En effet, Clémence Maïnassara vient de saisir la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) pour établir la vérité sur l'assassinat de son mari, et obtenir, enfin, justice.
Chez les Grecs, ce qu'on nommait le « Kairos », désignait, tout simplement, le temps du bon moment, du moment opportun. Et, toute démarche ou action ne pouvait donc se concevoir en dehors de ce « Kairos ».
Refusant la rude loi du silence depuis l'assassinat de son mari en 1996 par des éléments de sa garde présidentielle, la veuve de l'ancien président nigérien, Ibrahim Baré Maïnassara, semble avoir réussi, grâce à son intrépidité et à son imagination, à détecter le bon moment pour lancer son offensive judiciaire.
18 ans après les faits, la veuve Maïnassara a choisi de porter le dossier sur les plans international et sous-régional
En effet, Clémence Maïnassara vient de saisir la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) pour établir la vérité sur l'assassinat de son mari, et obtenir, enfin, justice.
Rappelons que 18 ans après les faits, constatant l'incapacité de l'appareil judiciaire nigérien à traiter efficacement ce dossier, la veuve Maïnassara a choisi de le porter sur les plans international et sous-régional.
Comme on le voit, nous n'avons pas affaire à une veuve résignée. Il convient de souligner que l'arrivée de John Dramani à la tête de la CEDEAO n'est pas étrangère à la démarche de Clémence Maïnassara. De même, les derniers retentissements liés à l'affaire Thomas Sankara n'ont pas manqué de redonner confiance et espoir à l'épouse de l'ancien chef de l'Etat nigérien.
A cela, il faut ajouter l'arrivée au pouvoir du président nigérien Mahamadou Issoufou. Car, n'étant pas du tout mêlé à cet odieux crime, nul plus que lui n'est bien placé pour faire toute la lumière sur l'un des épisodes les plus tragiques de l'histoire politique du Niger.
Au-delà de son désir de vérité et de justice, elle préconise le rejet total de la violence systématique dans la vie politique africaine
Bien sûr, on ne peut ignorer, dans ce genre d'affaire, la complexité labyrinthique des faits, de surcroît lorsque ce complot a bénéficié de la complicité voire de la connivence d'Etats voisins du Niger. Cela dit, ce qui est en jeu ici, ce n'est pas seulement le besoin de justice de la veuve Maïnassara, mais bien la transformation pacifique et démocratique des sociétés africaines.
D'ailleurs, comme elle l'a si bien dit elle-même, au-delà de son désir de vérité et de justice, elle préconise le rejet total de la violence systématique dans la vie politique africaine.
Clémence Maïnassara a pleinement raison. Car, sur le continent noir, à l'heure actuelle, certaines forces continuent d'ériger la violence en procédé politique normal et banal, avec un mépris inégalé pour l'existence humaine.
La démarche de la veuve Maïnassara représente donc un combat pour la liberté, la démocratie et la dignité humaine. Mais réussira-t-elle à obtenir gain de cause auprès de la Cour de justice de la CEDEAO ? Rien n'est moins sûr.
Mal connue des justiciables africains, cette Cour ne manque pas de susciter doutes et interrogations concernant la crédibilité de ses décisions.
Quoi qu'il en soit, Mme Clémence Maïnassara a pleinement le droit, moralement et politiquement, de saisir cette Cour.
Oui, dans cette affaire, une relation intime existe entre vérité, justice et démocratie. Et, espérons qu'à l'heure actuelle, au Niger, il ne se trouve plus d'hommes pour souhaiter à leur pays la répétition d'un tel drame.
Pour Clémence Maïnassara, au-delà du crime commis contre son mari, ce qui doit l'emporter, en définitive, c'est son amour pour la vie.
