futures,
Seini Oumarou a cité l’article 153 de la loi fondamentale qui stipule que « L’État veille à la création d’un fonds pour les générations futures et à investir dans les domaines prioritaires, notamment l’agriculture, l’élevage, la santé, l’éducation ». L’article 152 de la Constitution précise par ailleurs que « les recettes réalisées sur les ressources naturelles et du sous-sol sont réparties entre le budget de l’État et les budgets des collectivités territoriales, conformément à la loi ».Seini Oumarou dit que ce fonds pour les générations futures, n’a toujours pas été créé. Et à Marou Amadou de répliquer qu’en investissant dans l’agriculture, l’élevage, la santé, l’éducation, le gouvernement pense déjà aux générations futures. Est-ce, a-t-il dit, en mettant de l’argent dans un compte qui signifie qu’on crée un fonds pour les générations futures ? Non, a-t-il répondu, en investissant dans les secteurs comme l’éducation, on investit pour les générations futures, a conclu le ministre porte parole du gouvernement. Mais la guéguerre entre l’opposition ne faisait que commencer. Aussitôt après la réplique du gouvernement, l’ARN, par le biais de son porte parole, monsieur Ousseini Salatou, s’est acharné sur Marou Amadou qu’il a qualifié de secrétaire général du syndicat du gouvernement. Mieux, il s’est engagé à rendre coup sur coup toute insulte que Marou s’autoriserait à faire à l’endroit de Seini Oumarou qui lui, n’a insulté personne car il n’a fait que ce que la loi lui permet de faire. A l’entendre parler, les hostilités sont dont ouvertes et la sérénité qui avait prévalu jusqu’ici risque de se détériorer.